Chapitre 25

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Nous avons trouvé les ruines d'un vieux hameau abandonné et nous y sommes réfugiés. Un vent de tous les diables s'est levé et un orage a éclaté. Nous sommes trempés, mais nous avons échappé à la grêle qui s'est mise à tomber juste après que nous nous soyons abrités.

— Vous pensez que la pluie va effacer nos traces ? demande Benoit.

— J'ai bon espoir, lui répond Cyril.

— L'un d'entre nous doit avoir le don de chance, déclare Lily, c'est pas possible autrement. Pour une évasion non préméditée, on a visé le bon soir, au bon moment, avec la bonne météo. C'est fou.

— C'est surtout que c'est l'hiver ou presque et qu'on est à la montagne, c'est pas difficile d'avoir un temps de merde à cette saison, réplique Martin.

Tout le monde se mêle à la discussion. Les plus réticents et perdus sortent de leur carapace. Il faut dire que certains ont découvert ces histoires de pouvoir au moment où j'ai ouvert leur cellule. Heureusement que Cyril a réussi à les convaincre. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un qui soit capable de provoquer la chance parmi nous, ce serait trop beau. Le raisonnement de Martin me parait le plus juste, mais je ne m'en mêle pas.

Je demeure perdue dans mes pensées, tout en continuant à chauffer l'atmosphère. L'une des bâtisses du lieu où nous sommes avait dû être utilisée bien après les autres. Les planches sous les tuiles semblent plutôt récentes et du vieux mobilier traîne un peu partout. Nous l'avons repoussé vers la porte et mis la table contre le trou de la fenêtre pour nous protéger de l'extérieur. Le sol était poussiéreux, mais Jennifer l'a balayé d'un coup de vent. Il y a quelques buches tapissées de toiles d'araignées près du foyer. Peut-être que des randonneurs se servaient du lieu, dommage qu'ils n'y aient pas oublié des habits ou des couvertures. Voire des chaussures. Je ne suis pas la seule à ne plus en pouvoir. Les cailloux, les ronces, les aiguilles des sapins, les branches, tout a été pénible. Lily a au moins des cobayes pour pratiquer son don.

— Dana ?

— Hum ? dis-je à l'attention de Laura.

— Tu penses que tu peux nous retirer nos mouchards ?

— Oui, je peux essayer, mais ça risque d'être un peu douloureux.

— C'est Lily qui va être ravie, déclare Martin.

Un frisson me parcourt quand le souvenir de la souffrance insupportable me revient. Je ne lui ai pas demandé d'aide pour mes pieds, j'ai attendu de voir comment ça se passait pour les autres. Force est de constater que même s'ils dégustent, ils n'ont pas l'air d'être déchirés par la douleur. Lily pense que c'est parce que la profondeur entre en jeu. Plus elle doit puiser dans son corps et celui du blessé pour accélérer le processus, plus c'est pénible. Je crois que la prochaine fois, j'attendrais de guérir sans aide.

Avant de m'atteler au retrait des boucles d'oreille de mes camarades, je tire sur la mienne. Elle ne tenait plus très bien et quand je la regarde, je remarque que c'est simplement un amas de plastique et de ferraille entremêlée. J'aurais pu le perdre n'importe quand.

Le froid d'un côté et la chaleur seulement sur deux doigts, j'essaie de faire au plus vite pour blesser le moins possible mes amis. Mais tout comme Cyril et Laurent la veille, ils finissent par avoir l'oreille rouge et une brûle circulaire sur le lobe.

Nous jetons les reliefs des mouchards dans l'âtre éteint.

Je me réinstalle par terre près de Laurent et m'appuie sur lui. J'espère que ça ne se voit pas, mais je suis fatiguée, malgré tout, je maintiens la température de la pièce a une hauteur douillette. Certains se roulent en boule et s'endorment.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant