Chapitre 11 (suite 3)

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Steeve ouvrit la porte de la salle de bain. Le nez rivé sur son écran, il s'arrêta sur le seuil pour écrire un message.

"J'pense à toi."

Simple et efficace. Honnête aussi. Il espérait bien que les mots cachés se devinaient sous la subtilité. Une porte s'écarta, laissant échapper la voix de Loretta.

- Le petit châtain est plutôt mignon.

- Oh seigneur, je sors d'ici !

Steeve recula. Son épaule buta contre les carrelages blancs en même temps qu'il fourrait son téléphone dans sa poche.

- Il n'est pas ton genre ?

Steeve n'aurait pas dû écouter, il le savait. Il aurait dû s'enfermer de nouveau dans la salle de bain et attendre. Or sa curiosité l'emportait. Sa respiration en pause, il tendit l'oreille, les doigts toujours autour de son téléphone. Lorsque la réponse de Travis lui parvint, Steeve demeura pensif. Il croisa son regard emprisonné dans le miroir. L'expiration qu'il relâcha trouva écho dans les doutes qui s'envolaient. Ses impressions se confirmaient.

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Steeve attendit que les pas de Travis résonnent dans l'escalier pour le suivre.

- Je vais me doucher avant que les pizzas n'arrivent ! annonça Travis en l'entendant derrière lui. Je n'en ai pas pour longtemps. Tu n'as qu'à... faire comme chez toi.

Le temps d'un timide sourire, il désigna vaguement sa chambre et disparut au rez-de-chaussée, les bras chargés d'habits propres.

Steeve n'avait pas spécialement prêté attention au décor la première fois. Les mains dans les poches, l'air de ne vouloir toucher à rien, il découvrait l'endroit. Le lit une place se trouvait sous une partie mansardée, comme s'il souhaitait occuper le moins de place possible. L'idée fit sourire Steeve. Cette disposition reflétait un peu de la personnalité de Travis.

Il avança encore, ignorant la vieille console et son écran toujours en pause. Un bureau, d'un bois vieilli, probablement déjà poncé et repeint, servait de continuité au renfoncement du mur. Il n'obéissait à aucune règle de rangement, avait l'air d'avoir été déposé là, faute de trouver une meilleure place. Steeve repoussa la chaise contre, pour se dégager un passage suffisant afin d'atteindre l'unique fenêtre calée entre deux murs recouverts de papiers en tous genres.

Il stoppa ses pas devant le mur de gauche. Son regard vogua au hasard des notes. L'écriture ronde et liée de Travis dévoilait quelques secrets dont lui seul possédait la clé. Un papier aux bords déchiquetés attira l'attention de Steeve par la grosseur de ses lettres.

Dans la noirceur de la nuit qui écrasait peu à peu les restes du jour fini, l'opulence des ténèbres était sur moi. Enseveli sous la noiraude.

Steeve relut la phrase plusieurs fois, happé par l'aura qui s'en dégageait. Il n'était pas certain d'en comprendre les subtilités. Sa seule certitude tenait en ce que, pour lui, seul l'auteur pouvait saisir le sens et la portée de ses mots. Plus bas, un post-it blanc.

Je songeais comme il était bon d'être libre sous le soleil, même dans les jours gris. Comme les contraires ensemble sont bons, la chaleur de l'air et la fraîcheur de la pluie, la beauté d'un orage dans la noirceur de la nuit.

Steeve s'écarta. D'une certaine manière, la distance l'aidait à mieux saisir. Il demeura scotché là, à lire les phrases qui lui sautaient aux yeux, transporté par ces couleurs et textures différentes. Ces bouts d'intimité étalés lui racontaient chacun une histoire unique et, en même temps, une fois liés, constituaient l'essence même de leur auteur.

Le garçon dans le noir ( S&T) T.1Where stories live. Discover now