Chapitre 3

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Mon ravisseur me tire derrière lui et à première vue, il semble se diriger vers le port. La traversée de ce qui fut mon village me brise le cœur. De nombreuses maisons et fermes ont été brûlées dont celle où la famille de Ragna m'avait accueillie et élevée. À la simple pensée de ma meilleure amie, peut être blessée . . . ou bien pire, j'ai soudain du mal à respirer à cause de la douleur et de la tristesse. Mais je ne dois rien laisser transparaître au risque de perdre ma couverture et de faire courir un danger à la petite Eivor. Je n'ai pas le droit de m'abandonner au chagrin, . . . pas tant que ces monstres n'auront pas quitté notre terre . . . pour de bon.

Mais mes espérances et mon courage fléchissent quand je vois Haagon et Inga enchaînés devant un des bateaux de nos envahisseurs qui semblent prêt à rejoindre la mer. Je constate aussi que nombreux sont les vikings ennemis qui regardent et saluent avec respect l'homme qui me tire derrière lui. Devant ce qui risque de se passer dans les secondes à venir, je tire sur mes liens et essaie d'avancer dans la direction d'Inga en criant.

_ Mère, allez- vous bien ? Haagon mon frère soit fort, père et nos hommes nous viendront en aide, criais – je à Haagon et Inga espérant qu'ils comprennent où je voulais en venir.

Je soupire d'aise rassurée en entendant la réponse d'Inga.

_ Eivor, ma fille, vous êtes vivante, s'écria-t-elle la main sur le cœur.

Brusquement et violemment, je suis tirée en arrière et tombe sur le sol de terre gelée. Je me redresse rapidement car mon geôlier, bien qu'énervé par ma prestation, poursuit sa route comme si de rien n'était.

Il continue d'avancer vers le grand navire devant lequel Inga et Haagon sont entravés. Le viking passe devant eux sans même un regard me tirant toujours derrière lui telle une captive, ce que je suis en réalité. Les hommes chargent sur les navires les provisions que mon peuple avait rassemblé pour passer l'hiver.

Je reste un instant interdite devant ce spectacle, je ne m'étais même pas rendue compte que nous étions montés à bord de cette gigantesque embarcation. Je sursaute quand le viking s'approche de moi et murmure contre mon oreille d'une voix à vous glacer les sangs.

_ Regarde bien ce qui va suivre jeune Eivor et rappelles toi que l'on n'attaque pas ou que l'on ne porte pas offense au clan de mon père sans répercutions, termine-t-il avec un sourire à la fois étrangement captivant mais sadique.

_ Je ne connais ni votre nom, . . . ni votre clan . . . et encore moins votre père, répondis-je avec toute la hargne dont je dispose.

_ Admettons que tu ne saches rien. Mais ton père lui le sait et comme ce lâche refuse de se montrer et d'agir en homme d'honneur . . . et bien . . . c'est sa famille qui paiera le tribu de sa faute, termine-t-il sur un ton glacial.

Puis comme si tout est normal, il se retourne vers les hommes à quai.

_ Nous partons, montez dans vos bateaux et rentrons chez nous ! La mer sera probablement dangereuse, la traversée périlleuse mais Odin veillera sur nous !

Sans un regard en arrière, il fait un signe de tête et ses hommes se dispersent vers leurs bateaux. Mais avant l'un d'eux sort sort un couteau et égorge en toute indifférence Inga et Haagon.

J'ouvre la bouche mais aucun cri ne sort devant l'horreur et la cruauté de cette scène qui se déroule devant moi. Inga a toujours été douce et prévenante avec nous . . . et . . . et Haagon n'est qu'un enfant d'une dizaine d'années. Par tous les dieux, comment pouvait-on être aussi sadique, aussi monstrueux pour agir de la sorte. Mes doigts sont accrochés sur le bastingage pour ne pas tomber à genoux.

Je me reprends  car mon plan est en passe de marcher. Ces monstres odieux pensent détenir Eivor, la fille de notre jarl, mais au lieu de cela, . . . ils m'ont moi . . . seulement moi. Une simple esclave au service de cette fillette qu'ils convoitent tant pour je ne sais quelle raison.

Avant que l'embarcation ne quitte le port, je balaie la rive du regard espérant voir Ulrik en vie. Mon cœur se serre à l'idée de ce qu'ils pourraient lui avoir fait subir. Secrètement, j'espère de façon inconsidérée, qu'il partira à ma recherche une fois son père retrouvé. Mais je me dois d'être réaliste. Je ne suis qu'une esclave . . . s'il venait cela ne serait que par pur vengeance. De plus ces monstres ont tout calculé. En intervenant à cette période, aucun clan viking ne serait assez fou pour prendre la mer en ce début de saison hivernale.

Je ne sais pas combien de temps, je reste debout, les mains accrochées à ce bastingage. Je suis là, inerte, immobile, telle une coquille vide . . . vide de pensées et d'émotions. Complètement trempée jusqu'aux os, à cause de la pluie qui n'est autre que l'annonciatrice de la tempête qui se prépare. Je regarde toujours dans la même direction. Je fixe toujours le port, . . . mais on ne distingue même plus la côte de mon pays, . . . il n'y a plus que le vaste océan, . . . l'océan à perte de vue qui se déchaînera d'ici peu.

Je sursaute quand une peau de bête se pose sur moi.

_ Allez princesse, vous tremblez et vos lèvres sont bleues. Venez donc vous mettre à l'abri avant d'attraper la mort.

Je ne répond pas mais ne bouge pas pour autant et détaille ce viking qui se tient devant moi. Il n'est pas beaucoup plus grand que moi mais large d'épaule. Sa stature et la façon dont il se tient fier et droit ne laisse aucun doute. Cet homme est un guerrier. Le tatouage qu'il arbore sur le côté droit de son visage m'indique qu'il est haut placé dans la hiérarchie des guerriers.

Je reste interdite face à cet homme, cet ennemi qui fait en quelque sorte un pas vers moi. Mon premier réflexe est de refuser ce geste mais le claquement de mes dents les unes sur les autres me pousse à l'accepter.

_ Merci, . . . commençais-je en m'arrêtant ne connaissant pas son nom, mais je préfère rester dehors, terminais-je avec le peu de dignité qu'il me reste.

Mais surtout je ne me sens pas prête à me retrouver dans un endroit exiguë avec ceux que je considère comme des monstres. Il me jauge de la tête aux pieds puis reprend.

_ Ne restez pas trop longtemps dehors princesse, . . . Les températures chutent vite et avec la nuit qui tombe vous devez être au chaud, termine-t-il un peu contrarié que je ne le suive pas.

_ Quel est votre nom viking ? Demandais-je la tête haute.

_ Gunnar, princesse, . . . je suis le chef des armées de notre clan, représenté sur le bateau par Thorsten, le fils de notre jarl.

_ Thorsten, répétais-je pour moi-même en regardant le vaste océan autour de nous.

_ Oui princesse, le fils de notre jarl. C'est lui qui vous a invitée sur le bateau, poursuit - il calmement.

_ Invitée, répétais-je cette fois hors de moi, c'est comme cela que vous voyez les choses. J'ai été enlevée, arrachée de force à mon clan, à ma terre, . . .

Les images d'Inga et de Haagon se faisant égorger me reviennent à l'esprit et m'empêchent de parler. Ma main, elle, se lève et frappe violemment le visage de Gunnar qui ne bouge pas d'un millimètre. Il reste stoïque mais ses traits se durcissent dangereusement. Pourtant je ne peux pas m'arrêter, mon autre main se lève à son tour. Mais elle n'a pas le temps d'atteindre son visage qu'il me ceinture mains dans le dos avec une force digne de Thor. Il me jette ensuite sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes de terre et se dirige vers la porte de la cabine.

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