Chapitre 29 : Éphémère

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Le lendemain matin, j'ouvris des yeux rouges et gonflés, la vague à l'âme. Je n'avais pas beaucoup dormi, à vrai dire. Priam était resté endormi jusqu'au levé du soleil et j'avais fini par le ramener dans sa chambre, inquiète à l'idée que quelqu'un nous découvre. Lorsque je l'avais quitté, il était toujours fiévreux, enfermé dans sa torpeur brumeuse. Je me demandais même s'il avait repris conscience un seul instant durant le trajet, mais en me souvenant à quel point il était resté mutique et solidement accroché à moi, j'en doutais fort.

Je passai rapidement le seuil de la salle bain pour me brosser les dents et étrangement, mon reflet me fit mal au cœur. J'avais beau me regarder, je ne savais plus qui j'étais exactement. Kriss ou Belle ? Qui devrais-je être ? Ou, plutôt, qui voulais-je être ? Là était la question... Une question qui s'imposait de plus en plus à mon esprit.

Tout partait tellement en vrille.

À peine eus-je le temps de cracher une dernière fois le dentifrice dans ma bouche, quelqu'un frappa à la porte. Priam ? Je fus tentée d'y croire une fraction de seconde jusqu'à ce que la voix pâteuse d'Aria s'immisce dans la chambre.

— Ah ! Enfin debout, la marmotte ! s'exclama-t-elle en entrant dès que je lui eusse ouvert. Pendant une seconde, j'ai cru que tu avais découché avec Priam ! J'ai entendu dire qu'il ne sortirait pas de sa chambre aujourd'hui pour dormir.

Je me stoppai en refermant la porte, les poings rigides. Évidemment... Il était incapable de se lever. Je détestais penser à son état, à lui et à quel point il pouvait se montrer vulnérable, et par dessous tout, je détestais que d'autres se mêlent de sa vie en dépeignant une image de lui qui n'était même pas.

— Et, tes examens ? Tu as des nouvelles ? l'hélai-je pour changer de sujet.

— Ho, lâche-moi les basques avec ça. Tout le monde m'en parle, j'en ai marre. (Elle me tourna le dos pour fouiller dans le frigo de la chambre, rempli de cochonneries). On est en vacances, non ?

— Mais... Tu connais tes résultats ? Ils sont sortis, non ? Eden a eu les siens donc je suppose que...

— Ouais, marmonna-t-elle. Je les ai eu, contente ?

Je me mordis la lèvre, sans bouger. Aria referma le frigo, les sourcils froncés, et se mit à la recherche d'une paire de ciseaux pour découper l'emballage d'une barre de chocolat un peu coriace.

— Et, que disent-ils ?

— Je les ai ratés. Tu n'as pas de ciseaux, sérieusement ?

Mes yeux s'exorbitèrent tandis qu'elle restait désinvolte, le regard verrouillé sur son emballage. Ses quatre petits mots retentirent dans mon cerveau comme s'il s'agissait d'une litanie entêtante, cauchemardesque et gorgée de désespoir. Petit à petit, je me souvins de ce qu'elle m'avait dit en cas d'échec : Partir, revenir en Floride là où son père la quémandait, prendre le risque de revoir Clyde.

Non. Hors de question. Le FBI ne la laisserait pas partir et tant mieux d'ailleurs.

— Tu vas faire quoi ? lui demandais-je d'une voix qui commençait à trembler. Retenter ton année ?

— Encore une fois ? Nan, et même si je le voulais, je n'ai plus les moyens de toute façon. Puis, regarde, je n'arrive même pas à atteindre les rattrapages, ça n'en vaut pas la peine.

— Qu'est-ce que tu vas faire alors ? répétai-je.

— Je ne sais pas ! Pour l'instant, je prends des vacances !

Elle venait juste de réussir à ouvrir sa barre de chocolat. Son regard s'illumina.

— D'ailleurs, j'ai décidé de rester quelques jours ici avec vous. Priam n'y voit aucun inconvénient et puis, si on m'avait dit un jour que dormir dans une suite était si fantastique, j'aurais alpagué tous les mecs riches et célibataires d'Amérique plus tôt ! (Elle soupira d'extase.) Non mais, sérieusement, cinq jets dans ma douche ! Ce n'est pas humain.

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