Chapitre 43 : Enterrement

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Le crépuscule se levait et lentement le jour s'éteignait, laissant place à une nuit profonde. Seules les dernières traces du soleil et les multiples torches qui s'allumaient progressivement permettaient d'éclairer le chemin qu'entreprenaient les Aldaniens.

Les uns derrière les autres, suivant un chemin sinueux à l'image d'un serpent, ils n'étaient habillés que de vêtements simples. La couleur des tissus n'avait en cette nuit aucune importance, seul comptait le fait que coexistait deux couleurs permettant d'illustrer et de représenter les deux aspects du défunt. D'accepter ses forces comme ses faiblesses et ainsi de permettre à Gana, celle qui guide les morts de le trouver et de l'emmener. Certains s'étaient habillés en blancs souhaitant rendre hommage à sa pureté, d'autres arborait un tissu vert accentuant son sang royal. Au contraire certains habitants s'étaient vêtus de bruns pour représenter la maladie et la faiblesse de leur roi.

N'en restait-il pas moins que cette cérémonie n'existait et représentait parfaitement leur monarque. Celui qui venait de les quitter et qui se devait à présent d'entreprendre un long périple que ses sujets espéraient paisible et sans souffrance.

Seul le bruit des pas, lent et rythmé, des endeuillés habitait le lieu situé hors de la cité. Un lieu réservé aux morts, réservé aux disparus qui donnait sur l'immensité tumultueuse et mystérieuse de l'étendue salé. Une étendue qui, par l'obscurité, semblait presque de pa sa similarité ouvrir une porte vers l'Autre Coté. La cité avait pour coutume d'envoyer ses monarques hors de ses murs, dans des cairns, des ensembles de lierre, de plante et de bois qui formait un frère radeau.

Nombreux des citoyens d'Aldane s'étaient réunis. Après le discours d'Hetass aux notables de la cité et sa répétition, aux oreilles comme aux esprits des Aldaniens, la grande majorité des habitants avaient décidé de participer au départ de leur défunt roi et de la monarchie.

Leurs pas les menèrent vers la baie où reposait un talus surmonté du linceul apparut. Ces fleurs, d'une teinte verte, étaient sans conteste la plus profonde représentation de la cité d'Aldane et d'une telle valeur qu'un lit mortuaire décoré avec ne pouvait que porter un roi de l'Autre Coté. Aux quatre coins du lit, des tiges de plantes avaient étaient cousues et peintes pour former des serpents mi-doré mi-noirci, symbole et forme terrestre de Gana, invitant ainsi la divinité à venir chercher son dû et son fardeau. Enfin, autour, étaient posés de petits pots contenant de la poudre colorée.

Les citoyens observèrent en silence les soldats déposer avec plus de douceur qu'il n'était possible, le corps du roi, puis, ils se retirèrent d'un pas donnant un signal implicite qui laissa des voix naître et chanter. Des femmes commencèrent leur complainte, élevant leur voix en une ode en l'honneur de leur ancien souverain, d'une voix sifflante, gutturale jouant sur le passage de plusieurs octaves.

— Quitter la terre, les hommes, les frères

Tes actions, de ton âme les héritières

Sauront payer ton passage vers la contrée promise

Où pourra se reposer, ton âme méritante et insoumise.

Des percussions et des flûtes prirent le relais et entamèrent une mélodie légère, reposante telle une berceuse cherchant à donner au défunt le repos éternel qu'il méritait. Des hommes prirent alors d'une voix plus basse et plus imposante la suite.

— Tends la main, accepte la messagère.

Seule elle, saura te montrer le chemin vers ta nouvelle ère.

Sifflant tes mémoires et tes craintes.

Elle saura te rappeler tes échecs comme faire taire des doutes de sa complainte.

Sans peur, nous te confions à son avidité.

Sans peur, nous te confions à son avidité.

Les chants se turent et Hetass s'approcha de la tombe pour prendre la parole :

— En ce jour, j'implore Gana pour qu'elle accepte de pardonner la noirceur des actes de feu Frederich III afin d'être en mesure d'admirer la beauté de son âme et ainsi de lui ouvrir les portes de l'Autre Coté.

Il se retourna vers l'assemblée et jeta un regard empli de tristesse à la foule, partageant du plus profond de son cœur la peine qui habitait le leur.

— Nous finirons tous par traverser la Porte et, les uns après les autres, nous passerons de l'Autre Coté si nos actes seront jugés à la hauteur. Tâchons de nourrir notre meilleur coté, ajouta-t-il se voulant rassurant bien que peu habitué à de telles prises de paroles.

Son silence fit ordre et le cercueil fut poussé dans l'eau. Les différentes poudres fixées dessus libérèrent au contact de l'eau une longue traînée de couleurs, claires, sombres, joyeuses, ou ternes. Des couleurs représentant leur roi, illustrant un homme et rendant hommage à un disparu.

Malgré les réticences de certains, Hetass avait demandé aux jeunes Paladins d'assister à la cérémonie et ils avaient silencieusement observé la scène. Ils étaient restés afin de s'assurer du bon déroulement de la mise en place de la République et surtout de son observation afin de rendre un rapport à la hauteur de la lourde page historique qui se tournait à leur directeur. Contrairement à ce que craignaient certains anciens Résistants, la plus grande majorité de la Cité était ravie d'être passée en République et encore plus de ne pas être annexée au Conseil.

Le lendemain de l'enterrement du roi, les Paladins se préparèrent à leur départ. Tandis qu'ils s'attelaient à préparer leurs montures, Hetass accompagné de Roy, devenu le premier conseiller de la Cité, vint à leur rencontre afin de leur souhaiter bon voyage.

— Aldane vous doit énormément jeunes Paladins, vous avez la reconnaissance de tous les citoyens.

— Nous n'avons fait qu'accomplir notre mission, lui répondit Ethan avec un large sourire.

— Pas seulement, vous nous avez aussi prouvez que l'Académie était bien neutre vis-à-vis du Conseil, renchérit Roy.

— Et pour cela, nous avons écrit une lettre à l'Académie, ajouta Hetass, racontant votre exploit, et la cité a promis que si l'Académie avait besoin d'aide, nous vous fournirons le peu de ressources dont nous disposons.

Eirin monta sur son cheval qui renâcla bruyamment et se dirigea face à Hetass.

— Comme l'a dit notre camarade nous n'avons fait qu'accomplir notre devoir au nom de l'Académie.

— Eh bien m...

— Cependant...

Avec ces mots, l'expression d'Eirin se fit plus sérieuse, presque froide. Son regard s'harmonisant avec le ton de ses paroles, ses yeux prirent une teinte froide éveillant davantage la teinte grise de ses iris.

— Je parle cette fois-ci en mon nom, reprit la jeune fille juchée sur son cheval qui s'impatientait de plus en plus. Je tiens à vous rassurer cela ne signifie pas que je m'oppose à vous. Cependant, en tant que personne avertie, j'espère que vous ne vous opposerez pas au Conseil. J'avance cela pour vous et votre pays pour qui j'ai étonnamment une profonde affection. Croire en la possibilité de gouverner par le peuple et pour le peuple force à l'admiration et il serait dommage que cela ne puisse que mener à la guerre.

Le regard d'Hetass se fit plus dur, pourtant, les mots qui sortirent de sa bouche ne reflétèrent aucune agressivité. Il le savait, la jeune fille qui lui faisait face et qui n'avait de cela plus que sa jeunesse tant elle ressemblait à présent à son père dans son regard comme dans sa manière de s'exprimer, avait raison. Contredire ou ne serait-ce qu'avoir l'idée d'une opposition avec cette assemblée était suicidaire.

— Je vous remercie pour votre mise en garde, Mademoiselle. J'ose espérer que vous saurez vous montrer aussi avisée dans vos propres décisions.

Eirin hocha la tête, puis ramena son regard vers l'horizon et tira sur ses rennes afin de s'orienter vers la porte principale du château. Elle tourna la tête vers ses camarades, eux aussi montés sur leur cheval respectif, et demanda dans un sourire :

— Tout le monde est prêt ? Nous pouvons y aller et rentrer à l'Académie ?

Kevin et Shauna, qui venaient alors de se disputer pour savoir qui allait prendre les rennes du cheval, acquiescèrent en cœur, bien que Kevin, qui était derrière sa sœur d'armes, n'avait que pour seule envie d'étrangler son amie, voleuse de cheval.

Ethan ne partageait pas leur enthousiasme, suite aux paroles d'Eirin à l'encontre d'Hetass, il la regarda avec méfiance tout en donnant d'un coup de talon l'ordre à sa monture d'avancer. Non, c'était bien plus que de la méfiance. Une profonde froideur accompagnée d'un soupçon de déception perçait à présent ses iris.

***

Bonsoir à tous ! Je suis vraiment navrée du retard de ce chapitre ! La suite sera pour samedi prochain. Ce ne sera pas décalé. J'espère que ça vous plait et je suis navrée pour les fautes (la chaleur aide PAS DU TOUT à la relecture ^^') 

L'odyssée des EspritsWhere stories live. Discover now