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8 jours. 8 jours qu'Adil est à l'hôpital et je ne lui ai pas rendu visite une seule fois. Et aujourd'hui, c'est fini. Il sort enfin. Je suis là, assise dans la voiture de mon frère, mon téléphone à la main. Sur l'écran s'est affiché le fameux message de Noémie : il sera sorti dans une heure. Je ferme les yeux et pose ma tête sur la vitre. J'observe les gouttes d'eau qui ruissellent lentement le long de la vitre. Je me détends au fur et à mesure que les gouttes augmentent. Mon reflet m'observe dans les yeux, comme l'ombre de moi même. J'ai essayé de me rendre présentable pour l'occasion. Je me suis habillée d'un jean oversize taille haute et d'un pull à col roulé blanc. Puis je me suis coiffée d'un bandeau couleur crème pour mes cheveux, les laissant lâchés sur mes épaules. Quant au maquillage, un trait d'eyliner me suffit. Et comme à mon habitude, mes converses sont toujours scotchées à mes pieds. Sauf que pour aujourd'hui, j'ai sorti d'un placard une paire blanche dont j'avais complètement oublié l'existence. Je me redresse et tourne la tête vers Léo.

- Je me sens toujours aussi mal, je répète encore, inlassablement.

Il soupire silencieusement. Il me jette un regard furtif puis se reconcentre sur la route.

- Rappelle-moi combien de fois je t'ai dit de ne pas t'inquièter ? Fait-il d'une voix lasse. Sérieusement Anna, il comprend très bien, je peux te l'assurer.

- J'appréhende juste le moment, je murmure.

Il sourit et pose sa main sur la mienne. Je sais qu'il me comprend, lui qui est resté à attendre que je me réveille pendant plusieurs mois. Il enlève sa main et la repose sur le volant, pour s'engager dans un rond point. Nous sommes bientôt arrivés. Mon cœur se compresse dans ma poitrine, comme pour se préparer à cogner ma cage thoracique comme un fou dans quelques minutes. J'inspire profondément. Lorsqu'enfin, après quelques virages, nous arrivons devant l'hôpital, un mélange de soulagement et d'inquiétude m'envahit. Pendant que Léo cherche désespérément une place pour se garer, j'envoie rapidement un message à Noémie.

Nous sommes arrivés. Ne le dis pas à Adil, je veux garder l'effet de surprise !

Léo coupe le moteur et sort rapidement de la voiture. J'attrape mon sac et enfile mon manteau précipitamment, non sans mal, avant de sortir à mon tour. Nous nous précipitons vers le bâtiment, pluie battante à nos trousses. Je lève la tête.

- T'es sûr qu'on est au bon endroit ?

- On va vite le savoir, me répond-il en ouvrant la porte.

A l'accueil, il se charge de demander des renseignements sur la chambre où se trouve Adil. Je regarde mes baskets blanches. Si seulement j'avais su qu'il allait pleuvoir ! T'es à Paris, ma vieille. Je soupire. Tout à coup, Léo me prend par le bras et me tire vers l'ascenseur.

- Je suppose que ça veut dire que tu sais où on va, je grommelle, me laissant tirer par mon frère.

Nous entrons dans l'ascenseur, en compagnie d'une vieille dame en fauteuil roulant et d'un infirmier. Celui-ci me sourit quand j'entre, et je soutiens son regard. J'aurais continué à le regarder dans les yeux si Léo m'avait pas pincé le bras et si l'ascenseur ne s'était pas arrêté. Nous sortons et arrivons dans un interminable couloir blanc. Quelques infirmiers et chirurgiens se croisent à pas rapides. Je regarde mon frère, les mains sur les hanches. Il me reprend le bras et m'emmène vers la droite. Puis, il s'arrête devant la chambre 201.

- C'est là, fait-il doucement.

- Sans blague, je murmure.

La porte est équipée d'une petite vitre, de sorte que l'on peut apercevoir le pied du lit. C'est une petite chambre, apparemment. Je serre le bras de Léo avant de toquer à la porte. C'est la mère d'Adil qui nous ouvre, tout sourire. Elle me prend immédiatement dans ses bras, bousculant mon frère au passage.

- Je suis tellement contente que tu sois venue, me dit-elle. C'est merveilleux, vraiment !

Je lui souris, sans un mot. Elle se tourne vers mon frère et lui tapote l'épaule. Derrière elle, Noémie me fait un clin d'œil. Je lui fais signe de se taire.

- Je te dois quelque chose, Léo. Après toutes les fois où tu es resté près de mon fils !

- Nan, ne vous embêtez pas, sourit-il à son tour. Un petit gateau au chocolat suffira.

Ils rient mais moi j'ai toujours une boule au ventre. Je veux rentrer et le voir. Je fais craquer mes doigts machinalement. Tout à coup, je me rends compte qu'un silence s'est installé. La mère d'Adil me fait signe d'entrer. Je déglutis. La pièce semble tout à coup plus petite. Tom, Noémie et ma mère sont près du lit, silencieux, et me suivent des yeux tandis que j'avance. Adil est devant moi, assis au bord du lit. Il se tient presque droit, les mains jointent et posées sur ses genoux. Ses cheveux sont toujours ébouriffés et ses yeux clairs me fixent avec intensité. Sur sa bouche se dessine un petit sourire, timide et fragile. Je lui souris à mon tour. Noémie s'approche de moi.

- On vous laisse, me chuchote-t-elle en passant, vous avez des choses à vous dire.

Je hoche la tête doucement et baisse les yeux. Je n'ai jamais été aussi intimidée de ma vie. Et pourtant, le garçon que j'aime est en face de moi. Je le vois se lever lentement. Il met les mains dans ses poches, embarrassé.

- Salut, dit-il alors. Je suis content que tu sois venue.

J'ouvre la bouche puis la referme. Qu'est ce que je dois répondre ?

- J'suis désolée.

Pathétique, Anna, pathétique.

- J'aurais du venir te voir avant, je continue d'une voix plus assurée. Mais j'avais...j'avais peur.

Il s'approche de moi et me prend les mains. Son sourire est magnifique, comme un rayon de soleil qui transperce mon cœur d'une joie enivrante. Je regarde nos mains jointes. Mon visage est tout près du sien, et je peux presque sentir son souffle se mélanger au mien.

- Enfin bon...Je pense qu'on devrait arrêter de s'excuser, je poursuis plus bas. On a tout les deux fait des erreurs mais c'est normal. Ça fait partie de la vie, Adil.

Il hoche la tête et inspire longuement. Ses yeux me caresse le visage. Il lâche mes mains pour venir poser les siennes sur le bas de mon dos. Mes doigts viennent dans ses cheveux bouclés. Nos corps se rapprochent. Puis il enfouit son visage dans mes cheveux tout en me caressant le dos lentement. Je retrouve cette merveilleuse passion que j'avais oubliée ; passer mes doigts dans ses cheveux, ma joue collée à la sienne. Ses lèvres frôlent mon cou, mon oreille pour arriver sur ma joue. Et puis nous nous retrouvons face à face, ses yeux sondent mon âme à la recherche de quelques sentiments.

- Je t'aime.

Adil ferme les yeux et m'embrasse. Il n'embrasse pas mes lèvres ni mon corps.

Il embrasse mon âme.

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FIN

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-Bipolaire Insensible-Where stories live. Discover now