École de magie Arcturus [4]

7-Le Voyant

Point de vue Abigail Night :

Nous pénétrons dans l'imposant palais, le cœur battant. Seul le bras de William auquel je suis fermement accrochée me permet de ne pas tomber... Je crois bien que sous le poids de mes jupes, je pourrais m'étouffer.

-Nous ne sommes pas sensés être ici, murmurai-je.

-Mes félicitations pour cette brillante déduction, déclara-t-il, ironique.

-William, je ne me sens pas bien, murmurai-je, soudainement paniquée en saisissant enfin l'importance de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons.

-Respire, au moins la musique est bonne...

-Bonne! J'espère que tu n'es pas sérieux?!

-Et bien, oui, le rythme est agréable, ajouta-t-il comme s'il s'agissait d'un fait tout à fait banal.

-Au nom de Resgard, William O'Ryan, tu es entrain d'écouter la musique de Jean-Baptiste Lully en direct...du compositeur lui-même! C'est historique comme instant, tu comprends?

-Je ne me suis jamais penché avec attention sur l'Histoire des arts et de la musique, avoua-t-il.

-C'est pourtant un sujet passionnant...

-Je ne dis pas le contraire, seulement, dans la vie, il faut parfois faire des choix.

À l'entente de ces mots, je me sens brutalement refroidit. Comme si quelqu'un venait de me lancer un sceau d'eau glacée. Réaliser des choix. Prendre une décision entre des options. Définitivement, je n'ai jamais été douée pour ça. En amour comme à la guerre...tous les coups sont permis?

-Que devons-nous faire? hésitai-je.

-Pour l'instant, suivre l'étiquette et nous fondre dans la masse, déclara l'historien d'un ton confiant.

Nous débouchons enfin sur une vaste salle richement décorée et illuminée par des centaines de bougies aux couleurs toutes plus extravagantes les unes que les autres.

Les femmes se pavanent dans des robes aux jupes surdimensionnées et aux coiffes si importantes que l'on eut pu les comparer à des ruches.

Quant aux hommes, le vert pomme, le jaune canari et le bleu poudre semblent être les dernières couleurs à la mode. En effet, les bas de soie qui se mélangent aux froissements des robes des dames sur la piste de danse donnent un balais presque étourdissant.

Le Dragon se tourne vers moi, plongeant son regard émeraude dans le miens. Des yeux pareils, c'est tout sauf naturels.

-Nous aurions dû penser à mettre des lentilles...

-Je me faisais la même réflexion à ton sujet, souffla-t-il.

Je déglutis péniblement en remarquant enfin le peu de distance qui nous sépare. Dans ma robe rose et pleines de boucles et de bijoux, je me sens soudainement très à l'étroit. La dentelle du jabot de William paraît lui être très inconfortable étant donné qu'il n'arrête pas de tenter de le désserer.

Mon cœur s'emballe alors que je remarque ses yeux descendre dangereusement sur mon décolleté, avantageusement mis de l'avant avec le corset et la chaînette dorée qui pend jusqu'à la naissance de ma poitrine.

Les joues rouges, je saisis son menton entre mon pouce et mon index pour redresser d'un petit coup sec son visage. Déconcerté, sa bouche est légèrement entrouverte et son regard, perdu.

-Ressaisis-toi, O'Ryan. Nous devons trouver un moyen pour retourner à notre époque.

-Nous pourrions aussi faire des choses bien plus intéressantes..., murmura-t-il d'un ton lourd de sous-entendu.