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Ses doigts se baladent encore sur mes épaules. J'avoue que j'aurais voulu qu'elle continue, mais je me lève lentement et reprends mon pull. Elle me dévisage, ses yeux s'attardent sur mon torse puis elle se lève à son tour.

- Je pense que je devrais y aller, je lâche timidement.

Elle glisse ses mains dans ses poches et fait une petite moue.

- C'était cool.

- Cool ? Je m'étonne. J'ai failli pleurer comme une madeleine !

Elle sourit et hausse les épaules. Mes cicatrices ont désormais disparu sous mon pull.

- Au moins on se connaît un peu mieux...Je dirais même que je t'apprécie encore plus, pouffe-t-elle.

Je passe un bras autour des ses épaules, comme un frère, un ami.

- J'espère que tu m'en veux pas pour...enfin, tu vois ? Je bafouille en rougissant.

- Adil t'en fais pas. Et rappelle toi que je ne te lâcherais pas en si bon chemin. Je resterais avec toi jusqu'à ce que tu débordes de joie et que je sois certaine que tu te sens magnifiquement bien.

Elle me pince la hanche et je la repousse avec un sourire niais. Ensuite elle m'accompagne jusqu'à la porte, silencieusement. La porte ouverte, un poids me serre le cœur. Je lui caresse encore une fois le visage et elle ferme les yeux en souriant. Puis je me retourne et dévale les escaliers rapidement. Mon cœur tambourine, comme si je venais de lui faire mes derniers adieux.

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Malo m'accueille toujours aussi joyeusement. Il agite la queue comme un fou et couine bizarrement. Je lui ébouriffe les poils et me fais lécher la main en retour. Je lui caresse lentement entre les oreilles. Je n'arrive toujours pas à sortir Anna de ma tête. Malo me pousse gentiment la main avec son museau humide pour que je continue à le caresser. Je le prends dans mes bras.

- M'man ?

Pas de réponse. Je regarde Malo qui penche la tête.

- Tu sais où elle est toi ? Je lui demande sans conviction.

Mais je vois que la porte de sa chambre est fermée. La connaissant, ma mère ne ferme jamais les portes derrière elle. Je repose Malo sur le fauteuil et avance à la pointe des pieds vers la chambre.

- M'man ?

Un bruit de chaise puis la porte s'ouvre. Elle est habillée d'une robe en soie rouge qui lui arrive aux genoux. Un petit ruban doré lui serre la taille et un décolleté dévoile beaucoup trop sa poitrine. Ses formes sont désormais arrondies et en valeur. Ses cheveux sont relevés sur sa tête gracieusement et elle s'est maquillée, discrètement mais assez visible. Je fais une grimace.

- Tu comptes aller où comme ça ? Je me crispe.

- Tu n'aimes pas ? Me demande-t-elle en tournant sur elle même. Je ne me suis jamais sentie autant rajeunie, figure toi.

Je grimace encore.

- Mais où vas tu ? J'insite, les mains sur les hanches.

- Devine !

- Un dîner amoureux ? Je m'agace.

- Mais nan ! Je viens de trouver un nouveau job : je vais être reporter dans...Le Parisien !

Elle se jette dans mes bras, arrosée de parfum sentant la rose. Je la serre brièvement.

- T'y vas maintenant ?

- Dans moins d'un quart d'heure, dit-elle en m'ébourrifant les cheveux.

Elle s'assoit sur le canapé et je me place à ses côtés. Elle est rayonnante. Cette journée semble parfaite, finalement. Elle fronce les sourcils en se tournant vers moi. Je pose un doigt entres ses sourcils, au dessus de son nez.

- Arrête de froncer les sourcils, tu vas avoir des rides.

Elle sourit et m'ébouriffe encore les cheveux. Je pose la tête sur son épaule et effleure son menton. Elle passe ses doigts dans mes cheveux et je ne peux m'empêcher de penser à Anna. Ses doigts dans mes cheveux, son cœur contre le mien, son sourire...

- Alors, raconte-moi comment s'est passé ta journée, Adil.

Je fais la moue.

- Allez, insiste-t-elle.

- J'ai vu Anna, dis-je d'une voix troublée. Je suis allée chez elle et...et on a parlé et encore parlé. On a passé un après-midi ensemble quoi.

- C'est tout ? Réclame ma mère avec malice.

- Je l'ai prise dans mes bras, je...je sais pas je me sentais tellement bien. Et quand je la touchais je...j'oubliais tout, j'oubliais mes peurs et mes souffrances.

Je m'arrête et ferme les yeux. Ses doigts...

- Je lui ai montré mes cicatrices.

Sa main s'arrête et elle se décale de moi. Sa poitrine se soulève longuement. Je sais que c'est dur d'en parler avec elle. Trop de souvenirs douloureux l'oppressent autant que moi. Elle prend mon visage dans ses mains et sourit, les larmes aux yeux. Elle hoche la tête plusieurs fois.

- C'est magnifique, Adil...tu...tu as réussi. Je suis tellement fière de toi. Comment a-t-elle réagi ?

Je pince les lèvres. C'était...

- De la meilleure façon qui soit, je réponds mystérieusement.

Elle me pointe du doigt en rigolant. Mes joues chauffent d'un seul coup.

- Ooooh j'en vois un qui rougit !

Je détourne la tête, mal à l'aise. Elle continue de pouffer comme une adolescente.

- Elle compte beaucoup pour toi n'est ce pas ?

- Oui, m'man.

- Alors essaye de ne pas la blesser...Restez soudés.

- J'essayerais, je murmure.

Elle me serre l'épaule puis se lève. Je la vois disparaître une nouvelle fois dans sa chambre. J'aimerais qu'elle aussi retrouve quelqu'un à qui se confier, en dehors de son frère et moi. Peut-être qu'il lui faut rencontrer un autre homme. Je pense qu'il me faudrait du temps pour accepter un autre spécimen masculin dans la maison, mais je pourrais toujours essayer. Malo monte sur le canapé et s'allonge sur mes jambes. Mes doigts retrouve sa douce fourrure dorée en même temps que je souris tout seul. Je ne suis jamais tombé amoureux, et je me demande si c'est l'effet que ça fait. De penser tout le temps à la même personne, de sourire lorsqu'on la voit et de frissonner lorsqu'elle s'approche. Peut-être bien, fiston, peut-être bien. Encore cette fichue voix. Mais mon sourire reste fixé à mon visage, malgré mes cauchemars, malgré sa voix.

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-Bipolaire Insensible-Where stories live. Discover now