Chapitre 35

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Quatre jours de bonheur paisible, du moins de mon point de vue. Pour Cyril ça a été un peu plus tendu, ainsi que pour Laurent qui a tenté d'influer les autres pour les calmer, ce qu'ils n'ont pas apprécié.

Ils ont demandé des détails sur l'extérieur, Cyril a mis plusieurs jours à vraiment craquer. Au départ, il balançait une information de temps en temps, puis nos amis en ont eu marre et ils ont voulu savoir.

Et Cyril leur a dit. Il leur a annoncé que leurs parents étaient peut-être morts, qu'une guerre avait éclaté il y a trois ans, car en fait ce que nous prenions pour une maladie inconnue, nous avait en fait été inoculée par le gouvernement de notre propre nation en vue de faire de nous des armes. Ce qui est une réussite, mais les pays voisins en ont eu vent et n'ont pas voulu attendre que nous soyons prêts. La guerre pour l'eau, aussi appelé guerre climatique a commencer un peu partout dans le monde. Il n'y a pas vraiment de camps. Le but de chacun s'est de migrer le plus au nord possible et ceux au nord de garder leur place et de ne pas laisser les migrations avoir lieu. Car sinon ils manqueraient de ressources.

C'est de la folie de mon point de vue, je ne vois pas en quoi trois mille gamins permettraient de bouter hors de leur pays toute une population et de garder la place au chaud, mais j'imagine qu'il y a une bonne partie que Cyril n'a pas pu apprendre, même si dans les esprits des militaires il a déniché des informations que peut-être d'autres n'ont pas.

Beaucoup ont été fâchés, mais pas contre Cyril, même si c'est sur lui que leur colère s'est déversée au départ. Je pense que c'est surtout né de la frustration et de la peur de ce qui a pu arriver à leurs familles et surtout digérer que nous avons été des pions, nos vies n'ont pas pesé. Nous sommes vivants, mais combien sont morts à cause de leur expérience à grande échelle, ils ont sacrifié tous les enfants nés sur quatre ans. Sans s'en émouvoir. Sans se soucier de notre souffrance. J'ai envie de vomir et de frapper ces connards jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je vais leur faire regretter d'avoir joué avec nos existences.

Ils vont comprendre leur erreur, mais trop tard. Je suis contente qu'ils m'aient appris à me battre, je ne vais pas les louper, grâce à eux, je n'ai plus rien à perdre et je sais que la plupart des autres pensent comme moi. Même si, peut-être, quand la douleur sera moins vive ils changeront d'avis. Mais nous serons à nouveau traqués et je suis sûre que leur colère reviendra.

Quand nous serons assez forts, j'irai chercher nos amis, je suis certaine que nous trouverons un moyen. Laurent et moi avons été formés aux armes et aux combats, nous l'apprendrons aux autres et nous peaufinerons nos capacités pour les surprendre.

Je crois que je n'ai jamais été aussi remontée, mais malgré tout en accord avec moi-même. Je me sens bien dans mes pompes. Pour la première fois depuis mon enfance, j'ai la sensation d'avoir un but et de ne plus errer dans la vie à attendre de comprendre ce que je fous là.

Je m'entraîne en compagnie de Benoit et de Boris. Je fais équipe avec le premier, je gèle ce qu'il modèle avec son eau et Boris doit nous empêcher de toucher une cible placée plus loin. Nous n'avons pas voulu tenter de le viser lui, en cas de ratage, nous pourrions le tuer.

Nous avons bien arrangé le sous-sol. Il y a de l'espace, Estelle qui a enfin développé le don d'empathie aide Jennifer à maîtriser son vent. Quand je jette un œil à Jennifer, j'ai dû mal à comprendre en quoi son don est réellement différent de la télékinésie de Boris. Factuellement, je constate qu'autour d'elle, quand elle veut influer un objet, il y a un mouvement d'air, alors qu'avec la télékinésie Boris arrive à faire une sorte de barrage invisible, comme une sorte de champ de force.

La veille, il m'a prouvé qu'il pouvait contenir l'air que je tentais de refroidir. Jennifer ne parvient pas à me limiter autant, mais elle peut repousser mes tentatives. Je suis de plus en plus intriguée. J'aimerais comprendre le pourquoi du comment. Comme les affinités avec le feu, le vent, l'eau, l'électricité ou le métal.

Avec sa télékinésie, Boris peut amener à lui des objets métalliques tout comme Martin. Mais apparemment ça n'a pas suffi sur mes serrures dans les camions. Boris ne les a pas forcés, il a réussi à les déverrouiller.

Tu réfléchis trop.

Et toi tu es toujours aussi impoli. Ça ne te paraît pas bizarre à toi ces dons aléatoires ?

Je sens qu'il hésite, il sait quelque chose.

Accouche, qu'est-ce que tu ne nous as pas dit ? Cyril ?

T'as raison, je devrais arrêter de m'inviter.

J'ai beau le relancer, il ne répond plus. Pourtant, je suis certaine qu'il entend, alors aussi fort que je peux, je hurle son prénom dans ma tête. Je ne m'arrête pas, tel un mantra je le répète en boucle. Il finira par me répondre.

Un cri me stoppe, venant de l'étage de la cuisine, juste au-dessus. Tous en état d'alerte nous remontons en trombe les escaliers.

Laura qui semble être celle qui a hurlé, saute de joie dans la pièce. Mon cœur ne se calme pas et je ne suis la seule en colère contre elle pour m'avoir fait peur et d'avoir pris le risque d'ameuter tout le quartier.

— Je crois que je suis télépathe, s'enthousiasme-t-elle, malgré nos reproches.

— Comment ça tu crois ? demande Martin qui était en train de l'aider en cuisine.

— Je crois que j'ai entendu Dana appeler Cyril.

Je rougis, j'ai honte. Je ne pensais pas qu'il y aurait un témoin de ma gaminerie. Tout le monde me regarde attendant que je confirme. J'acquiesce et tous s'extasient. Ils la félicitent, moi par contre, je comprends que si nous avons un second télépathe, ça veut dire que Cyril n'est pas unique et que sur les trois milles qui restent au campement d'autres vont s'éveiller à cette capacité. Cyril ne sera pas notre atout.

Il me regarde, il a dû suivre mes pensées, mais il refuse de me répondre. J'espère qu'il a pris conscience qu'à un moment ou un autre, Laura saura ce qu'il me cache. Bien qu'elle ne semble pas capter mes réflexions.

— Pourquoi je n'entends pas tout le monde ? demande-t-elle à Cyril, m'évitant de trop me pencher sur la question.

— J'ai été coupé de tout et drogué pour ne pas être capable d'écouter les esprits. Je me suis entraîné des mois à chacun de mes moments de lucidités pour capter quelque chose. Il te faudra pratiquer et espérons que tu arriveras à mieux gérer l'intimité des autres que moi.

Les yeux noisette de Cyril m'ont fixé lors de la fin de sa phrase et depuis il ne me lâche plus. J'imagine que c'est encore une façon de s'excuser. Ma poitrine se serre douloureusement de le voir tout en sachant qu'il a brisé quelque chose entre nous plus tôt. Il est buté, s'il a bien un trait de caractère que je lui connais depuis toujours, c'est celui-là. S'il a décidé de s'effacer de ma tête, il ne reviendra pas dessus. Mais tant que Laura ne maîtrisera pas son don, je vais tenter de le faire céder. Tant pis s'il sait déjà mes intentions, comme ça il comprendra que je ne renoncerai pas.

Je suis égoïste, car entre Laurent et lui, je ne cherche même pas à trancher. Pour le moment, j'ai besoin des deux.

En espérant ne pas être un fardeau.

Presque imperceptiblement, Cyril secoue la tête de gauche à droite.

Dur de ne pas répondre du tout, hein, dis-je.

Mais je rencontre que du vide et le contact visuel se rompt.

Je finirai par avoir des réponses et c'est avec cet objectif en tête que je m'installe à table.

Au pied du murWhere stories live. Discover now