Chapitre 40

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Un mal de crâne carabiné m'attrape avant même que je n'ouvre un œil. Les muscles courbaturés comme si j'avais passé trois jours à m'entraîner et la gorge sèche comme si je n'avais pas bu depuis une éternité.

— Tout doux, me rassure Lily.

Je me redresse, complètement perdue. Puis les évènements me reviennent et une peur panique me prend à nouveau à la gorge. Ma respiration s'accélère. Et tout est parti pour recommencer, je le sens. Je ne maîtrise plus rien, je suis une bombe à retardement. On attend trop de moi et je ne suis même pas capable de me maîtriser !

Lily qui s'avère seule avec moi dans la pièce de jeu me touche pour tenter de me calmer avec son don, mais c'est sans effet.

— Recule ! lui ordonné-je, alors que je sens que le contrôle va m'échapper à nouveau.

— Respire, calme-toi ! Tu t'infliges ça seule !

Étant donné qu'elle refuse d'obtempérer, c'est moi qui me relève en trombe pour quitter la salle. Sauf que je ne vais pas bien loin. Une masse énorme me tombe dessus et me plaque au sol.

Je hurle et me débats parce que je ne veux pas le blesser, mais Laurent n'écoute rien. Il m'enserre et déploie son don pour m'aider à reprendre pied. En pure perte. Depuis que j'ai compris comment le repousser, c'est comme si mon corps le faisait contre ma volonté.

Cyril arrive à son tour, alors que j'ai conscience que la température grimpe dangereusement, Laurent est en sueur, mais elle a à peine le temps de se former qu'elle s'évapore.

Le télépathe m'empoigne la tête. Je me sens comme tirée en arrière de mon propre corps. C'est angoissant, tout en étant fascinant et presque plaisant de ne plus être seule aux manettes. Surtout que j'ai une confiance absolue en Cyril.

La chaleur reflue et ma panique est comme soufflée par Laurent.

Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Je suis devenue un putain de danger public !

— Recommence pas à te tracasser pour tout et n'importe quoi. C'est ce qui a mené à la situation actuelle. Bonne nouvelle au fait. Hier quand on remontait aux étages et que tu as commencé à paniquer, tu as réussi à me repousser. C'était plus comme si je captais une radio brouillée. De ton côté, je crois que tu ne m'entendais pas du tout.

— Conclusion, reprend Laurent. C'est une mauvaise chose de ne pas être réceptif au don de Cyril. Au moins, on sera au courant qu'il faut qu'on arrête d'essayer de le bloquer.

Il m'aide à me relever et s'excuse pour les bleus qu'il m'a infligés. Et je m'en veux, car je le sais sincère et vraiment mal, alors qu'il m'a sauvée de moi-même.

— Eh ! s'exclame les deux garçons en cœur.

— Arrête de t'autoflageller. Tout le monde est désolé. Ça en reste là. Tous les malheurs de l'univers ne sont pas de ton fait. J'irai seul chercher les armes qui manquent et finir de les payer, me console Cyril.

— C'est même pas la peine d'y penser. J'ai un peu paniqué... Je... Bref, ça va. Je vais me resaisir.

J'allais à nouveau m'excuser. Il est hors de question qu'il prenne autant de risques, seul. J'essaie de ne pas m'en vouloir de la situation, mais je me sens ridicule.

— Allez, on va se coucher, on en a besoin, déclare Laurent en m'embrassant timidement sur le crâne.

Quand nous arrivons au grenier, tout le monde est réveillé et des mines sont inquiètes.

— Tout va bien. Désolée pour la frayeur, dis-je.

Tu ne peux vraiment pas t'empêcher de t'excuser.

Et toi de commenter.

Nous nous envoyons un sourire qui commence par une grimace avant de devenir complice. Sans attendre, je vais me serrer contre le torse de Laurent je m'endors instantanément.

Les jours suivants, je les passe à tenter d'apprendre aux autres à comprendre comment je fais fonctionner mon don et comment contrer Laurent. Et à ma grande surprise, ils sont tous nuls, même Cyril. Nous nous expliquons tous à tour de rôle comment nous visualisons les choses pour nos talents en espérant que quelqu'un arrive à développer une affinité pour une autre capacité, ce serait une surprise de taille pour nos poursuivants, si nous étions retrouvés. Et un avantage non négligeable. Sauf que personne n'y parvient.

Pourquoi je suis différente ? Y'a un truc pas normal dans ma tête ? demandé-je à Cyril.

Non, répondent en cœur Cyril et Laura.

Désolée, Laura. Je pensais pas que tu entendrais.

Difficilement et c'est un vrai casse-tête de savoir comment te parler au milieu du brouhaha des autres. D'ailleurs, je lâche l'affaire.

Elle est partie. Tu es normale. Peut-être que c'est le fait que tu sois tombée malade dans les premiers. Le virus a commencé ta mutation plus tôt. Peut-être que chez nous ça prendra plus de temps.

Nous sommes tous en cercle et j'assiste distraitement à une démonstration électrique de la part de Julien. Il arrive enfin à ne pas tout électrocuter à la ronde. Des décharges passent entre deux de ses doigts.

Je savais que j'étais la première au collège, mais je pensais pas être dans les premiers du pays... Mais avec le recul, je suis contente que ce soit le cas, dis-je à Cyril. Je ne sais pas comment j'aurais réagi à votre place. Certains ont vu presque tout le monde tomber malade et crever. Au moment où ça m'est arrivé, c'était encore une rumeur.

Je ne sais pas trop non plus. Même si je vous ai rejoint dans les derniers au campement, je t'ai suivi d'assez près. Ça m'est arrivé au collège. À la pause de midi, je sortais de la cantine et pouf. J'ai toujours une image nette, du ciel ce jour-là, des branches des platanes et de leurs feuilles jaunissantes. Et je me rappelle la peur que je ressentais.

— J'en avais jamais discuté avec personne de ce moment-là.

— Normal, on faisait tous l'autruche au camp. En espérant nous réveiller chez nous. Et que personne n'était mort...

— Je sortais du bus quand ça m'est arrivé.

— Je sais. Tout le monde ne parlait que de ça.

— J'ai été populaire, mais pas là pour en profiter, ris-je.

Cyril ne répond plus, il a dû se reconcentrer sur ce que faisaient nos camarades. Je tente de faire de même, mais mon esprit bat la campagne. Rien d'important ce passe de toute évidence, personne ne progresse. C'est un cul-de-sac, du moins, je ne pense pas que nous ayons beaucoup de temps à investir là-dedans, car je le trouverais plus profitable si tout le monde devenait un virtuose dans son propre domaine avant d'empiéter sur celui des autres. De plus, je suis certes capable de monter ou de baisser la température, mais incapable de faire une boule de feu ou de matérialiser de l'eau pour la geler. Cyril fait peut-être fausse route. Ma capacité à contrer occasionnellement son don quand je disjoncte ou celui de Laurent, c'est peut-être réellement à cause d'un problème de ma part. Après tout, j'étais en pleine crise d'angoisse.

À la fin de cette journée non productive où nous n'avons même pas mangé le midi, tout le monde en vient à la même conclusion que moi. Et le projet de tenter d'apprendre un autre don est abandonné. Mais cet interlude a remotivé tout le monde. Les jours suivants vont être intéressants, car nous allons nous entraîner tous ensemble dans des simulacres de combats. J'ai hâte.

Au pied du murTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang