K.O

Chapitre 5 : Match

Il m'avait fixée pendant seulement quelques secondes mais ce regard me coupa la respiration. Je ne sus si j'aimais ou si je détestais sa façon de m'épier comme un prédateur assoiffé de chair. Quelque chose se produisait en moi à chaque fois, j'en perdais le contrôle, mes nerfs ne faisaient plus leurs liaisons, mes mâchoires me lâchaient. Je ne connaissais rien de lui mais cette envie irrépressible de le regarder me collait à la peau. Et comme la dernière fois, ce fut l'un des moments les plus déstabilisants de ma vie.

Son regard remonta au rythme des battements de mon cœur jusqu'au bras de Ben qui m'encerclait. Il s'entrechoqua immédiatement après avec le visage de mon ami. Celui-ci, en y jetant un coup d'œil, soutint son œillade. Puis, il se passa quelque chose qui réveilla la peur en moi. Une peur paralysante. Comme l'ombre d'un éclair, ses pupilles noircirent, remplaçant ce vert que j'aimais déjà tant en un noir abyssal qui avait l'air plus profond que n'importe quoi sous la lumière des projecteurs. J'y vis de la rage, de la haine, quelque chose d'incommensurable qui avait un goût amer de déjà-vu. Ses mâchoires tressautèrent et au même moment, son torse se contracta, étirant les muscles sous sa peau d'albâtre, comme si sa respiration s'était arrêtée. L'aplomb et la force de cet homme me frappa de nouveau et me rappela quel titan il était et combien il serait facile pour lui de me réduire en charpie.

Aussitôt, le bras de Ben se raffermit.

— Quel prétentieux.

— Calme toi, il ne va rien me faire.

Je disais ça car Priam ne cessait de nous fixer et qu'il était évident que des pensées abjectes lui passaient par la tête mais cette colère était complètement injustifiée.

— Je ne le sens pas du tout ce mec, Belle.

Mal à l'aise, je me détachai et me terrai dans mon siège. À vrai dire, j'hésitais à penser la même chose.

Revenant à la réalité, Priam détourna son regard quand le speaker vociféra le nom de l'autre boxeur. Un géant plus large que l'entrée d'une porte sauta sur le ring et je crus voir les mailles en trembler. Des piercings décoraient son visage, un énorme entre les deux narines, un autre dans la joue et deux autres près des lèvres. Il s'appelait le Buffle, je trouvai ce nom ironiquement bien choisi.

Si cet homme m'effrayait davantage que Reptile, l'autre boxeur que Priam avait dû affronter l'autre soir, lui, était loin de décolérer. Il portait visiblement bien plus d'importance au bras de Ben qu'à son adversaire susceptible de lui rompre le cou.

Priam et Buffle se serrèrent rapidement la main, l'arbitre déblatéra les règles essentielles et bientôt, le gong retentit.

Une peur atroce me comprima la poitrine lorsque sans prévenir, Buffle chargea sur mon Adonis une première offensive. La foule vivait le match à mon instar et lâcha un étouffement. Des photographes les assaillirent de leur flash. Priam, aussi rapide que l'éclair se baissa tout en se décalant et feinta en plein dans sa mâchoire. Acclamation générale. Buffle vacilla sur ses pieds, les yeux roulant dans ses orbites. Priam renvoya un direct du droit dans sa joue et là, Buffle eut à peine le temps de se protéger qu'il rejeta la tête en arrière, désœuvré.

Je regardai, ébahie, la foule en attente d'une réaction et je ne fus pas déçue. Le comportement de Priam était d'une brutalité sans nom. Il lâcha coup sur coup en plein visage de son adversaire qui virait au bleu. Son corps était équilibré et gainé à son paroxysme sans montrer aucune faiblesse. Buffle avait à peine le temps de balancer un jab qu'il en recevait un autre d'une puissance infiniment plus violente. J'avais déjà vu Priam combattre et étais donc en mesure de comparer ses deux prestations. Alors, je dus avouer qu'il était plus rapide, plus dur envers lui-même, plus en colère. Il ne cherchait pas à faire pleurer les femmes ni à montrer charisme et pouvoir. Non, il frappait par désir de blesser.