Chapitre 8

14 5 7
                                    

Le réfectoire est aussi lugubre et étouffant que le reste avec ses murs en béton brut et son plafond bas. Mais le plus frappant est de reconnaître certains visages, même s'ils ont changé pour la plupart. Je reste abasourdie devant les coupes militaires et l'attitude de ces adolescents que j'imaginais morts !

Hébétée, j'imite Camille qui se sert un plateau et s'installe à une table où sont ses affinités.

— Je vous présente Dana pour ceux qui ne la connaitraient pas.

Je salue tout le monde, là aussi ces personnes me sont familières, mais complètement étrangères. Je ne parle pas du fait que je les côtoyais peu, je veux dire que je ressens quelque chose de différent qui émane d'eux, sans comprendre quoi.

Par politesse, ils nous laissent discuter entre nous et tout ce que j'entends m'assomme un peu plus. J'essaie de paraître à l'aise avec tous les propos que me tient Camille, mais j'imagine qu'elle voit mon trouble.

— Non, mais Dana, tu te rends compte ! On va pouvoir aider notre pays et venger tous ceux qui n'ont pas survécus à l'épidémie. Je me donne à fond aux entraînements ! Et un peu moins dans les cours, tu me connais, ricane-t-elle.

— Tu n'étais pas mauvaise.

— Ça a toujours été la compétition ma came et ici les notes ne comptent plus vraiment. Ils nous font passer quelques QCM pour voir si on comprend ce qu'ils nous racontent, mais peu de choses sont obligatoires à suivre. Puis...

Mon attention est attirée par une table dans le fond, les élèves qui y sont semblent les plus vieux du lieu pour la plupart et surtout ce sont les visages qui me parlent le moins, sûrement les premiers tombés. Ils se sont tous installés plus ou moins bruyamment, leurs rires se répercutent dans la pièce se mélangeant aux discussions de la pièce. Camille qui a remarqué que je ne l'écoutais plus suit mon regard.

— Ah, eux ! C'est les premiers qui vont sortir d'ici. Ils ont tous fait le choix de s'engager sans exception, tu verras que quand tu comprendras tout, comme nous tous tu signeras pour entrer dans l'armée. Bon on n'est pas nombreux encore, avant ton arrivé, il n'y a eu celle de Thomas et si je ne dis pas de bêtise on est cinquante-six maintenant.

Son discours s'est accompagné d'un petit signe de tête en direction de la table centrale où se trouve plusieurs groupes épars.

— Thomas-triste-mine ! m'exclamé-je.

— Hoho, qu'il ne t'entende pas l'appeler comme ça ! Il déteste, il a collé un pain à un mec en arrivant à cause de ça. De toute façon pour le moment il est le seul Thomas ici.

— Mais, il allait très bien quand je suis tombée.

— Il t'a peut-être suivi à quelques jours près et est sorti de l'infirmerie avant toi, on n'est pas tous égaux dans la durée qu'on y passe.

— Qui d'autres est tombé ? demandé-je la voix un peu chevrotante de peur des mauvaises nouvelles.

— C'est quelque chose dont on ne parle pas ici, ça n'a pas d'importance.

Une angoisse sourde m'étreint, je fais le tour de la pièce et remarque un autre malade qui, je suis presque sûre, était encore avec moi dans les sessions de cours et d'autres me mettent un doute. Je suis livide, je le sens parce que j'ai eu la sensation de mon sang désertant ma tête. C'est trop de révélations et de questions qui se bousculent en même temps. Je ne reconnais pas mon amie qui était très protectrice avant, je suis inquiète pour mes amis pour qui j'imagine le pire ! Bref, rien ne va.

— Ne t'inquiète pas Dana, vraiment il n'y a pas de raisons, déclare Camille avec douceur en se méprenant un peu sur ce qui me dévaste. Les tout premiers à être tombés ont passé entre six mois et un an en isolement et seulement un sur trois a survécu. Avec le temps, les médecins ont affiné leurs méthodes et maintenant plus de deux sur trois arrivent ici. Moi j'ai quitté le sas d'observation au bout d'un peu plus de deux mois, maintenant ils y restent six semaines à un mois en moyenne. Quand est-ce que tu as rechuté ?

Au pied du murWhere stories live. Discover now