Le garçon dans le noir ( S&T) T.1

Chapitre 4 (suite)

— Comment était votre journée ? demanda Rose à ses enfants.

— Courte, répondit Steeve.

Sa fourchette à la bouche, il était bien déterminé à lâcher le moins de mots possible.

Sa mère lui jeta un regard las. Heureusement sa sœur prit le relais.

— J'ai découvert que tous les élèves du lycée n'étaient pas de purs abrutis. Ce qui est un bon point ! certifia cette dernière.

— T'aurais pu te fondre dans la masse pourtant.

— Steeve... morigéna doucement Rose qui salait son plat.

— Abruti ! conclut l'adolescente, rieuse.

De son poing, elle tenta d'atteindre l'épaule de son frère qui l'évita souplement.

— Célia... S'il vous plait, peut-on manger calmement ?

Steeve haussa les épaules et se replongea dans son quart de potimarron cuit au four.

— Je n'arrive pas à croire que vous soyez déjà si grands tous les deux, soupira la mère, occupée à trancher un bout du légume cuit. Le temps passe si vite.

Elle entendit un téléphone vibrer et nota que son garçon délaissait aussitôt son assiette, occupé à fixer un point sous la table. Elle ne fit toutefois aucune réflexion. La moindre remarque avait le pouvoir de déclencher une guerre du silence.

— Steeve a une amoureuse-euh ! chantonna tout bas Célia.

— Ferme-là.

— Ça suffit, vous deux.

Après un temps de silence, Rose reprit la parole, la curiosité fortement piquée.

— C'est vrai ? interrogea-t-elle, les yeux baissés sur son plat.

Il releva la tête, prenant le temps de jeter un regard assassin à sa sœur.

— Non.

Steeve s'en voulut aussitôt du froid que ses réponses jetaient. C'était plus fort que lui. Aussi, après un effort surhumain, il ajouta plus bas.

— Je parle juste à une fille, c'est tout.

Au bout d'une minute à faire tournoyer sa fourchette le nez penché, il releva une nouvelle fois la tête. Le visage de Rose se fendait d'un sourire, tandis qu'elle fixait un tableau d'art sur sa droite.

— Quoi ? demanda-t-il.

— Rien.

— Si tu rigoles.

— Je ne rigole pas... Je suis contente. C'est tout, avoua-t-elle en piquant une feuille de salade.

— Pourquoi ?

Célia suivait la conversation, curieuse du tour qu'elle prenait.

— Parce que mon garçon grandit et a l'âge de plaire aux filles.

Ses yeux rencontrèrent les siens. Chaque fois, Steeve réussissait à être choqué de la quantité incroyable de gênes que sa sœur et sa mère partageaient. Célia avait hérité de l'opulente épaisseur des cheveux roux de Rose, des éphélides et de son petit nez arrondi. De son père, elle ne gardait que les boucles, les cheveux de leur mère étant raides comme la justice, comme elle-même aimait à le dire.

Lui n'avait rien. Ses cheveux châtains étaient pour lui une erreur de la nature, leur père arborant une chevelure noire. En guise de cadeau, il écopait d'une fossette au menton. Rose n'en avait pas. Elle ne provenait donc que d'Alec. Et pour cela, il la détestait.