chapitre 11(suite 2)

1.8K 316 349
                                    

La première larme qui roula sur la joue de son fils lui fit réaliser l'ampleur de ses mots. Travis se hâta de l'essuyer du plat de ses doigts.

— Oh chéri... Ce n'est pas... Ce n'est pas ce que tu crois. Oh... Viens...

Loretta tendit la main. Il ne réagit pas. Cela lui brisa le cœur. En à peine trois pas, elle franchit la distance qui les séparait et le pressa si fort qu'elle s'en fit mal aux bras. La tête baissée, appuyée contre l'épaule de sa mère, Travis gisait, petit pantin de mots désarticulé par la violence du verbiage. Loretta eut du mal à retenir ses larmes, serrant un peu plus fort son unique enfant, disloqué par sa faute.

— Chéri, c'est de moi que je suis déçue. Je suis... déçue que tu aies eu peur de moi.

Les larmes de Travis continuaient de couler. Loretta en sentit une courir sur sa peau, qui avait passé le bord de son chemisier.

— Je t'aime, bonhomme. Je t'aime tellement si tu savais...

Elle caressait ses cheveux blonds d'une main, son dos de l'autre. La joue contre sa tempe, elle le serrait tant qu'elle le pouvait, déterminée à ne pas le laisser s'enfuir tant qu'elle ne sentirait pas faiblir le rythme de son cœur qui cognait douloureusement vite contre le sien.

Pendant une longue minute, Travis ne dit rien. Les mots se bousculaient toujours mais ses lèvres refusaient de s'ouvrir. En définitive, à force de respirer plus calmement, il retrouva un peu de courage.

— Tu... Tu ne m'en veux pas ? parvint-il à articuler.

— Oh si. Je t'en veux de n'avoir ne serait-ce qu'imaginé pouvoir perdre l'amour que tu as acquis de droit simplement par le fait de naître...

Travis ramena enfin ses bras autour elle.

— Je t'aime, mon petit ange à moi.

Elle murmurait ces quelques mots dans ses cheveux, tentait de réparer par la douceur le mal qu'elle avait commis. Travis ne trouva pas la force de protester contre ces surnoms trop enfantins à son goût, aussi se contenta-t-il de savourer ce qu'il avait bien cru perdre à jamais ; les yeux fermés, tant pour empêcher les larmes qui refusaient de se tarir que pour profiter de ce moment.

— Je me fiche que tu préfères les garçons. La seule chose que j'exige, c'est que tu sois heureux. Tu crois que tu peux faire ça pour moi ?

Il se contenta d'acquiescer. Le soulagement s'insinuait délicieusement en lui.

— Depuis combien de temps te caches-tu ? chuchota-t-elle.

— Longtemps...

Travis ne faisait pas mine de la lâcher. Alors ils demeurèrent blottis, l'un contre l'autre. Cela rappela à Loretta le temps où, petit garçon, il ne la quittait jamais, calé contre elle, un livre dans les mains, tandis qu'elle tricotait ou regardait la télévision.

Elle finit par prendre son visage entre ses mains et lui relever la tête. Les dernières traces d'une douleur diffuse s'évaporaient dans le miel de ses yeux clairs.

— Assieds-toi deux minutes. Puisque je connais ton secret, je vais te confier l'un des miens.

Travis prit place, les mains jointes entre ses jambes. Loretta s'assit en face de lui. Elle soupira, le regard porté vers la fenêtre, perdu quelque part entre les brins d'herbe du jardin trempé. L'après-midi approchait de sa fin.

— Quand j'étais au collège, j'avais une meilleure amie. Je ne voulais passer mon temps qu'avec elle. Je l'admirais. Parfois je voulais même être elle. Je lui réclamais presque une amitié exclusive.

Le garçon dans le noir ( S&T) T.1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora