Prologue

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« Eli, Eli, Lema Sabactani ! »* Entendez-vous, Cher lecteur, par-delà le rivage ?

L'homme malheureux qui crie, s'apercevant que son Dieu, de son esprit n'est qu'un mirage ;

« A quand l'éternité ? » dit-il, « je l'appelle de toute mon âme usée ! » pense-t-il encore :

« Ma mémoire est corbeille et volatile, futile est mon être, misérable est mon corps ! » ;


Je réponds aujourd'hui à ces tristes pensées, ce nihilisme, cette négation extrême de la vie ;

Une âme usée ? pensé-je doucement amusé ; là-dessus je dois écrire ! j'encre et je souris ;

De ces considérations sans âge : amour, haine, espoir, au-delà, « ô vie blême et cruelle »...

Ce recueil « Par-delà le Rivage » constituera mes déconsidérations inactuelles.


Tuer Dieu, tuer l'Homme, tuer la Morale ; abattre les prêcheurs d'arrières-mondes !

Incendier puis transvaluer ce phœnix immonde, au venin de tarentule et au visage d'idéal ;

Contempler la matière sans être un de ces pitres, ces contempteurs des corps organiques...

Loin de moi la berne du libre-arbitre ! cet élan archaïque d'une pensée atavique.


Rêvons, Cher lecteur, du vouloir-vivre –soit Atma, quêtons la volonté de puissance ;

La considération des grands nous apprit cela : les masques aussi ont de l'importance.

Esclaves de nous-mêmes et maîtres de rien –sinon de ces illusions nommées « pensées »?

Puisons dans les métaphores jusqu'à l'enfant-destin, pour qu'en nous l'homme soit surmonté.


Arthur, Friedrich, Henri, vous qui avez l'œil suffisamment clair pour voir la vérité,

Vous qui maîtrisez le sens de la cruauté, prêtez donc à mon lecteur votre élégante vanité ;

Vous, Cher lecteur, contemplez la culture de la torture, qu'avec ironie je vous illustre ici ;

Que votre palais se délecte de mes brûlures, un diner où Zarathoustra, peut-être, sera de notre compagnie.


*« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? », derniers mots du Christ avant de mourir.

Par-delà le rivage [Poésie]Where stories live. Discover now