Chapitre 36

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J'enfile le sac à dos dans lequel j'ai rangé quelques poches de courses vides pour notre sortie ravitaillement.

Nous y allons à deux. Cyril est obligatoirement de la partie, car il est apte à décoder le monde autour de nous. Au départ, nous devions être trois, mais Julien a failli électrocuter ses voisins ce matin dans la grande salle de bain, pendant la séance de nettoyage. Au cas, où son nouveau don se manifeste, il reste chez nous. Je ne sais pas si je suis ravie ou pas. D'un côté être seule avec Cyril m'arrange, car nous pourrons parler de vive voix, mais de l'autre s'il ne me répond pas, le temps va me paraître long.

Je le suis, les rues sont sales, je me croirais dans un mauvais film de science-fiction. Il y a quelques dégradations, mais pas autant que ce que j'aurais imaginé, c'est simplement comme s'il y avait moins de monde pour occuper l'espace.

— Au début, du chaos et de la guerre, la répression a été très forte et les moyens utilisés étaient énormes, réplique Cyril à haute voix.

— Je vois. Et maintenant, quels sont les risques pour nous ?

— Quasi nuls. Les effectifs ont drastiquement chuté, c'est tout juste s'ils gèrent les homicides et s'ils empêchent le pillage des boutiques.

Je ne lance pas de sujet qui fâche, trop heureuse d'avoir réussi à lui soutirer une réponse. J'aime le son rauque de sa voix. Je profite de la chaleur que me provoque le simple fait d'être en sa présence, sans me lyncher pour une fois, sans m'admonester et me forcer à le détester.

Nous restons silencieux et Cyril m'amène dans une drôle de boutique décrépite. Elle ne m'inspire rien qui vaille, il n'y a pas de panneaux et les vitres sont opacifiées.

T'es sûr de ce que tu fais ? demandé-je dans l'intimité de nos esprits.

Oui, ne t'inquiète pas.

Il me sourit et ça me suffit pour entrer à sa suite.

— Je peux vous aider ? lance-t-il de but en blanc.

— On aimerait savoir si vous achetiez de vieilles bouteilles de vin. Un ami nous a donné votre adresse.

— Un ami, hein, déclare le type avec mépris en se redressant de sa chaise.

— Oui, celui auquel vous pensez. Assez dégingandé, les cheveux frisés. Bref, un ami, explique Cyril.

— Je vois, rétorque l'homme étonné. Montrez-moi ce que vous avez amené.

Cyril extirpe de son sac trois bouteilles encore poussiéreuses qui viennent de la cave. Le mec les examine rapidement. Il y en a même une qu'il ne prend pas la peine de saisir.

— Ça vaut pas grand-chose. Cent voire cent-vingt parce que vous êtes là de la part d'un ami.

— Vous pourriez ajouter deux zéros et ce serait un vrai prix d'ami, rétorque Cyril.

Je cache ma surprise, nous avons une mine d'or à la cave, heureusement que nous n'avons rien cassé durant nos entraînements.

— Vous avez volé ces bouteilles, je prends déjà des risques en les acceptants. Vous préférez que j'appelle les flics, les jeunes ?

Cyril ! paniqué-je.

Ça va, ne t'inquiète pas, il bluffe.

J'espère qu'il dit vrai, nous ne pouvons pas nous permettre d'être arrêtés, nous n'avons pas de papier et nous ne savons pas si les militaires ont transmis notre fuite aux forces de l'ordre.

Allez-y ! À votre avis, entre leur temps de trajet pour venir ici et le temps qu'il vous faudra pour prendre vos jambes à votre cou, qui sera le plus rapide ?

Au pied du murWhere stories live. Discover now