56. S'il te plaît

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MARGAUX

Il ne bouge pas.

Il n'ouvre pas ses beaux yeux vairons.

Il ne me sourit pas.

Il ne me dit pas que tout ira bien.

Il ne me taquine pas.

Il ne m'appelle pas « mon chou ».

Il est seulement là, dans ce lit d'hôpital, le visage blanc, les lèvres un peu bleutées, le corps inerte, la respiration régulière sous le masque d'oxygène, l'épaule et la poitrine bandées, des fils collés à chaque centimètre de son corps et reliés à des machines qui émettent les seuls sons rassurants dans la pièce.
Parce que tant que ces machines font du bruit, je sais qu'il s'en sortira. C'est ma seule garantie.

C'est la première fois qu'ils me laissent entrer depuis des jours. Sa mère a beau être adorable, elle est aussi très protectrice.

J'avance sur la pointe des pieds, la lèvre inférieure tremblante.

La chambre est froide.
Ça me donne l'impression insupportable d'être dans une morgue. Ça me fait peur. Ça me brise.
Mes yeux débordent de larmes lorsque je remarque aussi l'entaille rouge vif qui traverse son sourcil.

C'est à cause de moi.

Je m'agenouille près du lit en réfrénant mes sanglots comme je le peux. Je prends sa grande main raide et glacée dans les miennes, la serre désespérément.

— Je m'ex-cuse, balbutié-je, n'y voyant pas clair derrière mes lunettes embuées.

Je les enlève avec exaspération et appuie ma joue contre sa peau froide pour la réchauffer.

— J'aurais dû te f-faire confiance... Je ne s-savais p-pas que tu avais d-déjà parlé à Donovan. Je voulais juste te prot-

Ma voix se brise et mon cœur se serre avec violence dans ma poitrine, tellement que j'ai l'impression de suffoquer. Et sa main n'a aucune réaction dans la mienne. Aucune.

Alors je pleure comme je n'ai jamais pleuré auparavant.

À m'en déchirer la gorge et le cœur.

Parce que, cette fois-ci, je sais que j'aurais causé la perte de mon couple de mes propres mains. Le premier couple de ma vie où je me suis sentie aimée et acceptée pour qui j'étais vraiment, gâché par un seul appel anonyme à la station de police. Mon amant, mon meilleur ami et parfois mon ennemi, l'homme le plus courageux et loyal que je connaisse aurait pu mourir par ma faute, et rien en ce moment ne me prouve qu'il se remettra de ce coma.
Absolument rien.

— Tu ne peux pas me quitter maintenant, si ? chuchoté-je à travers mes sanglots. J'ai b-besoin de toi. Pardonne-moi.

J'embrasse sa paume, le creux de son large poignet.

Pardonne-moi.

Je reste à son chevet même si mes genoux me font souffrir. C'est seulement lorsqu'une infirmière m'oblige à sortir pour lui faire des examens quotidiens que je me résigne à le quitter. Je m'accroche à tout ce qui est solide et qui se trouve sur mon chemin pour garder l'équilibre sur mes jambes engourdies.

Sue Me - T1Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin