Le garçon dans le noir ( S&T) T.1

Chapitre 11

Trois heures plus tard, Travis se souvint qu'il n'avait toujours pas ouvert ses messages. Steeve et Pete s'extasiaient sur sa vieille console d'enfant.

— P'tain, t'as Streets of Rage. Ce jeu c'était ma vie !

Le jeu entre ses mains, Steeve en admirait l'état.

— Mec, t'as sérieusement joué à Shaq-fu ? demanda Pete.

Il brandissait la cassette où le célèbre joueur de basket souriait sur la couverture. Rieur, Travis haussa les épaules.

— Moi j'aimais bien...

— T'es bizarre, toi. Allez, je veux faire une partie en l'honneur du bon vieux temps. On peut ? demanda Pete, la manette noire entre ses mains.

— Bien sûr.

Assis en tailleur sur son lit, Travis scrutait son BlackBerry. Steeve s'était contenté d'un message. Toutes les heures.

De : S
sam. 11:36
Bisou

De : S
sam. 12:27
Bisou

De : S
sam. 13:31
Bisou

De : S
sam. 14:33
Bisou

Travis se retint tout juste d'éclater de rire. Il ne l'avait même pas vu envoyer ces messages. Discret et efficace. Il profita que les garçons lui tournaient le dos, installés par terre en bout de lit, occupés par le vieil écran cathodique de la Sega, pour répondre.

"Arrête !"

Puis il rangea son téléphone, par respect envers ses invités. Steeve dut sentir le sien vibrer car il toucha sa poche avant de se raviser. Pete en revanche venait d'abandonner l'écran de sélection des personnages, concentré sur un sms. Ses sourcils froncés révélaient sa contrariété.

— Bon... les gars. Je dois vous laisser. Mon père vient d'être appelé, faut que je garde ma sœur.

— Ta mère n'est pas là ? demanda Steeve.

— Nan, elle est de l'aprèm. Elle vient de commencer son service. Et mon père peut pas emmener ma sœur au boulot. Ça le fait pas. Vraiment désolé...

Déjà, Pete déposait la manette au sol et se relevait.

— Ne t'excuse pas, tu n'y es pour rien, le rassura Travis.

— En vrai, on se refait un aprèm. Sans faute !

Pete tendit son poing à Steeve, toujours assis au sol, avant de se tourner vers Travis.
— Check !

— Et c'est moi qui suis bizarre, commenta ce dernier, le sourire aux lèvres.

Il répondit cependant aux salutations.

— Me casse pas la tête, le littéraire. On est cools là ! plaisanta Pete en passant une main dans ses courts cheveux bruns. On se tient au courant ! Bon aprèm !

Il quitta la chambre sans même demander à Travis de le raccompagner. De fait, ce dernier ne bougea pas du lit.

Steeve bascula la nuque contre le matelas et, la tête à l'envers, scruta les yeux baissés sur lui. Travis se rendit alors compte qu'ils allaient passer ensemble l'après-midi, la nuit et la journée du lendemain. Cette pensée ne l'avait même pas effleuré tant que Pete était là pour l'empêcher de sombrer. Or sa bouée de sauvetage venait de disparaitre. La panique autant que la joie l'envahirent, se mêlèrent tendrement à son secret, jusqu'à l'envelopper d'une couche d'autres émotions incontrôlables.