Avec Souvenir

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Un rire foula l'air, et toutes les têtes se tournèrent vers lui. Des yeux ronds comme des ballons, Jungkook avait regardé son meilleur ami, se demandant qu'est-ce qu'il pouvait bien lui prendre en pleine heure d'espagnol pour rigoler ainsi.
Le châtain s'était excusé à demi-mot, le rouge aux joues et des parles salées coincées dans les yeux.

Sa professeur avait un peu ri avant de reprendre son cours là où il était resté. Le châtain détestait l'espagnol, mais il aimait bien la professeur. Elle était simple, gentille et souriante. Mais bon, elle enseignait une langue du démon.
Un coup de coude fit sortir Hoseok de ses songes, et ses orbes rencontrèrent ceux de son meilleur ami.

"Qu'est-ce qui t'a pris ?

-Non rien, je repensais à un truc.

quoi ?

-Hier on parlait des gens avec Yoongi.

-Des gens ?

-Des gens cons.

-Oh."

Hoseok lui fit un sourire et tourna sa tête vers le tableau, essayant de se reconcentrer sur le cours.
Mais il sentait toujours le regard de son ami sur lui, ce qui le fit tourner une nouvelle fois la tête.
Il regarda Jungkook d'un air qui voulait dire "j'ai un truc sur le visage ?", mais le brun secoua la tête et regarda ailleurs.

Hoseok attrapa ses lèvres avec ses dents, et joua avec, un vieux tic qu'il avait depuis des années. Sa mère et sa soeur l'engueulaient à propos de ça, mais il jugea que ce n'était pas trop grave. Même si en soit sa mère avait à peu près toujours raison. À peu près.

Et il retourna dans ses pensées de tout à l'heure. Il avait parlé jusqu'à tard dans la nuit avec Yoongi, et sous les bras de Morphée, et les remontrances de son interlocuteur, il lui avait souhaité une bonne nuit à contre cœur.
Cela faisait peut-être trois semaines, ou un mois qu'ils se parlaient, et les discussions restées fluides, toujours en accords, même beaucoup trop pour que ça ne puisse être normal.
Mais pourquoi ça ne le serait pas ?

Hoseok adorait parler avec ce Yoongi. Un brun mystérieux, en même temps sûr de lui, cultivé, intelligent, clair et réfléchi. Tout ce que le châtain n'était pas. Il se demandait même pourquoi Yoongi continuait de lui parler.
Parce qu'à part ses péripéties pas très intéressantes, des souvenirs qu'il s'efforçait de garder en tête, Hoseok ne savait pas vraiment de quoi parler. Mais quand c'était avec le mystérieux, leurs discussions partaient des fois bien loin. Mais jamais en débat. Car ils étaient toujours en adéquation.

Et quand Hoseok pensa aux fois où ils ne s'étaient pas parler pendant plusieurs jours, voire une semaine, il en sourit encore plus. Car il ne savait pas comment il faisait pour tenir autant.

Mais son sourire se fana. Parce qu'il n'était sûr de rien. Il n'a jamais été sûr de rien.
Il avait peur de le déranger, peur de ne pas être intéressant. Et si l'autre se forçait à lui parler ?
Des perles salées remplirent de nouveau ses yeux. Mais pas de rire cette fois-ci.

Il déglutit difficilement, se mit une claque mentalement, "pourquoi t'es à deux doigts de chialer pour une personne que tu ne connais que virtuellement ?".
Mais voilà, c'était l'une de ses plus grosses craintes. Déranger, ne pas dire ce qu'il fallait.
Parce que c'était l'impression qu'il avait ressenti un bon nombre de fois. Petit, chez lui, quand ses parents gueulaient à table, que sa mère pleurer et que son père partait. Toujours petit, à l'école, avec des amis qui n'en étaient pas, et qui se fichaient de lui. Maintenant, chez lui, quand sa mère se plaint qu'il ne l'aide jamais, et que sa sœur lui dit des choses tranchantes sans le vouloir. Toujours maintenant, avec ses amis, quand il parle et qu'on ne l'écoute pas, quand il voit Jungkook et Jimin rigoler ensemble sur des blagues qu'il s'efforce de comprendre.

Il n'en veut pas à ce petit monde de ne pas tourner trop rond, c'était peut-être lui, qui est à côté de la plaque. Parce que c'était sûrement la vérité, Hoseok était égoïste. Il aidait peu sa mère. Il parlait beaucoup et parfois trop. Et il n'arrivait parfois pas à se mettre dans la tête de ses amis.

Comme quand Jimin lui avait reproché de dire des choses qu'il ne connaissait pas sur la santé des gens et qu'il devrait parfois fermer sa grande gueule. Et c'est vrai, il n'avait pas tort. Loin de là. Et ça l'avait fait énormément pleurer quand il s'était excusé d'être un mauvais ami et que son meilleur ami n'avait pas totalement démenti. Même s'il sait que maintenant son meilleur ami lui dirait "mais bien sûr que si tu es un bon ami, arrête de dire ça".

Il avait encore envie de pleurer, repensant à des choses totalement stupides. Mais Hoseok était commence ça, à tout enregistrer, même le moindre mot pour être sûr qu'il ne faisait rien de mal.

Mais il détestait ça. Pleurer. Que ce soit en public, ou seul, pour quelque chose d'heureux ou triste, le châtain pleurer pour un oui ou un non.
Et il détestait ça.
Ça lui rappelait juste qu'il était faible.

D'après un médecin qu'il avait vu il y a plusieurs années, il était en manque de magnésium, et c'était un fait. Mais il savait au fond de lui, que ce n'était pas qu'un problème de magnésium. Hoseok savait qu'il avait un problème (si on pouvait appeler cela un problème) pour chialer autant.

A ses cinq ans, il avait fait des séances chez la psychologue scolaire. Une femme très gentille, aux cheveux très bouclés et blonds. Et toujours un énorme sourire sur le visage. Hoseok l'avait aimée dès leur première rencontre, une femme haut en couleur et qui en plus pouvait le comprendre. Il avait compris juste après qu'en fait c'était son métier, tirer les vers du nez au mômes pour trouver ce qui clochait. Mais justement c'était ça le problème. Tout allait bien chez Hoseok. Un jeune homme très stressé par la moindre chose inhabituelle, certes, mais un jeune homme qui coloriait tranquillement avec pleins de couleurs différentes, que l'on pouvait manier comme on le voulait à condition qu'il ait de quoi se distraire.

Oui, tout allait bien chez Hoseok. Juste une chose manquait, une case, un souvenir, qui maintenant n'était toujours pas comblée.
Si le châtain avait tant besoin de se distraire et parler, c'était pour penser à autre chose qu'à son traumatisme. Et quelle ironie pour lui quand il y repense maintenant, car il n'a aucune idée de ce qu'il y a bien pu se passer qui l'ait traumatisé, assez pour qu'un médecin se penche sur son cas.
Hoseok avait été traumatisé. Tellement qu'il l'avait effacé de sa mémoire.

Mais il détestait dire traumatisme, autant qu'il détestait pleurer. Peut-être même plus.
Hoseok avait eu une enfance un tout petit peu compliqué, comme la plupart des enfants de son âge, mais dire traumatisme était bien trop grand pour lui.
Il se rendait compte de la chance qu'il avait, d'être entouré et aimé.

La sonnerie le réveilla d'un coup, puis Jungkook le secoua un peu. Un sourire vint peindre son visage, puis il pensa au prochain tweet qu'il pourrait faire pour attirer l'attention de Yoongi.
En espérant qu'il ne le lasse pas avec ses souvenirs.

Les Visages Oubliés [Sope]Where stories live. Discover now