Chapitre 16

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MARGUERITE S'EXCUSA AUPRÈS DE CAMILLE de ne pas pouvoir les accompagner au poste à cause des animaux de la ferme. Camille ne réagit presque pas, trop bouleversée pour répondre quoi que ce soit. Elle se contenta de murmura un simple: "pas grave", presque inaudible. 

Ce fut Assane Martin qui vînt les chercher. Tout le long du court voyage, personne ne pipa mot. Camille, trop chamboulée, et William, trop impressionné par M. Martin. 

Assane Martin était un géant qui devait mesurer plus de deux mètres, avait la peau d'un noir ébène, et des muscles saillants sous son tee-shirt blanc tâché de sang de poisson. Son crâne rasé était luisant de sueur, car il revenait d'une séance de pêche en plein cagnard. Il n'avait pas eu le temps d'enfiler quelque chose de plus propre, pris au dépourvu par Jeanne, la caissière de la poissonnerie, qui était arrivée en courant jusqu'au lac pour prévenir Assane que le commissariat avait appelé pour le convoquer. 

- On est arrivés les jeunes. Les avertit Assane quand il se gara entre deux chicanes, face au poste. 

William décrocha sa ceinture, ainsi que celle de Camille, et descendit de la vieille Ford rouillée, qui émit un grincement sinistre quand Assane descendit à son tour. Il prit Camille dans ses bras, la serra fort contre elle quelques secondes, avant de se diriger vers le commissariat de son pas lourd et légèrement claudiquant.

- C'est très gentil à toi, William, d'avoir veillé sur Camille cette nuit. J'ai eu si peur quand la police a demandé à voir Camille que j'ai préféré qu'elle s'en aille. Je ne veux pas qu'elle me soit encore arrachée... Pas après tout ce qu'elle a subi...

- Je n'abandonnerai jamais Camille. Dit William, d'un ton légèrement hargneux. 

Assane eut un léger sourire, comme apaisé, et, après avoir respiré et expirer trois  fois, il poussa les lourdes portes en fer du poste de police de St-Louis, tendu. 

Un jeune policier en uniforme bleu s'approcha d'Assane, contournant le petit bureau d'accueil.

- C'est pour une déposition ? Demanda-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son pantalon trop grand.

- Nous voudrions voir Rosalie Blanchard. Répondit Assane en se frottant nerveusement les mains.

Le jeune policier plissa les yeux, méfiant.

- Et pourquoi ?

- Je suis son ex-mari, Assane Martin. J'ai été appelé par le commissariat ce matin pour me prévenir qu'elle était en cellule.

- Pièce d'identité s'il vous plaît.

Assane acquiesça avant de commencer à chercher sa carte d'identité, sans succès. Il ferma les yeux et se frotta les tempes, comme si faire ça allait faire apparaître miraculeusement la pièce d'identité dans l'une de ses poches.

- Je... Je ne l'ai pas... Marmonna Assane.

- Alors je vais vous demander de quitter le poste, dans ce cas. Sans preuve d'identité, je ne peux rien faire pour vous. Désolé monsieur.

Alors que William et Assane se retournèrent piteusement pour sortir du commissariat, Camille resta plantée devant le policier.

- Rosalie est bien mise en examen pour mise en danger sur mineur et maltraitance ? Je me trompe ? Tonna-t-elle, son regard chocolat planté dans celui du policier.

Pris au dépourvu, il fit signe que oui d'un mouvement de tête.

- Regardez. Dit Camille d'une voix fébrile.

Camille retira son gilet, et passa son tee-shirt au-dessus de sa tête, son haut du corps seulement recouvert par un léger soutien-gorge. Elle lui montra ses bleus qui s'effaçaient doucement, ainsi que ses nombreuses et visibles cicatrices sur ses bras. Elle se mit dos au policier, et lui montra une énorme balafre qui lui parcourait la colonne vertébrale.

- Et mes cicatrices les plus douloureuses sont sur mon cœur. Invisibles mais toujours là. Pour la vie. Mes fantômes, mes démons. Mais ce n'est pas à ma mère qu'il faut en vouloir. Elle a autant souffert que moi. C'est Lui qui aurait dû payer, pas elle.

Le policier resta bouche bée, l'air béat. Après quelques secondes d'hésitation, le jeune homme soupira, et sortit de sa poche un trousseau de clés. Il demanda au trio de le suivre. Le groupe arriva dans un petit couloir éclairé par des néons grésillants, avant de s'arrêter devant deux minuscules cellules. Une de ces deux cellules retenait la mère de Camille, qui dormait d'un sommeil agité sur la petite banquette du fond aux couvertures rongées par les mites. 

Le jeune policier déverrouilla la porte, et Camille entra dans la pièce, traînant des pieds, les mains tremblantes. Camille posa sa main délicatement sur le bras de sa mère, et celle-ci sursauta violemment, ce qui, à la grande surprise de William, ne la fit pas sursauter. 

- Oh... Camille... Sanglota presque aussitôt sa mère, une fois remise de sa frayeur. Tu vas bien ? 

- Oui maman. Répondit Camille, la voix tremblante d'émotion. 

William ne put s'empêcher de verser une larme. Assane aussi, pleurait, son gigantesque bras autour des frêles épaules de Will. On aurait même dit que le policier faisait semblant d'essayer de retirer une poussière inexistante de son œil. 

- Je ferais mieux de rentrer. Dit soudain Will.

- Je te raccompagne, William ? Demanda gentiment M. Martin en retirant ses bras des épaules de Will.

- Non. Mais merci. Je vais rentrer à pied. Refusa poliment William.

Will tourna les talons et sortit rapidement du commissariat, la boule au ventre. William savait que quelque chose clochait. Pourquoi, après tant d'années, la mère de Camille se retrouvait soudainement en prison ? Et pourquoi à St-Louis ?

Il tourna dans une rue, et enfonça ses mains dans ses poches. Et c'est à ce moment-là qu'une main se posa doucement sur l'épaule de Will.

- Alors, William, ça fait quoi de savoir que ta petite amoureuse va finir derrière les barreaux quand la vérité éclatera au grand jour ?

William ne prit même pas la peine de se retourner. Il savait que c'était Eliott, le coupable de tout ça.

Depuis que Camille avait serré ses mains autour du cou de cet enfant pourri gâté, une bombe à retardement s'était enclenchée, et elle était sur le point d'exploser.

Soleil d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant