"Dumb Bitch" 🔚 Seungbin

Chapitre 6

6.

L'heure est arrivée.

—      Changbin !

Respire. Respire. Respire. Respire.

Changbin marche en tentant de sourire. Jisung lui a dit de ne pas prendre de sweat, mais il a quand même opté pour une veste. Hyunjin lui fait signe à l'entrée du métro. Comme à son habitude, le brun est très bien habillé, même pour une petite sortie de rien du tout. Son long manteau anthracite est ouvert sur un haut à col roulé et un pantalon noir. Ses cheveux sont soigneusement dégagés, montrant une partie de son front alors que deux mèches retombent autour de ses tempes.

Même en ayant fait un petit effort, Changbin est pitoyable à côté.

—      Salut, tu vas bien ?

Le noiraud avale difficilement sa salive.

—      Ça va, ça fait longtemps que tu attends là ?

Hyunjin le rassure en brassant l'air avec sa main, un grand sourire sur le visage. Mon Dieu, comment on peut être aussi beau ?

—      T'en fais pas pour ça, je suis arrivé il y a deux minutes. On y va ?

—      Où on va ?

—      A mon café préféré !

Il attrape le poignet de Changbin pour l'entrainer avec lui. Ce dernier étouffe un rire tellement nerveux qu'il s'étrangle presque. Il capte un dernier morceau de ciel juste avant qu'ils ne s'engouffrent derrière les portes automatiques. Il ferme les yeux :

Toi entité quelconque qui me regarde en te tapant sûrement ta meilleure barre, laisse-moi sortir de cette situation avec encore un semblant de dignité.

Le train démarre et Hyunjin n'arrête pas de parler.

Se maintenant tous les deux à la même barre métallique, le plus grand est bien jovial aujourd'hui :

—      Je pense pas qu'on puisse se permettre ce genre de sortie d'ici deux ou trois semaines. Franchement, faut toujours que les exams nous tombent dessus au mauvais moment.

—      Ouais, fait Changbin, encore tendu.

—      D'ailleurs t'as fini ta dissert en civilisation irlandaise ? Je bloque totalement dessus, je vais surement demander à Felix de passer chez moi pour qu'on bosse ensemble.

—      J'ai pas fini non plus.

—      Tu peux venir aussi, si tu veux.

Pas sûr que tu veuilles encore m'inviter où que ce soit à la fin de cette journée.

—      Je verrai, merci beaucoup de proposer.

Fais-lui une révérence tant que t'y es !

Ils arrivent à une station dix minutes plus tard, pas loin de la rivière Han, dans le quartier de Yongsan-gu.

Au fur et à mesure qu'ils marchent, Changbin est tout de même plus à l'aise en voyant que Hyunjin n'évoque pas le sujet de Kim Seungmin. Pas encore du moins, parce que Changbin ne se voile pas la face, ce n'est pas en toute honnêteté que Hyunjin lui a proposé cette sortie. S'il n'y avait pas eu ce petit mensonge, le garçon aurait juste partagé sa table pour un cours et aurait à nouveau disparu de sa vie.

Effectivement, ce n'est pas la meilleure caractéristique que Changbin peut relever de la part du brun, mais entre un hypocrite et un menteur, il n'y a pas de grande différence.

Même s'il est moins oppressé, il est vrai que plus le temps passe, plus le noiraud a le moral dans les chaussettes.

—      C'est là.

Il est surpris en entendant le carillon d'une petite pâtisserie, quand Hyunjin l'ouvre et lui désigne l'intérieur d'un mouvement du bras.

—      Après vous, fait-il avec un gloussement.

Changbin se mord la langue, et une pression dérangeante pèse sur son coeur. Il aimerait que Hyunjin soit réellement comme ça, et pas juste pour bien se faire voir par l'ami de Kim Seungmin.

Le noiraud lui tente un sourire, mais au moment où il s'avance, celui du brun s'efface. Et Changbin se fige face à l'ombre qui lui traverse les yeux. Le changement est si brutal qu'il se demande si ce n'est pas un masque qui vient de tomber par terre.

Sur le moment, les pupilles de Hyunjin se rétractent, laissant la couleur nacrée de son iris lui manger presque la totalité de l'œil.

—      Arrête de te la jouer, Seo.

Le cœur de Changbin s'emballe, une goutte de sueur se fraye un chemin jusqu'au bas de son dos. Alors qu'il observe son vis-à-vis et l'expression impénétrable qu'il affiche, plus rien ne s'organise convenablement dans son esprit.

Hyunjin attend, mais voyant que Changbin s'est totalement braqué, il se contente de soupirer.

—      Pourquoi tant d'efforts Changbin ? Tu le connais pas, n'utilises pas son nom po-

—      Est-ce que vous pourriez vous décaler s'il vous plait ?

Peut-être que là-haut, quelqu'un a entendu Changbin. Et peut-être que ce quelqu'un cherche à l'aider, ou au contraire empirer sa situation comme jamais. Honnêtement, à ce stade la vie de Changbin est plus désordonnée et pitoyable qu'une paire d'écouteurs oubliée dans la machine à laver.

Mais quand Hyunjin se retourne pour voir qui tente de sortir du café, c'est lui-même qui se tétanise.

Le carillon tinte de nouveau, et c'est semblable aux cloches du matin, quand le soleil se lève. Sauf que là, personne ne sait s'il fera beau ou gris.

Le garçon, emmitouflé dans sa doudoune brune, portant plusieurs gobelets de café entre les mains, bloque ses derniers pas quand il se retrouve face à Changbin.

Le noiraud a d'abord les yeux rivés sur ses chaussures, et doucement, il les lève sur son corps. Fin et élancé, avec des habits chics et élégants. Il prolonge l'inspection quelques secondes sur les bagues qui ornent ses longs doigts, et remontent enfin pour croiser son regard. Et si pendant toute cette virée désastreuse il pensait que son coeur allait lâcher, là, il peut être sûr qu'il s'est fait la malle à toute vitesse.

Une expression scandalisée se grave sur leurs deux visages.

—      Bordel, qu'est-ce que tu fous là toi ?