18

13 1 1
                                    


Les voyages spatiaux m'ont toujours énormément fasciné. Leur longueur, la dangereuse prise de risque qu'ils peuvent impliquer, mais aussi et surtout l'incroyable sentiment de non-retour en arrière possible qu'ils provoquent sont des émotions et des sensations que je trouve uniques.
Le film m'ayant le plus marqué sur ce sujet fut Passengers de Morten Tyldum, sorti en 2016 où un jeune trentenaire, embarquant dans un gigantesque vaisseau de cinq mille personnes pour Homestead II, une planète habitable fraîchement découverte, située à plus de cent vingt années de voyage de la Terre, voit son hyper-sommeil interrompu après à peine trente ans de voyage en raison d'une défaillance dans le système des hibernateurs. L'homme, croyant au début avoir été réveillé comme prévu à quelques mois de l'arrivée sur la planète Homestead II, se retrouve ainsi réveillé quatre-vingt-dix ans trop tôt dans un vaisseau où tous sont encore endormis et ce dernier comprend vite avec effroi qu'il passera le reste de sa vie à voyager sans jamais arriver. Le voilà ainsi prisonnier de son propre rêve devenu cauchemar, de sa propre vie en perdition, à la merci d'un environnement hostile, désert et silencieux. Une seule idée l'obsède, réussir à trouver le moyen de se rendormir pour ne pas assister impuissant à l'écoulement du reste de sa vie à bord du vaisseau ; Mais après un an de recherches acharnées à tenter de trouver le moyen de se rendormir, il finit par se rendre à l'évidence, aucun recours n'est possible, la capsule d'hibernation ne prévoyant pas le retour à l'hyper-sommeil. Il perd alors tout espoir et entame une vie d'errance et d'isolement extrême, en proie à une torture psychologique inouïe face à l'éternité cosmique. Il tentera d'oublier son triste sort en en se distrayant au moyen des différentes attractions proposées à bord et s'autorisera les chambres les plus luxueuses du vaisseau alors réservées aux passagers plus aisés que lui mais tout cela est vain... Il devient fou, et à juste titre, car après tout, l'humain n'est guère fait pour cela.

Je fus frappé par l'immense sentiment de solitude et de claustration que j'ai ressenti en regardant ce film, qui plus est, en étant moi-même seul depuis plusieurs jours, dans une maison vide, ce qui accentuait indubitablement mes sensations d'isolement. Mais le plus intéressant était que je me reconnaissais en cet homme isolé et désespéré, comme si une partie de l'histoire m'était incroyablement familière. Comme si cette longue traversée représentait quelque chose de ma vie que je ne saurais véritablement définir, mis à part le fait qu'au moment où je vous écrit, je suis en attente de quelque chose mais qu'il faudra énormément de temps pour que cela se réalise et cette attente m'emprisonne, me coupe symboliquement de l'extérieur, me donne l'impression d'être dans mon propre vaisseau en perdition, livré à moi-même dans une vie inhospitalière. J'aimerais alors m'endormir et hiberner, en attendant des jours meilleurs, mais je réalise que l'avenir ne peut se construire en dormant, pourtant, le désir et la tentation de le faire
s'avèrent être des plus ardents. Était-ce simplement de l'empathie ? Ou était-ce un écho qui raisonnait en moi ? Ou était-ce peut-être les deux ? Je ne saurais vraiment le dire.

Notre monde est fait de bien des difficultés, la vie m'apparaît être une succession d'épreuves et de petits instants de félicités. Seulement, il y a des périodes où les instants de félicité se font rares et où les épreuves s'enchaînent presque sans fin. Une vie où le sentiment d'isolement et
d'éloignement de tout nous pousse au désespoir. Ma situation est loin d'être aussi désespérée que celle de ce pauvre homme emprisonné dans son vaisseau spatial mais y ressemble beaucoup. Cette situation a tout de même une sorte de côté attirant, se sentir éloigné de tout, noyé dans l'infini avec au loin et parfois tout près, les étoiles, les planètes, les astéroïdes, le vide, la lumière, les ténèbres, la chaleur et la glace cosmiques; Les voyages spatiaux sont hors du temps, hors de tout, et le cosmos nous semble alors à notre portée mais demeurera pourtant impalpable au risque d'y laisser notre vie aux radiations des étoiles, aux glaces des comètes et aux feux des supernovae. Le cosmos nous est familier et pourtant si lointain, nous avons bien souvent l'occasion d'admirer un ciel étoilé mais nous n'avons jamais posé le pied sur un autre astre à part quelques rares élus. L'univers renferme en lui notre origine et nos espérances futures, la quête de nouveaux horizons a suscité les plus grandes œuvres littéraires et cinématographiques, et à juste titre. Comme si l'Homme avait ce besoin vital de s'évader tout en tentant de comprendre ses racines. Nous sommes en harmonie avec lui, car toutes ces poussières d'étoiles, toutes ces comètes, cette étoile qu'est le soleil nous ont apporté la roche, l'eau, la température, les souches biologiques et puis l'atmosphère, choses indispensables à notre existence. Il nous a tout donné, mais peut soudainement tout nous reprendre en un rien de temps, l'univers nous maintient en vie et ne se préoccupe guère de nous tourmenter avec quelque astéroïde ou vent solaire que ce soit, du moins pour l'instant. L'univers nous déçoit autant qu'il nous réjouit et nous apporte autant qu'il nous reprend, il est vie et mort, il est riche et pauvre, il est paradoxe, il est à l'image de l'homme, car l'homme est lui aussi, un univers, et je passe tellement de temps à déplorer le vide et l'opacité du mien.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Sep 21, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Arborescence infernaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant