Chapitre 13

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Gray

Quelques heures plus tôt.

Je range mécaniquement l'appartement, l'esprit vide, le cœur lourd. Cette journée se révèle être le parfait opposé de celle d'hier. La pièce est calme, trop calme, le seul son qui me parvient aux oreilles est le bruit lancinant du robinet de la cuisine, qui fuit à un rythme solennel. Cette fausse quiétude m'obsède, m'oppresse, me prend a la gorge. Aujourd'hui, j'ai besoin de bruit, d'alcool.. beaucoup d'alcool. J'ai besoin de plonger dans l'illusion. Celle qui me dit que mon cœur n'a pas cessé de battre il y'a de ça trois ans.

Jour pour jour.

Alors je m'active, bruyamment, exagérément, et je me mets à quatre pattes sous l'évier de la cuisine. Rester occupé m'empêche de trop penser. Enfin, en théorie.. En vérité, mon esprit crépite de multiples complications qui l'enflamment. Je m'inquiète, c'est plus fort que moi. J'aimerais que mon comportement ne puisse être que cette indifférence feinte. Mais mes pensées dérivent toujours jusqu'à «elle», malgré moi.

Je jette un œil au matou qui me regarde amoureusement. Ce chat me suit comme mon ombre, et il m'arrache mon premier sourire sincère de la journée. Ce pot de colle s'amuse à se frotter à mes cuisses en ronronnant comme un camion alors que j'essaie désespérément de colmater cette fuite.

Après de nombreux efforts qui ont faillit me coûter ma patience, mais qui m'auront permis de ne pas voir l'heure passé, je me redresse, le dos en compote, Frosh toujours dans mes jambes. Je le gratifie d'une caresse sous le menton, sans pouvoir détacher mon regard de sa ridicule fourrure inexistante.

Bordel, qui a bien pu lui faire ça?

J'attrape rageusement mon portable et compose le numéro sans en attendre grand chose.

-Gray? Qu'est-ce qui t'arrive?

-Je veux savoir si tu t'es pointé à l'appartement!

-Quoi?

-Putain! Dis moi juste que tu n'as pas fait ça?

-Je ne comprends rien à ce que tu me racontes! Tu as bu ou quoi?

-Va te faire foutre! Si j'apprends à un moment ou à un autre que tu t'amuses à la suivre dans la rue ou à jouer les psychopathe, je lui dis tout, c'est bien compris?

Son éclat de rire dénué de tout sentiments me glace le sang.

-Bien sur. Écoute G. Tu es loin d'être tout blanc dans cette histoire, ne l'oublies pas! Je n'ai aucune leçon à recevoir de toi. Nous savons très bien tous les deux que tu as besoin de mon fric pour obtenir ta vengeance. Vengeance contre vengeance, tu te souviens?

Mes yeux se ferment, s'embuent, tandis que mes poings se serrent. Mes ongles s'enfoncent dans la chair de ma paume, et je sais que c'est peu cher payé face à toute cette histoire. Et une fois de plus, je doute, mais je me tais. Je me contente de raccrocher, sans une parole supplémentaire.

Je n'en sais pas plus et je ne lui fais pas confiance...

Je relâche l'air contenu dans mes poumons d'un seul coup et m'étale sur le canapé, un bras sur la figure. Je me sens épuisé, vidé de toute énergie. Je plonge avec délice dans le sommeil, courte parenthèse de sérénité au milieu de cette journée de merde.

Je me réveille en sursaut, entièrement recouvert de sueur. Mes yeux clignent plusieurs fois d'affilée, pour chasser le cauchemar qui m'enveloppe encore de sa cruauté. Mais j'ai beau tenter de fermer les yeux, son image est imprégnée sur ma rétine. Ses traits déformés par la douleur, sa main fragile dans la mienne. J'ai l'impression que c'était hier.. l'atroce sensation de la perdre encore et toujours me broie le cœur.

L'OBSESSIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant