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La colère, voilà un exemple parfait de cette dangereuse dérive. Elle m'a toujours semblé bien plus forte et bien moins dissimulable que celle des autres. Je n'ai pas le temps de la voir arriver qu'elle est déjà là, et quand elle s'installe, elle détruit beaucoup de choses sur son passage.

Enfant, les crises de colère que je faisais étaient vraiment impressionnantes, je criais, je lançais tout ce que je trouvais autour de moi, je faisais un grabuge qui pouvait, non sans exagération, provoquer une telle onde de choc que j'en viens à me demander si je ne suis pas indirectement responsable de certains tsunamis dans les pays du pacifique. Non, je plaisante, bien évidemment, quoique...

Oui, j'admire ceux qui arrivent à contenir leur colère et l'exprimer de façon saine, de telle sorte qu'on ne puisse presque plus la remarquer et qu'elle ne fasse pas désordre dans l'entourage.

Je me souviens d'une crise de colère qui m'avait prise alors que je n'étais âgé que de cinq ans, j'étais dans ma chambre et mon petit jouet musical en forme de moulin s'était retrouvé en quelque secondes projeté contre le mur du couloir puis avait finit sa course en bas de l'escalier. Quand je fus calmé, j'étais consterné de voir que j'avais cassé un des jouets que je préférais, mon petit moulin ne faisait plus de musique et il était cabossé. J'étais tellement triste que je le regrette encore aujourd'hui; Après tout, le pauvre ne m'avait rien fait.

En grandissant, lorsque je me trouvais dans une situation difficile, j'ai appris à user de tous les mécanismes de défense que je pouvais avoir pour masquer la colère que je ressentais, avec plus ou moins de succès. Avec le recul, cette stratégie m'avait apporté plus de problèmes qu'elle n'en évitait. Ravaler sa colère, essayer de rester stoïque, ne pas exploser, ne pas se montrer faible ou paraître lunatique, toutes ces stratégies m'avaient en fin de compte fait énormément de mal. Car je n'ai jamais véritablement appris à gérer ma colère sainement.

J'ai ressenti le besoin d'évacuer toutes ces tensions et ces non-dits accumulés depuis des années en me défoulant sur des objets mais rien ne sortait, un peu comme si la colère avait fini par se cristalliser à l'intérieur de moi-même, qu'elle avait fini par devenir une sorte de maladie chronique, un bouclier, une philosophie de vie, une seconde nature, que sais-je.

J'ai alors demandé de l'aide à de nombreux psychologues et sophrologues pour gérer la colère que je pouvais ressentir, malheureusement aucun conseil ne fonctionna, ni la respiration, ni l'ancrage, ni aucune autre technique ne fonctionna. C'est comme si je n'étais pas adapté aux méthodes censées marcher sur les autres. Je me sentais une fois de plus décalé, mais aussi et surtout condamné; Condamné à être prisonnier de la colère, être à la merci de mes différents sautes d'humeur, mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?!

Les situations dites contrariantes de la vie quotidienne d'une banalité affligeante en apparence pouvaient déclencher de violents accès de colère que je retournais contre moi-même. L'incompréhension des choses simples, l'incompréhension de moi-même et des autres entretiennent cette colère, comme si l'on mettait de l'huile sur le feu.

Arborescence infernaleWhere stories live. Discover now