Une autre vie - tome 2 : Entre deux cœurs

Chapitre I - L'installation

Je regardais autour de moi. Le château royal semble si loin. Huit mois, cela faisait si longtemps que j'avais quitté ma famille. Je me rappelais pourtant de chaque chose que j'avais vécue depuis que j'étais arrivé ici, de chaque personne que j'y avais rencontrée.

J'avais voyagé dans le temps lors de la visite d'un monument historique. Nous étions actuellement en l'an 816 et tout était différent. Le « passeur » comme on l'appelait avait le pouvoir d'emmener les gens dans le passé. Un arrivait chaque année et un autre rentrait dans le futur par la même occasion. Le cercle était établi à cinq ans. J'avais donc atterri au moyen âge contre mon grès.

J'avais heureusement eu la chance de faire de magnifiques rencontres. Mes amis m'avaient aidé à m'adapter à ce lieu et aux intrigues qui y régnaient.

La nouvelle forteresse où je venais m'installer se dressait devant nous. La bâtisse était immense ; pas aussi imposante que celle de la cour mais très grande tout de même. Elle était formée de quatre tours cylindriques aux extrémités et de bâtiments centraux qui s'élevaient sur trois étages.

« - Lara, tu es prête à devenir châtelaine ?» me lança soudain Alec.

Alec était mon époux depuis trois semaines mais nous n'avions jamais consommé notre union ce mariage était arrangé par le roi Evan, qui étais mon premier amant et mon seul amour. Alec était tellement gentil et attentionné. Il était fou de moi, il me l'avait très clairement dit le jour de nos noces et je sentis un pincement au cœur en repensant à tout cela. Après notre mariage, nous avions pris la route en direction de la province de Talath, terres situées au Nord du royaume de sa majesté, qui m'appartenaient. J'étais devenu duchesse en secourant la famille royale et à ce titre, j'avais obtenu une immense fortune ainsi que des terres qui s'étendaient sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés.

J'avais déjà pris connaissances des responsabilités qui étaient les miennes, mais ce n'est qu'en regardant le château que je compris réellement le tache énorme qui m'attendais. En tant que propriétaire, j'avais le devoir de protéger et d'aider au mieux les personnes qui vivaient ici et qui travaillaient pour moi. Nous avions fait toute la route en évitant au maximum de nous parler et d'être ensemble avec Alec car je savais ce qu'il attendait de moi et je savais aussi que je ne pouvais pas lui donner. Je faisais donc mon maximum pour rester loin de lui, inventant les moindres prétextes pour fuir la chambre conjugale.

« - Je sens que nous allons être bien ici » ajouta-il d'un ton joyeux.

Une chose était sûr, je ne savais pas si je pourrais être heureuse ici mais je devais à tout prix retourné à la Cour car c'est là-bas que le rituel de voyage dans le temps avait lieu. Il était de mon devoir d'accueillir le prochain arrivant comme mon amie Valeria, l'avait fait à l'époque. Elle me manquait tellement parfois. Le prochain passage avait lieu dans trois mois et il fallait rapidement trouver une idée pour retourner au château avant que cela n'arrive.

Lorsque je descendis de la calèche, j'observai les paysans et ouvriers venus m'accueillir. Ils semblaient réellement contents de me voir et cela remplissait mon cœur d'allégresse et de compassion. Je remarquai cependant qu'ils avaient l'air sales et qu'ils devaient probablement peu se nourrir car certains d'entre eux n'avaient que la peau sur les os. Une petite fille pleurait au loin, personne ne semblait sans soucier. Elle avait les pieds et les mains noirs et ne portait que de vulgaires chiffons en guise de vêtements. Je pris alors une miche de pain que  je gardais avec moi dans le carrosse et décidai de m'approcher d'elle.

« - Qu'est ce qui t'arrive petite puce, tu as faim, lui dis-je en lui tendant le pain. Tu as perdu tes parents ? Viens dans mes bras, tu n'as pas à avoir peur, je vais t'aider.

- Ne la touchez pas, c'est un démon ! » Hurla un homme dernier nous. J'avais oublié un court instant dans quel monde nous vivions à cette époque. Toute chose anormale était considérée comme de la sorcellerie. J'en avais fait une fois les frais, je ne pouvais pas laisser cette enfant seul pour que ces habitants s'acharnent sur elle. Lorsqu'elle tourna son visage vers moi, je compris instantanément pourquoi il la traitait ainsi : elle souffrait de trisomie vingt et un, à première vue, mais elle n'avait rien de satanique.

Au contraire, elle plongea ses petits yeux dans les miens et m'arracha le pain des mains. Elle tenta de prononcer un merci et sauta dans mes bras. Elle ne devait pas avoir plus de six ans et était totalement abandonnée là , à la merci de tous. Son étreinte me procurait un étrange bonheur. Avec mon côté protecteur, je décidai donc de l'aider en l'emmenant aux cuisines. Un homme imposant aux regards sombres se mit en travers de mon chemin.

« - Vous ne devez pas toucher à cette enfant, madame. Elle ne va nous apporter que des malheurs » me dit mon interlocuteur. Je ne voulais pas commencer à me mettre les gens à dos dès mon arrivé. Je regardai autour de nous, tout le monde me fixai en attendant ma réaction. Je devais imposer le respect maintenant car après tout, c'était mon château et donc mes règles.

« - Veuillez-vous écarter de mon chemin, monsieur ?

- Savez –vous qui je suis ? Je suis l'intendant de ce château. Vous devez donc obéir à mes règles et faire ce que je vous dis. Pose cet enfant et retournes à tes broderies » me balança-t-il d'un coup.

Il devait sans doute ignorer que maintenant ce n'était plus lui qui commandait. Il adopta soudain une posture arrogante et un sourire cruel sur le visage. Tous les villageois baissaient les yeux devant lui. Je n'arrivais pas à y croire, pour qui se prenait-il ?