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Je me suis trouvée une nouvelle passion : passer ma main dans ses cheveux. Ils sont courts mais en même temps assez longs pour y passer les doigts. C'est magnifique. Il y a pas d'autre chose à dire. Encore un wow ! Adil et moi sommes assis sur le canapé ; sa tête est posée sur mon épaule et ses doigts jouent avec l'élastique que je porte au poignet. Nous ne parlons pas mais ce silence est apaisant, pour une fois. Pourtant, j'ai vraiment envie de le briser.

- Parle moi de tes passions, je risque.

Il se redresse rapidement et j'enlève ma main de ses cheveux. Mon bras reste derrière lui, sur le rebord du canapé. Il passe sa main dans ses cheveux et me regarde.

- Je sais pas trop. La seule vraie passion que je n'ai jamais abandonnée c'est la gymnastique. J'aime ça parce qu'avec elle, je peux entraîner mon corps à se durcir malgré la douleur et même si c'est pas super utile dans la vie, ça m'aide. J'ai l'impression de vivre quand je m'y mets. Tu connais ça toi, non ?

- Avec le VTT oui. Sauf que moi, je recherche que les sensations fortes.

Il change de position mais nous sommes toujours aussi proches. J'enlève mon bras de derrière lui et attrape mon verre d'eau posé sur la table.

- A moi de poser une question c'est ça ? Dit-il avec un sourire en coin. Une question chacun ?

Je hoche la tête en regardant ses lèvres. On commence à avoir des sentiments ma vieille ? Pas mal, pas mal. Je détourne mes yeux de ses lèvres et fixe mon tapis.

- Ouais, je lâche. C'est ça.

Il m'observe à la dérobée et j'ai l'impression qu'il me caresse le visage avec son regard.

- Quelle est ta plus grande peur ?

Je fais la moue.

- Je n'ai pas de grande peur, je mens.

- Arrête Anna tout le monde en a ! Fait Adil en fronçant les sourcils, son sourire en coin perd de son éclat. Alors...?

- J'sais pas. Peut-être ce serait de ne plus me reconnaître un jour parce que j'ai trop changé. J'ai peut-être un peu peur de moi-même, de ce que je peux faire...c'est débile, je sais.

Il secoue la tête et son petit sourire revient.

- C'est pas débile, Anna.

- Et toi ? Je lui demande pour changer de sujet. C'est quoi la tienne ?

Il cligne plusieurs fois des yeux. Je m'attends à ce qu'il se renferme sur lui même mais il fait tout le contraire.

- J'ai peur de tout, soupire-t-il en collant son dos sur le canapé. J'ai peur des gens, de moi, du noir et de la solitude. J'ai peur de tellement de choses que je n'ai même plus le goût de la peur. Elle est en moi. Mes peurs me tiraillent le cœur mais en même temps, je ne les repousse plus. J'essaye d'assumer mes peurs tout comme mon corps. En fait, pour répondre à ta question clairement, ma plus grande peur...c'est que je devienne comme mon père.

Il se lève. C'est beaucoup trop pour lui. Il fait des va-et-viens dans le salon, pour se calmer. Je le suis du regard sans qu'il n'y fasse attention. C'est presque comme si je sentais encore son cœur contre le mien, ses battements accordés aux miens.

- Ton père...je murmure.

Il se rassoit doucement et ferme les yeux.

- Mon père, oui. C'est le pire homme que j'ai jamais connu. Il...c'est à cause de lui que j'ai cette foutue maladie ! Explose-t-il d'un coup. Depuis mon enfance, il me bat, me gronde et frappe ma mère devant moi. Je l'aimais tellement, puis je l'ai haï comme personne d'autre. Il m'a fait voir des choses inimaginables, du sang, des morts, des viols...Mais ce sal*** n'est pas mort alors que je l'ai voulu, je l'ai souhaité de tout mon être. Il est en prison, mais il est vivant. Ce serait tellement plus simple qu'il meure. Je veux qu'il crève, bordel.

Maintenant, il tremble des mains et s'agite. Je m'approche de lui et lui caresse le dos. Je ne sais même pas quoi dire et des larmes oubliées veulent couler le long de mes joues. Mais comme à mon habitude, je les refoule sans problème. Pas encore, pas encore...

- Doucement, Adil, doucement, je chuchote. Tu n'es pas obligé d'en parler, ça te fait souffrir.

- J'veux pas que tu me prennes pour lui, Anna, avoue-t-il d'une voix frêle. Je ne veux pas devenir comme lui...

- Mais pourquoi tu deviendrais comme lui Adil ? Je le coupe fermement.

Il me fait un sourire triste et je fonds littéralement. Je lui souris en retour. Puis ses joues deviennent petit à petit roses, un petit rose pâle, magnifique. Je fonds encore plus.

- Je veux te montrer quelque chose, avoue-t-il soudain, ses yeux cherchent les miens. Quelque chose que je n'ai jamais montré à personne.

Cet aveu me surprend. Je retire ma main discrètement et j'essaye de reprendre mon visage fermé. Mais je meurs d'envie de savoir ce qu'il veut me montrer. Alors je hoche la tête lentement. Ses épaules s'affaissent. Je regarde discrètement l'heure. Ça fait déjà presque plus de deux heures qu'on est ensemble. Il pose une main sur mon épaule. Un frisson me parcourt.

- Ferme les yeux, m'intime alors Adil doucement.

J'obéis, non sans appréhension. Je le sens bouger sur le canapé. Mon pouls s'accélère. Va-t-il...? J'inspire profondément On se calme, ma vieille...

- Tu peux les ouvrir, fait-il d'une voix étouffée.

C'est l'heure, fait une mauvaise imitation de Rafiki dans ma tête. Je les ouvre lentement pour éviter de sursauter comme une folle. Je suis en face de son dos nu. Mais il n'est pas totalement nu, quoiqu'assez musclé. Des cicatrices barrent son dos de manière épars, de haut en bas. Ses épaules, son dos, ses hanches sont striés de par et d'autre par des sortes de grandes griffures longues ou petites, visibles ou presque invisibles. Je les touche du bout des doigts comme si je craignais de lui faire mal. Je sens sa peau frissonner à mon contact.

- C'est l'oeuvre de mon père, déclare-t-il d'une voix grave.

C'est tellement horrible mais en même temps magnifique...

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-Bipolaire Insensible-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant