Prologue

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Des flammes partout.

Elles grondent, ronflent, dévorant les habitations alentour, je ne peux même pas distinguer le ciel. L'air est irrespirable, brûlant, épais et je lutte pour ne pas paniquer alors que j'ai une furieuse envie de tousser. Les sons sont sourds, une cacophonie ajoutée au sifflement incessant qui me perce les tympans. Pourtant, j'ai les mains plaquées sur les côtés du crâne, pour tenter de les épargner. Quand je les décolle, je constate la crasse et le sang séché qui les maculent.

L'angoisse me saisit.

Je prends conscience que je ne sais pas qui je suis, ni ce que je fais là. Ni où se trouve ce « là ». C'est le chaos, je ne vois pas où me réfugier alors que je ne peux pas rester planté au milieu de cet enfer.

Mon tour d'horizon est à peine terminé qu'une déflagration dans mon dos me percute et me projette à terre dans un souffle brûlant. Le sifflement de mes oreilles redouble, noyant le son du brasier et chassant la douleur de ma brutale rencontre avec le bitume.

Mon corps se consume. Je n'arrive pas à réfléchir. C'est tout juste si j'ai assez de présence d'esprit pour me relever péniblement et fuir, sans savoir où je vais.

Je file, slalomant entre détritus et carcasses de véhicules dans un univers qui m'est familier tout en me paraissant inconnu.

D'un coup ma vue se brouille, mes sens s'émoussent. Je cligne des yeux, mon environnement a changé, je suis éblouie une fraction de seconde par un néon au plafond et harcelée par le bip strident d'un appareil. Ce nouvel endroit est vite oublié, balayé par le monde apocalyptique qui réapparaît et me capture dans sa fournaise.

Je cours à en perdre haleine. Le feu, les arbres, des forêts entières embrasées. Et personne, absolument rien de vivant.

Une nouvelle déflagration me projette, mais avant que je ne heurte le sol, je revois cette pièce blanche et c'est sur un brancard que mon dos s'appuie. Mes paupières peinent à rester ouvertes dans cet univers qui me convient mieux. Je me bats, car même dans un simple clignement, je retrouve l'enfer des flammes et je ne veux pas retourner là-bas.

— Elle est stabilisée. Apportez d'autres sacs de glace, annonce une voix inconnue.

Je comprends que l'homme en blouse – que j'imagine être un médecin – parle de moi. Mais qu'est-ce que je fais ici ? Les choses ont l'air de se dérouler sans qu'on ne prête attention à ma présence, ils examinent les poches pendues à la potence près du brancard où je gis. Leurs discussions sont animées, je ne parviens pas à les saisir. Les gens s'agitent. Trop. Je suis épuisée, j'ai du mal à suivre. J'entends des bribes de conversation. Les mots « fièvres » et « épidémie » reviennent plusieurs fois. Ils font écho dans ma tête, ravivant le souvenir d'une affiche à l'entrée du collège sur le fait de bien se laver les mains et d'éviter d'être trop proche les uns des autres, puisque nous sommes les plus vulnérables. La blague, je n'ai jamais été tactile et j'ai toujours eu l'impression de me préoccuper de mon hygiène... Et pourtant, je suis là.

Un froid mordant m'attaque les jambes et le buste, je me mets à grelotter, comprenant que c'est la fameuse glace que le médecin a demandée.

— La température est de trente-neuf et semble maîtrisée, intervient un des hommes en blouse que je n'avais pas encore vus dans la masse qui gravite autour de moi depuis un moment.

— Bien, vous pouvez passer les antalgiques en plus du reste.

Très vite mon cerveau est capturé par une sensation cotonneuse et plus rien ne m'atteint.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant