Chapitre 10

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— F L A S H B A C K —

Installée sur une petite chaise bien peu confortable, Loïs prit une profonde inspiration, tout en serrant la lanière de son sac dans une main et un mouchoir usé dans l'autre. Le néon blanc qui vacillait au-dessus de sa tête donnait aux murs de la salle d'attente de la morgue une apparence des plus lugubres.

Il était un peu plus de neuf heures, ce matin-là. La veille, les médecins avaient terminé l'autopsie du corps d'un jeune homme abattu quelques jours auparavant à Brooklyn. Sa dépouille s'apprêtait à être transférée à Dallas, où il serait inhumé dans la même terre que ses ancêtres. Loïs s'était donc levée aux aurores pour rejoindre l'hôpital, dans l'espoir de pouvoir faire ses adieux à son ex-petit ami. Mais plus encore, elle voulait apporter un soutien des plus inconditionnels à la jeune femme qui était assise en face d'elle, dans cette même salle d'attente.

Angélique semblait dépourvue de toute vie. Son teint blafard était accentué par la lumière éblouissante du néon. Ses joues, creusées par ses pleurs formaient des ombres inquiétantes sur son visage, le faisant presque ressembler à celui d'un cadavre. Ses cheveux blonds étaient collés en d'épaisses mèches et ses yeux étaient si rouges qu'il était presque devenu impossible de deviner la couleur initiale de ses iris. Une main posée sur son ventre, elle ne pipait mot, laissant ses larmes couler machinalement le long de sa mâchoire.

Loïs avait appris la nouvelle de la grossesse de son amie peu de temps après celle du décès d'Ayden. La bousculade que l'annonce de vie et de mort avait provoquée en elle avait eu un effet dévastateur sur ses émotions. Ce jour-là, Loïs avait ri à travers ses larmes. Un rire douloureux, plus terrible qu'un hurlement face à l'ironie sinistre de la situation. Cet enfant n'était pas encore venu au monde qu'il souffrait déjà de la perte d'un être cher. Et bien qu'elle eût juré à Ayden de ne jamais abandonner Angie, la peur de voir cette jeune mère baisser les bras avant même d'avoir commencé le combat n'avait pas quitté son esprit depuis lors.

Loïs déglutit lentement et prit une profonde inspiration. La terrible odeur de formol qui régnait dans l'air ne faisait qu'accentuer son malaise. La chaleur des corps des deux jeunes femmes se heurtait aux froides températures de la pièce, comme si la frontière du royaume des vivants et des morts s'établissait en ce lieu.

À tout moment, Charon pouvait apparaître sur le seuil et les conduire jusqu'aux portes de l'enfer.

Et pendant une courte fraction de seconde, Loïs crut à cette vision.

Un soignant vêtu d'une blouse blanche surgit dans la salle d'attente et fit sursauter les deux amies. Malgré toutes les pensées lugubres qu'il provoquait chez Loïs, il adressa un sourire compatissant à l'une comme à l'autre avant de déclarer, d'une voix douce :

— Bonjour, Mesdemoiselles. Vous êtes venues pour Monsieur Adkins, c'est bien cela ?

Angie fut incapable de répondre tant la réalité lui semblait encore aberrante. Entendre ce nom dans une morgue était si loin de tout ce qu'elle avait imaginé jusqu'alors pour l'avenir du père de son enfant... De son côté, et face à l'absence totale de réaction d'Angélique, Loïs se contenta d'acquiescer d'un signe de la tête.

— Toutes mes condoléances... Venez avec moi. Les pompes funèbres viendront le récupérer dans quelques heures. Il me semble que ce jeune homme a un dernier voyage à faire.

Loïs se leva et rehaussa maladroitement son sac sur son épaule en balbutiant :

— Oui, il... Il doit être enterré au Texas. Marguerite... Enfin, je veux dire, une amie proche de sa famille, s'est occupée des formalités administratives avec ses parents.

Gueule d'ange [PREQUEL DVOS] (TERMINÉ)Where stories live. Discover now