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Je souris. Léo tente de me faire rire depuis près d'une demi-heure. Je sais qu'il se sent coupable de mon bad mood. Pourtant, je ne lui en veux plus du tout. Comme si mon cœur s'était allégé de toute colère, de toute rancune. J'ai mis du temps à m'en remettre de cette "crise" mais désormais, je me sens mieux. Il va juste falloir que je me réconcilie avec Adil. Je lui souris encore une fois avant de lui taper légèrement la main.

- Tu vas te faire virer si tu continue, je l'avertis. Si j'ai bien compté, ça fait ton cinquième retard ce mois-ci.

Il lève les yeux aux ciel et me pique une tomate. Je continue à manger ma salade tranquillement sans le quitter des yeux. J'aurais tellement voulu passer plus de moment comme celui-ci avec lui.

- Oh, ça va, fait-il. Et puis c'est un peu ta faute.

- Ma faute ? Je répète en pouffant. C'est toi qui est trop gourmand.

Il fait une moue et me reprend une autre tomate avant de s'essuyer la bouche. Puis il se penche au dessus de la table et m'embrasse sur le front. Je lui tire la langue en retour. Il se lève et s'en va, non sans m'avoir tiré la langue aussi. Je sors ensuite mes cours et révise. Je plisse les yeux comme si cela pouvait empêcher les longues équations de bouger dans tout les sens. Les chiffres semblent se calmer au bout de dix minutes et je trouve enfin un rythme posé pour refaire mes exercices. Après cette étape de calculs, je passe à l'anatomie, la seule matière qui m'intéresse vraiment. Je tourne les pages du livre sans but précis et m'arrête sur le chapitre du fonctionnement neurologique du corps humain. Soudain, une voix m'appelle. Au lieu de sursauter, je ferme brusquement mon gros livre. Je lève la tête. Mon cœur sursaute, lui. Adil est devant moi. Je suis surprise de le voir avec des habits colorés : un jean bleu ciel accompagné d'un sweat rouge simple, assorti à son bonnet tout neuf et de son éternel blouson noir. Ses cheveux retombent un peu sur son front. Ses yeux clairs sont bordés de cernes discrètes et ses joues sont toutes roses. Quant à ses mains elles sont toujours noyées dans les poches de son jean. Je cligne des yeux plusieurs fois et me redresse pour me donner une contenance.

- Qu'est ce que tu fais là ? Je lâche avec une voix trop froide à mon goût.

Un petit couinement me répond mais ce n'est pas Adil. C'est son chien. Un petit beagle tricolore agite sa queue, ravi apparemment de se trouver ici. Il baille et s'approche de moi. Je me fige, déconcertée.

- Alors ? J'insiste sans détourner les yeux du chien.

- Je suis simplement venu te dire quelque chose, répond-il d'une voix calme. Deux choses en fait.

Je pose mes mains à plat sur le livre et le regarde dans les yeux. Je montre la chaise.

- Bah vas-y assis toi.

Il secoue la tête avec un sourire en coin.

- Non, ça va, j'en ai pas pour longtemps.

Contrairement à Malo qui s'agite dans tous les sens, Adil reste calme au point que lorsqu'il sort ses mains de ses poches, elles ne tremblent pas. Il attrape Malo et l'attache avec une laisse rapidement avant de se tourner vers moi. J'attrape mon verre d'eau. Maintenant c'est mes mains qui se mettent à s'agiter. On se calme, Anna.

- Je voulais que tu saches que grâce à toi, je vais mieux, déclare-t-il les yeux brillant. Je veux dire que...depuis qu'on s'est rencontré j'ai compris que je pouvais être moi sans me détester. Et comme je me sens mieux, je vais rendre visite à mon père en prison.

Je manque de renverser mon verre sur moi. Je cligne des yeux. Est-ce qu'il est vraiment sérieux ? Je l'observe retenir sa respiration. Il s'attend surement à quelque chose, mais je ne dis rien. Alors il reprend son souffle lentement et se mord la lèvre. Je n'attends que l'autre chose.

- L'autre chose, reprend il plus faiblement, c'est que je suis amoureux de toi.

Mon cœur semble vouloir sortir de ma cage thoracique.

- Au début je n'étais pas sûr. Je n'y connais rien à ses choses là et j'ai...je n'arrivais pas à trouver le mot juste. Je n'ai compris que lorsque tu m'as...interpellé l'autre jour. J'ai su que tu n'étais pas qu'une amie, qu'une confidente. J'ai compris que derrière ta coquille impassible se cache quelque chose de merveilleux. J'ai enfin cru à l'amour alors que je n'y croyais plus. J'avais ressenti qu'un fragment d'amour lorsque mon père est parti, alors qu'il aurait du être l'un des premiers à m'aimer. En fait, tout ce que j'ai toujours souhaité c'était d'être aimé d'une autre façon. Et grâce à toi, mon souhait a été exhaussé.

Je suffoque. Littéralement. Mes yeux se remplissent de larmes. Je ne sais même pas pourquoi je vais me mettre à pleurer mais ce n'est surement pas de la tristesse. Pourtant, je ne dis toujours rien, je reste muette alors que je le vois s'apprêter à partir. Du coin de l'oeil, je remarque que nous sommes maintenant le centre de l'attention dans le restaurant. Mes mains tremblent lorsque je reprends mon verre d'eau.

- Ce qui m'amène à mes dernières paroles, continue-t-il d'une voix émue mais avec un sourire magnifique, je t'aime Anna.

Puis il se retourne sans voir que des larmes jaillissent de mes yeux. J'aurais voulu le rattraper et lui répondre que je ressens la même chose pour lui. J'aurais voulu le prendre dans mes bras et lui toucher la joue. J'aurais voulu parcourir ses cicatrices de mes doigts encore une fois. Mais au lieu de ça, je pleure toute seule sur ma chaise. Une vieille dame s'approche de moi.

- Mademoiselle, vous allez bien ? Me demande-t-elle d'une petite voix aigüe. Ce jeune homme vous as menacé ?

Je m'essuie les yeux et secoue la tête. Je souris en fermant les yeux.

- Non, ne vous inquiétez pas, je lui dit en me tournant vers elle. Ce sont des larmes de joie.

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-Bipolaire Insensible-Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang