Chapitre 25

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Je mets quelques instants à assimiler et comprendre ce qui se passe devant moi. La femme, qui se tient à quelques pas de moi et qui semble me vouer une haine viscérale, n'est autre que la mère de Thorsten, l'homme qui fait battre mon cœur. Je les détaille sans aucune retenue non pas de curiosité mais d'étonnement. Cette femme qui me menaçait et me méprisait il y a peu, s'est mue en femme douce et aimante, en une fraction de secondes.

Thorsten finit par rompre l'étreinte chaleureuse que lui offre sa mère. Il pose alors ses prunelles bleues sur moi et je baisse aussitôt la tête. Mais même les yeux baissés, je sens son regard se balader sur moi aux picotements qui recouvrent ma peau. Même si ma raison tente de lutter contre ses sentiments, mon corps et mon cœur eux ont renoncé. Ce silence chargé d'émotions et rapidement écourté par la mère de Thorsten.

_ Bien, mon fils, dis-moi ce qui t'amène, commence-t-elle.

Même si je ne le vois pas, je devine que ce dernier hésite à parler mais cela ne dure pas.

_ En effet mère, j'aurais une requête, commence-t-il posément. Je sais que tu attribues les affectations aux esclaves en fonction des besoin du clan. Mais j'aimerais garder Eivor à mon service, termine-t-il.

À ses paroles, je relève doucement la tête surprise par sa démarche et croise un instant son regard brûlant. Puis il plonge son regard dans celui de sa mère. Cette dernière semble clairement contre cette idée mais en même temps, elle ne veut pas contrarier son fils. Après ce qui me semble durer une éternité, elle reprend la parole.

_ Thorsten, je comprends tout à fait que tu aies pris des habitudes pendant ta trop longue absence . . . mais tu es de retour mon fils et tu sais ton mariage proche. Penses-tu sincèrement que Sigfrid verrait cela d'un bon œil ?, demande-t-elle l'air de rien alors qu'elle coule un regard haineux dans ma direction.

_ Sigfrid connaît la force de mon engagement envers elle et nos clans. Eivor sait mieux que personne soigner de nombreux maux. Et avec son rang, même esclave tu ne peux pas l'affecter dans les cuisines, rétorque-t-il sur un ton vif qu'il essaie de contenir.

_ Bien, je vois que tu ne changeras pas d'avis et moi non plus, reprend-t-elle sur un ton cinglant qui surprend son propre fils. Je ne veux pas de bruit de couloir dans mon château. Cependant, je peux comprendre que cette enfant puisse trouver ce changement peu confortable et je reconnais là ton grand cœur mon fils, alors . . .

Thorsten comme moi sommes suspendus aux lèvres de sa mère. Ce qui semble lui plaire. Elle soupire et termine enfin sa phrase scellant par la même occasion mon avenir.

_ Pourquoi ne pas mettre cette fille au service de ta douce promise, Sigfrid. Cela serait plus convenable. Ne penses-tu pas ? Termine-t-elle avec sa voix douce et mielleuse.

Thorsten semble réfléchir avant de reprendre rapidement.

_ Cela me semble être un bon compromis. Comme d'habitude mère, vos conseils sont des plus avisés, reprend-t-il plus calme. Bien je vais conduire Eivor auprès de Sigfrid et faire les présentations.

Thorsten m'invite à le suivre d'un geste et je soupire intérieurement de soulagement d'être enfin soustraite à l'emprise de cette femme. Quand une main glaciale se referme durement sur mon bras me faisant grimacer légèrement.

_ Non, s'écrie sa mère un peu vivement en resserrant la prise sur mon bras. C'est à moi que revient ce rôle. C'est une affaire de femmes, reprend-t-elle en desserrant légèrement sa prise sur mon bras.

Thorsten ne dit rien et nous regarde nous éloigner de lui. À peine sommes-nous rentrées dans le château, que cette dernière lâche mon bras comme si ce dernier lui brûlait la main. À l'intérieur, ma peau se recouvre de frissons à cause de la fraîcheur qui y règne. Les couloirs sont nombreux et plus sombres à chaque fois que nous tournons, comme si nous nous enfoncions dans les entrailles de ce château. Soudain, elle se stoppe net et se retourne vivement sur moi.

_ Qu'avez-vous fait à mon fils, sale petite bâtarde, me crache-t-elle au visage avant de me gifler violemment.

Je reste stupéfaite face à son geste. Je ne pensais pas qu'une femme de son rang s'abaisserait à un tel acte. C'est uniquement pour cela qu'elle m'a emmenée à l'écart, pour me dire ce qu'elle pense de moi.

_ Jamais, vous n'aurez mon fils, . . . jamais. Je ferai tout ce qu'il faut pour qu'il vous oublie ou mieux qu'il vous déteste, poursuit-elle en rapprochant son visage haineux du mien.

Je ne comprenais rien à ce qu'il se passait ou à ce qu'elle attendait de moi. Elle se trompait, me confondait avec quelqu'un d'autre. Il ne pouvait en être autrement.

_ Suis moi, je t'emmène auprès de Sigfrid, la future femme de mon fils, qui sera d'ici peu le nouveau jarl de ce clan, termine-t-elle en se retournant et en poursuivant son chemin dans les couloirs.

Je la suis comme si j'étais hors de mon corps. Elle a décidé de m'anéantir pour je ne sais quelle raison. Ma vie ici sera des plus dures. Là où nous allons, les couloirs se font plus larges et sont plus clairs à cause de nombreuses ouvertures. À la décoration et aux ornements qui se trouvent ça et là, je comprends que nous arrivons dans les quartiers de la famille du jarl. Je reste en retrait quand elle frappe à une porte joliment ouvragée.

Cette dernière s'ouvre doucement, elle entre me faisant signe de la suivre. Ce que je fais en prenant bien soin de rester en retrait. Je ne la vois pas tout de suite mais j'entends sa voix pure comme du cristal.

_ Que me vaut l'honneur et le plaisir de vous voir très cher Vidrün.

_ Ma très chère amie, vous n'êtes pas sans savoir que mon fils est enfin rentré de campagne, commence Vidrün mais elle est interrompue par Sigfrid.

_ Comme il me tarde de revoir mon bien aimé. Je me languis de lui depuis bien trop longtemps, dit-elle en s'approchant.

Sigfrid n'est autre que le portrait craché de Vidrün avec les années en moins. Même longs cheveux blonds clairs, même yeux bleus translucides.

_ Je le sais et vous le verrez ce soir, n'ayez crainte très chère. Et dans sa gentillesse, il a pensé à vous. Il a tenu à vous ramener une esclave de haut rang pour vous servir. Puis elle marque une courte pause avant de reprendre. Il faudra juste lui apprendre à rester à sa place, termine-t-elle plus durement.

_ Soit, dit-elle en tournant autour de moi pour me détailler, il y a du travail mais bientôt tu me serviras comme il se doit. Mais d'abord, il faut lui redonner forme humaine, je ne veux pas d'une souillon à mon service.

Elle se détourne enfin de moi, et je peux reprendre une respiration normale. Sigfrid entame alors une conversation à voix basse avec Vidrün qui au terme de celle-ci sort de la pièce le sourire aux lèvres satisfaite d'elle même.

_ Aurora, occupes-toi d'elle. Et ne reviens pas temps qu'elle n'est pas digne d'être à mon service, claque-t-elle violemment. La douceur dans sa voix avait laissé place à du mépris et de la cruauté.

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