52. Deux

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Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit.

Margaux non plus, d'ailleurs, mais je crois qu'on ne va pas en parler.

Il faut que j'aille voir mon grand-père.

Si ma mère s'est retirée de tout ce qui avait trait à l'entreprise familiale pour mieux s'occuper des enfants lorsque nous sommes nés, son père jongle encore avec des millions, voire des milliards de dollars quotidiennement en dirigeant la société d'une main de fer du haut de ses soixante-dix ans.
Il me reste deux jours pour trouver l'argent et je sais que je n'ai pas d'autre choix que d'aller lui expliquer posément ce qui se passe avec Zoé et moi. Et si ça se trouve... lui promettre un remboursement dans les prochaines années.

Je suis vraiment désespéré.

Une sentiment de malaise me tiraille chaque fois que j'y pense – c'est-à-dire plusieurs fois par heure. Ça va à l'encontre de tous mes principes de base. Ça va à l'encontre de tout ce que je prône habituellement dans mon style de travail. Toutefois, lorsque ce type d'affaires comprend la vie d'un membre de la famille qui ne tient qu'à un fil, des mesures différentes doivent être prises.

Même si ça signifie que je vais devoir dire à Donovan de lâcher l'affaire.

Même si ça signifie une perte astronomique d'argent.

Même si ça signifie un psychopathe en liberté dans la ville.

Ça signifie au moins que ma sœur sera en sécurité et que toute cette merde sera terminée. Je ne peux rien faire de plus parce que les choses m'échappent entre les doigts désormais.

Le corps courbaturé et épuisé, je me redresse dans le lit et repousse les couvertures. Dans mon dos, Margaux remue aussi, mais ne dit pas un mot.

Nous n'avons pas parlé depuis hier.
À part nous demander « qu'est-ce que tu veux manger ? » et « tu prends ta douche ? », nous avons soigneusement évité tout sujet de discussion.

Elle n'est pas d'accord avec ma décision.
Je ne suis pas d'accord avec la manière dont elle veut gérer les choses.
Nous n'en parlons pas.

Je m'enferme dans la salle de bains en sentant un poids malsain peser sur ma poitrine. Je me brosse les dents, change de boxer, mouille un peu mes cheveux pour les discipliner vers l'arrière et me lave le visage avec un peu du nettoyant à la pêche de Margaux. Franchement, depuis que j'habite chez elle et que j'utilise certains de ses produits de beauté, ma peau est plus douce et hydratée et j'ai l'odeur d'une salade de fruits. C'est assez cool.

Lorsque je reviens dans la chambre, elle est assise au milieu des oreillers et des couvertures en train de recoiffer ses cheveux courts du bout des doigts.

— Salut.

Elle lève sur moi des yeux un peu rouges et bouffis par les larmes de la veille et sourit légèrement.

— Salut.

Même si j'ai l'envie pressante de partir tout de suite pour obtenir l'argent le plus vite possible et de me débarrasser de cette obligation, de reviens dans le lit et lui ouvre mes bras. Avec un soupir soulagé, elle se jette sur moi, me fait basculer sur le dos. Je serre son petit corps encore tiède de sommeil qu'elle enroule autour du mien comme un koala. Sa douceur et sa chaleur me calment, la façon dont elle s'agrippe à moi comme si j'étais sur le point de disparaître me donne envie de l'emmener loin d'ici pour qu'on recommence notre vie en sécurité et ses lèvres douces dans mon cou me serrent le cœur.

Aveuglé par ma douleur, je l'ai laissée seule avec cet enfoiré qui lui a fait peur et qui l'a menacée avec un putain de flingue. Et pendant ce temps, j'étais en train de manger un toast avec mon frère chez mes parents.

Sue Me - T1Where stories live. Discover now