Chapitre 5

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EN RENTRANT DANS LA MAISON, une forte odeur d'alcool et de sueur prit William à la gorge. Les gens dansaient à en mourir d'épuisement, leurs corps se mouvant au rythme rapide de la musique. Camille - qui avait réussi à se calmer grâce à un verre d'alcool - s'était mise à danser avec un garçon inconnu au bataillon, et Will ressentit un petit chatouillement au creux du ventre, qui grandissait au fur et à mesure que Camille se rapprochait de cet inconnu aux longs cheveux noirs, et aux yeux bruns fougueux.

Léon, quant à lui, avait disparu peu de temps après avec Victor, laissant seul William, une bouteille de bière vide dans la main gauche. Il se refusait de boire plus qu'une bière, et pourtant, la solitude semblait lui murmurer de prendre quelque chose de plus fort pour éteindre l'incendie qui se propageait de plus en vite dans son estomac.

Finalement, quand il s'avança vers un bol transparent rempli d'une boisson rose alcoolisée, une voix derrière lui le fit sursauter:

- Tu devrais éviter de boire ça. C'est l'infâme mixture rose qu'Eliott ramène toujours aux fêtes. Tous ceux qui l'ont bu sont vite partis faire un tour aux toilettes.

William laissa retomber la louche dans le bol, et se retourna pour faire face à une jolie blonde aux yeux mordorés, au petit nez recouvert de taches de rousseur et à une peau de porcelaine. Elle souriait à William, les joues légèrement rosées à cause de l'alcool.

- Judith, c'est ça ? Lui demanda William en lui rendant son sourire, sachant pertinemment qui elle était.

La jolie blonde hocha la tête, et remplit son gobelet en plastique d'un liquide que William ne reconnaissait pas, mais dont l'odeur lui disait quelque chose. Judith but une gorgée de sa boisson, et reposa son verre sur le bar.

- Tu viens d'arriver chez Marguerite ? Le questionna-t-elle, ses yeux mordorés pétillants d'excitation.

- Ça fera une semaine demain. Répondit-il, une légère pointe d'ennui dans la voix.

Judith eut un petit sourire en coin. Quand elle avait dû quitter Paris il y a six ans pour venir habiter à St-Louis - un village de campagne au milieu de nulle part - elle pensait finir dans un pensionnat en pleine capitale pour échapper aux vaches puantes et aux moustiques particulièrement coriaces. Puis finalement, les gens de son âge à St-Louis étaient plus agréables que ses anciens camarades de collège qui ne l'aimaient que par pur intérêt à cause de la fortune de ses parents.

- Tu sais, St-Louis n'est pas si terrible que ça. Il faut juste savoir bien s'entourer. Dit-elle en regardant Eliott avec insistance, même si celui-ci était bien plus intéressé par Camille qui dansait toujours avec le beau brun.

Alors que William allait répondre à Judith, il vit Camille se rapprocher dangereusement de l'inconnu, prêt à l'embrasser à tout moment. Mais, alors que le danseur en face d'elle se penchait pour sceller leurs lèvres, Camille se mit à hurler.

William se précipita vers elle, et voulut lui prendre le bras pour la faire sortir de la piste de danse où les gens s'étaient arrêtés pour observer la jolie métisse se débattre violemment.

- Ne me touche pas ! Pas après ce que tu m'as fait ! Ne me touche pas... Ne me touche pas...

Camille éclata brutalement en sanglots, et, enfin, William réussit à lui faire quitter la maison par la petite porte de la cuisine qui donnait sur un bout de jardin plutôt sauvage où personne ne se trouvait.

- Ne me touche pas... Pas après ce que tu m'as fait... J'ai trop mal... Continuait de répéter Camille en boucle, de grosses larmes coulant sur son long nez.

William ne comprenait pas. Il était complètement désemparé, perdu. Il fouilla dans les poches de son jean, et tomba sur le mouchoir à motif d'oies que Marguerite venait de lui faire. Il le tendit à Camille, mais la jeune femme était bien trop ivre pour faire quoi que ce soit. Will, légèrement gêné, lui essuya les dernières larmes qui perlaient aux coins de ses yeux, ainsi que le nez.

- Je vais te ramener chez toi. D'accord, Camille ? Murmura William en cherchant les clefs de voiture de la brune.

- Non ! Non ! Pas chez moi... Je t'en supplie ! Pas chez moi ! Cria-t-elle, de nouvelles larmes se formant à nouveau sous ses grands yeux bruns emplis de terreur.

William fronça légèrement les sourcils. Il ne savait pas quoi faire. Jamais Paul et Violette ne s'étaient retrouvés assez saouls pour que William sache comment s'y prendre. Il réfléchit quelques secondes, essayant d'enclencher les engrenages rouillés de son cerveau légèrement embrouillés par l'alcool, et, après mure réflexion, il décida de faire dormir Camille chez lui, tant que Tante Marguerite ne se rendait compte de rien.

- Tu vas dormir chez Marguerite. Ok ? Demanda-t-il, priant pour que Camille ne recommence pas sa crise.

- Ok. Répondit simplement la brune en hochant la tête, la voix enrouée après avoir crié à tue-tête.

Le bras droit enroulé autour de la taille de Camille, William fit attention à esquiver le vomi sur les pierres et l'herbe, les couples qui s'embrassaient comme si leurs vies en dépendaient et le groupe d'Eliott qui se trouvait à quelques pas d'eux. Qui sait ce qu'ils auraient pu faire à Camille, à présent qu'elle n'était pas en état de se défendre ? William n'avait aucune idée de l'influence du riche garçon au regard mauvais. Jamais il ne l'avait croisé dans les boutiques, dans la rue, ou même sur la place de la fontaine.

Camille se remit à pleurer, mais cette fois-ci en silence. William ne sut pas quoi faire, à part la serrer un peu plus fort contre lui, priant pour que Camille arrête de sangloter.

Ils arrivèrent bientôt devant la vieille voiture de Camille. Plus personne ne se trouvait à présent dans les alentours, et, heureusement pour William, car il n'avait pas envie que sa tante découvre qu'il avait conduit sans permis, avec une fille ivre morte sur la banquette arrière.

Il s'installa sur le siège du conducteur, et actionna la clé. Le moteur vrombit, crachotant de la fumée noire et âcre. Après avoir vérifié que Camille se trouvait toujours sur la banquette arrière, il démarra, ce disant que conduire devait être un peu comme le vélo.

Soleil d'étéWhere stories live. Discover now