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Je reste un moment devant ce simple message : je vais venir te voir. Mon stress diminue, laissant place à l'excitation et une pointe de courage. C'est ma première compétition, national en plus, après mon accident qui a failli me couter la vie. Seul mon père et mes frères vont venir me voir. Noémie a depuis peu développé une sorte de phobie du vélo et ma mère semble tout simplement ne pas s'y intéresser. Mais contre toute attente, une autre personne se trouvera dans le public : Adil. Je lui ai proposé, sans vraiment m'attendre à une réponse et encore moins positive. je vais venir te voir. Comment ne pas être encore plus enjouée ?

Je ne tiens plus en place. Nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètres du site et je sens déjà mes jambes trembler. Mais je sais que ce n'est pas vraiment le stress, que j'arrive à gérer depuis que j'ai commencé à faire des petites compétitions, mais plus l'excitation. C'est bien tout le but du VTT freeride, chercher à se dépasser mais surtout, ce sont les sensations fortes qui sont à privilégier. Le 4x4 continue d'avancer dans un chemin sinueux, à travers la forêt dense des Alpes. Nous sommes secoués dans tous les sens mais personne semble s'en préoccuper. Mon coach conduit, le visage fermé et tendu, aux côtés d'une femme, Laura Amound, qui s'occupe de mes équipements. Je ne suis pas considérée comme membre d'un club mais je peux tout de même recevoir des sponsors. Et puis à ma droite se trouve Léo, qui a réussi à s'endormir. Nous arrivons ensuite à la première étape, là où commencera la course dans un peu moins d'une heure. John s'invente une place dans l'herbe et sort précipitamment. J'ébouriffe les cheveux de mon frère pour le réveiller. Il se redresse d'un bond, une grimace tord sa bouche.

- On est déjà arrivé ?! S'exclame-t-il en enfilant son pull.

Je sors de la voiture et observe les gens autour de moi. Une centaine de personnes se pressent pour ranger, sortir et vérifier les vélos ; d'autres s'empressent de rassurer et et de donner les derniers conseils aux participants. La plupart sont des hommes, évidemment, et les participantes se comptent sur les doigts d'une main. Concernant la tranche d'âge, je suis dans la moyenne, même si la plupart ont plus de 18 ans. John m'entraîne dans une tente, où nous seront installés jusqu'au départ. Mon vélo est déjà là, et Laura ainsi que ses acolytes vérifient les roues, le guidon, mes freins, enfin tout le vélo quoi. En vérité, j'aurais préférer le faire moi-même mais j'ai déjà été déboussolée par la route. Une trousse de secours est également posée sur la table, comme en guise d'alerte. Je ferme les yeux quelques secondes. On commence à stresser Anna ?

- Bon j'vais pas passer par quat' chemins fillette, lâche John d'une voix étonnement basse, le parcours est plus difficile que je croyais.

Léo, assis sur une chaise pliante et sirotant un coca bruyamment, lève un sourcil. Laura me dévisage et ses hommes suivent son regard. Je me racle la gorge. Alors on stresse définitivement maintenant ?

- Crache le morceau, c'est quoi le problème avec le parcours ? Je lui demande d'une voix claire.

- Bah y a beaucoup plus de dénivelés, plus d'endroits de chute et beaucoup moins de terrains vagues...tu vois l'topo.

Je m'affale sur une chaise à côté de mon frère. J'essaye de visualiser à peu près le terrain quand John sort une sucette de son manteau, le plus sereinement du monde ; je ne peux plus me concentrer. Incroyable...Léo fronce les sourcils et se retient difficilement de rire. Il porte la main à sa bouche et retient un rire avec une fausse toux.

- Pour la première étape ? Je bafouille, ignorant Léo.

Léo toussote encore et je détourne le regard de celui de John.

- Réussis celle là fillette et l'reste c'est du bonbon, réplique-t-il simplement en suçant bruyamment sa sucette.

J'échange un regard avec Léo et nous éclatons de rire devant John qui lèche sa sucette rose d'une façon enfantine.

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Je suis sur le côté gauche. Je déteste être sur le côté car je perds du temps à essayer de me rabattre sur le milieu de la piste, sans me casser la figure en bousculant les participants, si possible. Il y a en tout une bonne centaine de participants et à la fin de ce parcours, seul la moitié seront sélectionnés. Et dans ces sélectionnés, beaucoup n'arriveront pas à tenir jusqu'à la fin. La compétition dure sur 4 jours. Et à chaque jour son parcours. Même si je sais que je serais sûrement sélectionnée pour les deux premières étapes, le troisième parcours risque d'être assez prenant physiquement, à cause d'une extrême montée.

Soudain, une sorte de klaxon retentit. C'est le moment de démarrer ses muscles. C'est là que ça devient intéressant. John aime bien répéter que la façon de démarrer la course indique sur nos capacités et nos forces physiques mais aussi mentales. J'entends encore sa voix grave qui me répète cette phrase dans la voiture. Le départ, c'est la clé, fillette !Je ferme les yeux et ajuste encore une fois mon casque. Je ne prends pas la peine d'observer mes adversaires, car la plupart sont déjà morts de peur ou au contraire, à fond. Trois klaxons retentit et le quatrième, plus long indique le départ. J'appuie presque brutalement sur la pédale, le dos légèrement arrondi, les abdos contractés et la bouche crispée. La descente n'est pas très raide mais je préfère quand même tendre les jambes pour me relever de la selle. La route est boueuse, remplie de rochers ou cailloux qui me font presque rebondir et les arbres défilent à une vitesse qui donnerait envie de vomir. Et puis devant, c'est le bazar ; certains zigzaguent sans aucun contrôle, d'autres restent crispés sur leur vélo et se laissent porter et des groupes se forment ainsi peu à peu. Je pédale pour accélérer un peu et je dépasse quelques personnes. Puis, peu à peu, des virages se forment, les descentes s'accentuent et l'adrénaline monte en moi d'une belle violence.

Fixée sur la route boueuse, je souris et mon cœur s'allège.

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-Bipolaire Insensible-Onde histórias criam vida. Descubra agora