Chapitre 20 : Vulnérable

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— Je veux la voir... Je veux la voir... Je veux la voir...

Je n'entendais que cela depuis deux jours. À chaque fois que je passais devant sa porte, je l'entendais marmonner d'une voix éteinte comme si la vie l'avait quittée au pied du ring. Ce comportement me rendait folle et plus folle encore quand on me répétait sans cesse qu'il m'était impossible de le voir. Depuis le déclenchement de sa crise, je n'avais pas réussi à en apprendre davantage, je vivais toujours dans ce même brouillard opaque qui me semblait de moins en moins franchissable.

Parallèlement, des questions fourmillaient sans cesse dans mon esprit. Je savais que Priam était malade mais de quel genre de maladie s'agissait-il ? Est-ce qu'il lui restait du temps au moins ? Allait-il redevenir comme avant ? Pourquoi est-ce qu'on m'interdisait de le voir ? Et, comment Gab pouvait accepter qu'il continue de se battre dans cette situation ?

Tout ça n'avait aucun sens.

— Non, chérie, je suis désolée. Il n'est pas dans son état normal pour l'instant. Tu ne peux pas le voir.

— Mais pourquoi ?

Meg se mordit la lèvre.

— Il a besoin de calme, de repos. C'est la WWC qui est en jeu aussi. (Sa main recouvra la mienne.) Ce n'est qu'une affaire de quelques jours.

Plantée devant la porte du boxeur, nous nous fixâmes sans rien ajouter. Un nouveau grognement perça le silence, suivi d'un soupir venant tout droit de sa chambre. Ce son de désespoir me fit cligner des yeux. Hébétée, j'essayai en vain de me contrôler et de rester calme devant elle - elle n'y était pour rien mais... Mais, je ne pouvais m'empêcher de me sentir inutile.

Une affaire de quelques jours ? Mais combien exactement ? Cela faisait déjà deux jours que j'arpentais ma chambre de fond en comble en m'arrachant les cheveux, qu'est-ce qu'il fallait faire pour que ça s'arrête ?

Gab avait même été obligé de repousser les dates de ses prestations pour affaires personnels, preuve que ce n'est pas que passagé...

— Je l'entends, il veut me voir, soufflai-je.

— Je sais mais il préférerait sûrement que tu ne le voies pas dans cet état, Belle.

— Ce n'est pas ce qu'il murmure à longueur de journée.

Elle soupira. Ses yeux bruns se posèrent sur la grande porte derrière son dos où la bête sommeillait. Car, oui, dans ma tête, je n'avais que cette image qui me hantait, celle d'un prédateur dominant et affamé. Je repensais à sa bouche désireuse frôler ardemment celle d'une autre femme. Je les revoyais se dévorer des yeux alors que leurs mains s'agrippaient l'un à l'autre dans le plus grand des désespoirs. Mon imagination poursuivait sa quête en s'inventant la suite, la façon dont il la prendrait brutalement, ses yeux se révulsant lorsque la jouissance l'emporterait... Ces images m'excitaient et me dégoutaient en même temps.

— Pourquoi elle peut le voir et pas moi ?

Pourquoi Kate et pas moi ? voulais-je en réalité dire. Pourquoi je ne pouvais pas être comme elle ?

Ma puce, ça n'a rien a voir... Kate ne représente rien pour lui.

— Ne dis pas ça, rétorquai-je en repoussant le boule dans ma gorge. Elle vient le voir tous les soirs dans sa chambre, elle ne peut pas ne rien représenter.

— Tu ne comprends pas. Ce qu'ils font ensemble, ce n'est pas de l'amour. Elle répond à ses besoins ni plus ni moins.

Mes poings se serrèrent. Faire l'amour, ce n'est pas de l'amour ? Mais c'est quoi alors ? Pourquoi me parlait-on par énigme ? Elle restait des heures dans sa chambre, parfois toute la nuit. Tout ce que je pouvais entendre, c'était des gémissements étouffés dans l'oreiller. J'imaginais sans mal ce qu'il se passait derrière le mur. Et lorsque j'arrivais enfin à m'endormir, ce n'était que pour sombrer dans un énième cauchemar. À cet instant précis, je regrettais les cris de Kate, la torpeur de Priam et le rejet violent de Gabriel car mes rêves n'inspiraient qu'à une peur bien plus grande. Me revoilà de nouveau piéger entre les griffes de Clyde, mon premier amour. Il apparaissait dans mes songes chaque nuit depuis le changement d'humeur du boxeur. Ses coups me flagellaient la peau et la douleur semblait si réelle que le lendemain, mes muscles se révélaient atrocement ankylosés. J'étais comme plongée dans un cauchemar permanent. Le passé ressurgissait alors que le présent empirait. Quant au futur, il ne possédait plus rien d'aguicheur désormais.

K.OWhere stories live. Discover now