SOUTIEN

220 13 12
                                    


Les aiguilles bougent lentement. Erza les observe, silencieuse, son regard vide dérivant peu à peu vers la lumière provenant du couloir. Elle entend à peine les tiroirs s'ouvrir brutalement, ses oreilles n'arrêtant pas encore de siffler ; elle ne sait pas quand tout ça va s'arrêter, quand est-ce que cette boule dans son ventre et dans sa poitrine vont cesser de gonfler, au point de l'empêcher de respirer.

Elle est appuyée contre le dossier de la chaise, sa main serrant encore fermement la brochure que le médecin lui a donné la toute première fois. Ce petit instant, ce rendez-vous qui a fait voler sa vie en éclats juste avec quelques mots. Pourtant, les cancers se soignent, non ? Alors pourquoi a-t-elle l'impression qu'elle est incapable de surmonter ça ?

Gerald la rejoint et attrape ses mains pour lui intimer de venir avec lui. Un étau de chaleur qui lui donne envie de penser que tout ça, c'est juste une blague, qu'elle ne s'apprête pas à vivre un long et intense combat pour espérer une meilleure existence par la suite. Des chances minimes, mais qui sont pourtant là.

« Tu es prête ?, murmure-t-il. »

Elle hoche la tête ; c'est tout ce qu'elle peut faire, sa gorge devenue trop serrée pour laisser un mot glisser entre ses lèvres blanches. Gerald embrasse sa tempe, lentement, longuement, et elle inspire son odeur pour se donner du courage. C'est le moment, elle le sait, lui aussi. L'étape doit être franchie et elle ne le fera pas seule, non.

Il sera là pour elle, comme il l'a toujours été.

Le robinet goutte encore mais, bientôt, elle ne l'entend plus. À la place, le bruit des ciseaux coupant ses longues mèches résonne dans la salle de bain. Elle n'a pas besoin de baisser les yeux pour savoir qu'elles tombent délicatement sur le sol carrelé. Son ventre est serré, c'est douloureux, comme à l'intérieur de sa poitrine.

Incapable de s'asseoir malgré qu'elle se sente prête à défaillir, elle a préféré rester debout. Le temps a l'air de continuer au ralenti ; une douce torture, une réalité étranglante, quelque chose qui la ronge petit à petit. C'est étouffant. C'est impossible de mettre en pause. Elle subit cet instant de vie, incapable d'autre chose.

Une larme dévale lorsque Gerald revient devant elle. La paire de ciseaux a laissé place à la tondeuse à cheveux. Les battements de son cœur s'accélèrent et elle relève le menton pour plonger dans l'océan mordoré de ses yeux. Elle en a besoin ; elle a besoin de voir que rien ne changera entre eux. Elle a besoin de se rassurer. Elle a besoin de lui, de son soutien, de son amour, de son sourire capable d'apaiser ses craintes.

Pourtant il a l'air d'avoir aussi mal qu'elle, d'être autant blessé, écorché, son regard brillant de craintes et de tristesse. Elle sent sa main gauche se poser sur son visage pour le lui tenir, doucement, délicatement, comme pour ne pas la briser davantage. L'instant d'après, la pièce est remplie de ce son électronique qui lui arrache ses premiers sanglots.

Erza pleure.

Elle pleure bruyamment, le visage rouge, la lèvre tremblotante. Elle qui, pourtant, jusque là, a su tenir bon. Tout semble s'effondrer à cet instant même ; sa vie, son futur, ses rêves. Sa poitrine monte et descend au rythme de sa respiration saccadée alors qu'elle enfouit sa tête contre le torse du jeune homme.

L'espoir que tout se termine rapidement lui parait si illusoire.

Délicatement, Gerald lui intime de reculer afin de finir ce qu'il a commencé, avec elle. Elle sait qu'il ravale sa propre tristesse ; sa mâchoire est contractée et ses yeux hurlent à sa place. Mais il continue, oui. La pulpe de son pouce efface les traces de sa peine, caressant avec une infinie douceur sa pommette rose.

Sa main, chaude, remonte sur son crâne pour retirer les cheveux déjà coupés. Elle les sent effleurer son cou, sa nuque, ses bras, avant d'atterrir entre eux, comme une frontière. Le bruit s'est arrêté et il a reposé la tondeuse sur le bord du lavabo. Sa vue est encore brouillée par les larmes quand il se remet face à elle, ses bras puissants l'attirant dans une étreinte remplie de promesses.

« Je ne pars pas, Erza. Je serais là. Je serais là jusqu'au bout. »

Des moments de la vieDonde viven las historias. Descúbrelo ahora