DIES IRAE - Cycle I : L'Angicide

Acte V, 8e Épître - Prélude à la chute

« J'exige une explication, Père ! Immédiatement ! » Le Seigneur leva la tête en direction du Minotaure, qui se tenait devant Lui, le souffle court. Il peinait à conserver sa contenance, lui qui quelques minutes auparavant était sur le point de se livrer à un combat à mort avec son frère Haniël. La foule, au bord de l'implosion, avait évité de peu le pugilat grâce à l'intervention de Métatron, arrivé juste à temps pour délivrer un message du Très Haut. Il y avouait être au courant depuis longtemps du mal qui touchait Ratziël et les autres anges noirs, et qu'il cherchait depuis lors un remède, sans succès. Face à son échec, et vu l'évolution défavorable de la situation, il en était arrivé à la conclusion qu'une coexistence pacifique n'était pas envisageable, et que l'exil seul pourrait clore ce conflit.

Résigné, l'ange à tête d'aigle s'était retiré avec ses ouailles dès la fin de l'allocution, afin de préparer leur départ du Palais, tandis que Lucifiël se précipitait depuis la grand place jusqu'à la retraite de leur Père pour le confronter. Il ne pouvait croire que leur géniteur ait pu agir avec tant de légèreté face à un tel événement, en optant sans hésitation pour un schisme irrémédiable entre Ses enfants. Des siècles de vie commune, balayés d'un simple revers de la main par une déité aux abonnés absents. Et visiblement, cela n'avait pas l'air de L'émouvoir plus que cela.

« - Je te trouve bien hardi, Mon fils, pour user de ces mots à Mon encontre. J'ignore ce qui a pu t'amener à penser que tu pouvais exiger quelque chose de Moi, mais sache que Je ne te dois rien, si ce n'est Mon amour inconditionnel...

- Présentement, je n'ai que faire de Votre amour, Père. Ce sont des réponses que j'attends de Vous ! Sur Votre dérobade, et sur la mascarade que Vous avez organisée, avec la complicité de Métatron !

- Grosse voix... Peur... balbutia le petit être simiesque qui se trouvait en compagnie de Dieu, se blottissant contre Lui en tremblotant.

- Allons, tu n'as rien à craindre, Adam. Lucifiël hausse le ton car il est troublé, rien de plus. Il n'est pas en colère contre toi, le rassura-t-Il.

- Je n'aurais pas cette conversation avec Vous en compagnie d'un primate écervelé, Père. Je sollicite une audience privée.

- Il me semble t'avoir déjà expliqué qu'il M'était impossible de quitter ce lieu. Je dois...

- J'insiste, Père, L'interrompit-il en Lui saisissant le bras. Il m'apparaît indéniablement que la situation actuelle a atteint son point critique, et je n'accepterais point que Vous persistiez à Vous draper dans cette posture du chercheur affairé pour fuir le dialogue. Je Vous laisse donc le choix, Père. Soit Vous m'accordez toute Votre attention dès à présent, soit Vous pourrez tirer un trait sur Votre petit cobaye.

- Serais-tu en train de Me menacer, Lucifiël ? demanda le Seigneur, dévisageant son Chef des Armées.

- Je n'oserai jamais, Père. Toutefois, je ne serais point aussi catégorique concernant cet ''Adam''. »

Un silence pesant s'instaura entre les deux individus, tandis qu'ils se considéraient mutuellement d'un regard incendiaire. Ne laissant rien transparaître, le Très Haut se redressa, adressa quelques mots de réconfort à son protégé ,lui promettant qu'à Son retour, ils partiraient à la recherche de son amie Eve, mais qu'en attendant, il ne devait pas quitter cette clairière. Puis, Il intima au Minotaure de Le suivre dans une poste d'observation, afin de garder un œil sur Son spécimen.

« - Aurais-tu perdu la raison, Mon fils ?! Menacer ainsi la vie d'un innocent...

- Saviez-Vous, Père, qu'Asmodiël avait un crédo, qu'il aimait déclamer à chacune de ses victoires ? ''La fin justifie les moyens'', disait-il. Et si j'en crois la situation dans laquelle nous nous trouvons, j'en viens à penser qu'il avait raison...