Chapitre 38

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38.

Changbin a trainassé toute l'après-midi dans son studio, à attendre il ne savait pas vraiment quoi

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Changbin a trainassé toute l'après-midi dans son studio, à attendre il ne savait pas vraiment quoi. Le soir sûrement. Et une fois le soir tombé, il aurait attendu le lendemain matin. Et ainsi de suite jusqu'à ce que tout cela prenne fin.

Le fait de se savoir si impuissant dans cette histoire lui mine le moral, il tourne sur lui-même en espérant que la nouvelle aurore soit moins terne. Pourtant, encore et toujours, les secondes se ressemblent.

Changbin n'aime pas penser trop fort, ça le rend patraque et comme Jisung le lui rappelle parfois, ça déprime tout ce qui l'entoure. Alors il se lève avec les sourcils froncés. Il a déjà raté deux nuits de boulot et deux jours de cours, il compte au moins user des dernières bribes de forces qui lui restent pour ramasser un minimum les pots cassés. S'il continue d'attendre, son moral ne fera que chuter un peu plus. Comme quoi, il y a un bon côté à stagner dans une phase de déni : on est encore maitre de soi avant que la déferlante ne nous tombe dessus.

Il s'habit correctement, attrape son portable qu'il a laissé charger pendant ces quelques heures de réflexion et claque la porte.

— Enfoiré.

Comme au tout début. Sauf qu'au tout début, l'enfoiré avait volé des friandises, pas un coeur.

Il descend les escaliers et souffle, le temps se refroidit avec la fin de l'après-midi. Capuche en arrière, les oreilles à la merci du léger vent, le nez rougi par la température, il observe la fine buée qui flotte dans l'air, et les passants qui rentrent chez eux. Mains dans les poches, le crépuscule est jeune mais jaunie les arbres.

Changbin gagne la station une poignée de minutes plus tard, pour voir son patron et s'excuser de lui avoir fait faux bond. Le noiraud ne ferme pas les yeux sur l'éventualité d'un licenciement, après tout, il aura fait pas mal de bêtises en moins de trois mois. Et s'il ne regrette aucune d'entre elles, ce qui est le cas, alors peut-être qu'il ne mérite pas cet emploi.

La station se dresse, grande bâtisse entre quelques arbres et peu de gens. D'ailleurs, les clients qu'il aperçoit semblent en train de partir, ce n'est pas l'heure de pointe. Les garages sont vides et juste le feuillage des arbres donne un peu de mouvements à l'endroit, figé. Changbin parcourt une autre centaine de mètre quand il finit par s'arrêter presque de force. Une image brouillonne, plus loin, ça s'agite. Le mouvement le fait s'extirper d'une léthargie qu'il n'avait pas remarquée.

Miyeon sort de la boutique en vitesse, ses gestes sont nerveux et désordonnés. Elle enfile rapidement sa parka miel et jure quand son paquet de chewing-gum tombe au sol sans qu'elle ne prenne la peine de le ramasser.

— Miyeon ?

La jeune femme sursaute, redresse la tête. Derrière sa frange brune, ses yeux se veulent un minimum contenus, mais quelque chose frémit dans sa pupille, entre la colère et une nuance impossible à interpréter.

— Oh, Changbin...

Et là aussi, dans sa voix, un fragment ébranlé. Sa voix est rocailleuse, comme si un peu plus tôt, elle avait crié.

Tout change, son teint devient pâle.

— Je suis désolée...

Changbin bat plusieurs fois des cils, mais il n'a même pas le temps de lui tendre la main, sa collègue le contourne et déguerpit d'un pas trop lourd. D'ailleurs, happé par sa réaction, Changbin considère l'idée de la rattraper et lui demander ce qui ne va pas.

C'était sans compter le tintement du carillon, qui le prend de court et qui désaccorde l'air. La femme disparait dans la rue et le nom de Changbin résonne.

Tu penses que tu peux revenir quand bon te semble ? lui lance quelqu'un d'un timbre tranchant.

Et il ne sait plus où donner de la tête, entre son amie qui se barre mystérieusement, et la surprise d'entendre la voix de son patron, bras croisés et regard assassin dans l'encadrement de la porte.

Monsieur Lee, déglutit le noiraud.

Le cinquantenaire est là, plus remonté que jamais. Ça a dû avoir sacrément crisé avant qu'il n'arrive. Miyeon ne s'emporte pas, jamais, il pense honnêtement ne jamais l'avoir vue en colère. Et celle-là, c'était une colère froide mais elle était percutante.

— Alors, où étais-tu passé ?

Il crache presque, sa mauvaise humeur n'aura jamais parue aussi venimeuse, Changbin fronce les sourcils et se retient de faire un pas en arrière.

— J'ai eu des problèmes personnels et je n'ai pas pu prévenir. Je suis désolé.

— Des problèmes personnels ?

Il part dans un puissant éclat de rire, qui arrive à faire tressaillir l'étudiant. Changbin ferme les yeux et mord sa lèvre, plantant discrètement ses ongles dans ses paumes. Il devine qu'il n'est plus que question de minutes avant que son renvoi ne soit officiel. Chercher les bonnes grâces de son patron, c'est une chose. Les chercher alors qu'il est au bord de l'explosion, c'en est une autre.

Alors, rien n'est plus déstabilisant que d'entendre le ricanement moqueur se métamorphoser en vanne maladroitement taquine. Quand Changbin rouvre les yeux, les plantant sur la main plaquée à son épaule, comme s'il saluait un bon copain.

— Bon Dieu Changbin, reprend-il avec les larmes au bord des yeux tant il est hilare. Ne disparais pas comme ça, je me suis fait un sang d'encre pour toi !

— Pardon ?

— Tu n'as prévenu personne, comme tu l'as dit. Et Miyeon aussi a cru qu'elle allait devenir folle, tu ne répondais même pas à ton portable. Elle a commencé à devenir désagréable avec les clients, alors elle est rentrée chez elle.

Il avait effectivement vu la centaine de messages et d'appels quand il avait rallumé son portable, sans avoir la force de les lire ou d'y répondre. Il s'est dit qu'il le ferait après, une fois cette tâche fastidieuse accomplie.

"Dumb Bitch" 🔚 SeungbinWhere stories live. Discover now