Chapitre 6

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— F L A S H B A C K —


À l'heure précise où le soleil ocre de la fin d'après-midi caressait la cime des gratte-ciels de la ville, ses rayons venaient heurter la surface de East River et offraient, aux yeux les plus aguerris, un spectacle des plus éblouissants. Le pont de Brooklyn, comme sous le feu de puissants projecteurs, se dressait au premier plan d'un ciel délicatement rosé. Les pierres vieillies du monument laissaient alors entrevoir leurs mystérieux sillons creusés par le temps, qui, endurcis par les assauts de l'histoire, supportaient vaillamment le poids du ballet quotidien de promeneurs et de véhicules qui quittaient Brooklyn pour Manhattan — et inversement. Ce fut à ce moment-là de la journée, lorsque le pont englouti par son halo glorieux se dressait fièrement face à la ville, que deux amis foulèrent son plateau, au milieu de tant d'autres corps déambulant au-dessus de l'eau.

— Au fait, tu pourras me faire passer tes notes du cours de finance ? J'ai absolument rien compris à ce que le vieux schnock racontait tout à l'heure.

— Si tu veux. Mais pour être totalement honnête avec toi, j'ai pas suivi grand-chose non plus...

Ayden hocha la tête, dubitatif face à la réponse de son amie, puis se contenta de balancer le cahier corné qu'il tenait dans sa main gauche, d'avant en arrière. De son côté, Angélique serra un peu plus ses livres contre sa poitrine, tout en se concentrant sur le vent humide qui caressait son visage à mesure qu'ils avançaient sur le pont.

Après leur cours de finance, pendant lequel ils avaient dû lutter corps et âme pour ne pas s'endormir à cause de la voix soporifique du dit « vieux schnock », Angélique et Ayden avaient décidé de se balader dans Manhattan avant de regagner Brooklyn, en fin d'après-midi. Après plusieurs heures de randonnée urbaine, la fatigue de la journée commençait à se faire sentir et pendant quelques brèves secondes, alors qu'ils venaient de franchir la moitié de East River, ils se demandèrent s'il n'aurait pas mieux valu prendre le métro. Ayden poussa un long soupir et changea son cahier de main, pendant que Angélique soulageait un de ses bras endoloris en le laissant aller à sa guise le long de son corps. Le jeune homme reprit alors, sur un ton las :

— Franchement, je comprends pas l'utilité de ces cours.

— Pourquoi tu as choisi ceux-là, alors ?

— Parce que tu les avais choisis. Du coup, j'en ai déduit que c'était important. Je me suis planté.

Angélique jeta un regard en biais à son ami en le questionnant :

— Comment ça, tu t'es planté ?

— ...J'ai vraiment une tête à devenir trader ? Ou chef d'entreprise ? Ou comptable, tiens !

Le sourire éclatant d'Ayden illumina un peu plus son visage et Angélique retint un petit rire moqueur.

— Non, tu as une tête à problèmes.

— Et tu crois qu'un problème peut devenir comptable ?

Elle se tourna vers lui et le détailla de la tête aux pieds.

— Remarque, vu ta dégaine, c'est sûr que ça changerait de l'image moche et coincée qu'on en a.

Il laissa échapper un petit rire jovial et Angie rehaussa ses livres, les joues légèrement rosies à la fois par le vent et par les derniers mots qu'elle venait de prononcer.

— Non. Les études, c'est vraiment pas fait pour moi. J'en suis sûr, maintenant.

— Et... qu'est-ce que Loïs dit de tout ça ?

Gueule d'ange [PREQUEL DVOS] (TERMINÉ)Where stories live. Discover now