Chapitre 8

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ALLONGÉ SUR LE LIT recouvert de papier du médecin de St-Louis - M. Allan - William n'écoutait que d'une seule oreille le laïus du docteur - qui, selon William, ressemblait à un vautour envoyé par Satan à cause de son immense cou, et de ses yeux qui semblaient brûler vif ses patients.

- Comme je te l'ai dit, mon garçon, tu as eu de la chance que ton nez ne se soit pas fracturé pendant ta petite bagarre. Le reprit M. Allan, un petit rictus méchant collé à ses lèvres.

- Mais... Commença William, bien décidé à défendre sa cause, prenant son air buté.

Tante Marguerite le dévisagea de son air sévère. Celui que toutes les mères font à leurs enfants quand ils ont fait une bêtise. William se tut, ne voulant pas se faire rabrouer une seconde fois par sa tante.

Le médecin lui prescrit des antidouleurs, ainsi que de la pommade fait à base de plantes censées "l'apaiser". William quitta le cabinet de M. Allan en prenant bien soin de foudroyer le vieil homme de son regard le plus noir qu'il avait à offrir.

- Tu as de la chance que Victor soit passé à ce moment-là. Soupira Marguerite en se triturant les doigts. Où est passé mon William qui restait dans son coin à lire toute la journée ?

- Bien sûr... J'ai de la chance de mettre fait tabasser par un gosse de riche... Marmonna William, trop bas pour que Marguerite ne comprenne ne serait-ce qu'un traître mot.

- Je te laisse encore une chance, d'accord ? Une seule. Continua la tante de William, poussant la porte du cabinet du médecin, la chaleur les prenant directement à la gorge.

William hocha la tête, les yeux baissés, furieux. Ce n'était pas sa faute si on l'avait frappé ! Pourquoi personne ne le croyait ? Cette fois-ci encore il sentit les larmes lui monter aux yeux. Son cœur se crispa quelques secondes, avant de repartir en faisant des battements réguliers.

Tante Marguerite déverrouilla sa vieille camionnette, et monta dedans, William sur les talons. Sur le chemin du retour, personnage n'osa dire le premier mot: Marguerite encore trop furieuse et déçue, et Will trop honteux et fatigué. Ils passèrent sur les petites routes étroites et abîmées de campagne, entourées par les champs de maïs et de blé, dans un silence de mort où seul le bruit du moteur vrombissant venait troubler ce calme.

Finalement, après une dizaine de minutes plus tard, ils arrivèrent enfin à la ferme, et sans demander son reste, William parti se réfugier dans sa chambre toujours aussi laide. Le jeune homme se débarrassa de sa chemise tachée de sang qui avait séché après tout ce temps, ainsi que du reste, avant de partir s'enfouir sous sa couverture, qui lui grattait furieusement la peau. Et, sans s'en rendre compte, il laissa ses larmes déferler sur ses joues rosies, avant de s'endormir.

William n'avait pas vu Camille depuis la rixe

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William n'avait pas vu Camille depuis la rixe. Son visage terrifié et humilié le hantait. Il s'en voulait de ne pas avoir réussi à la sauver. C'était ce Victor Lefèvre qui l'avait fait à sa place. Et, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la petite épicerie de M. Rodrigue pour acheter les ingrédients dont Tante Marguerite avait besoin pour faire sa fameuse tarte aux pommes, il entendit le moteur défoncé de la voiture de Camille.

- Voltaire ! L'appela-t-elle, le coude gauche posé sur sa portière.

William releva la tête, et croisa le regard pétillant de Camille. L'espace d'un instant, il se rappela toutes les horreurs qui tatouaient le corps de la jeune femme, et se força à rejeter cette pensée de sa tête. Il ne voulait pas tout faire rater une fois de plus. Il resta silencieux quelques instants, observant calmement Camille occupée à allumer une cigarette. Il s'approcha lentement d'elle, hésitant.

- Je suppose que tu n'en veux toujours pas ? Se moqua-t-elle gentiment en lui tendant le paquet de cigarettes Barclay.

Il esquissa un sourire qui sembla contaminer Camille.

- Je voulais te remercier pour l'autre jour, Will. C'était sympa de ta part. La remercia-t-elle, un sourire crispé sur son visage.

- Je... Dit l'intéressé, ne sachant pas quoi répondre.

Camille secoua la tête, comme pour mettre fin à cette conversation plus gênante qu'autre chose. Pour elle, le souvenir de cette soirée humiliante et cruelle était encore une plaie de plus à vif, et elle ne voulait pas en parler. Encore moins à celui qui l'avait découverte à nu, sous sa carapace qu'elle s'était forgée et efforcée de protéger corps et âme.

- Tu veux faire un tour ? Proposa Camille, réfléchissant à toute allure à un endroit où elle était sûre de ne pas fissurer une deuxième fois son bouclier.

- Heu... Oui, bien sûr ! S'exclama-t-il, légèrement surpris, oubliant en un instant la course qu'il devait faire pour Tante Marguerite.

Tant pis. Se dit-il, haussant les épaules.

Il attacha une corde en plastique autour de son vélo, qu'il accrocha sur un lampadaire grésillant. Ni une ni deux, il embarqua dans la voiture de Camille qui sentait encore les effluves d'alcool de la fête, et elle démarra dans un bruit assourdissant.

Ils passèrent devant les interminables champs de maïs et de blé plus dorés les uns que les autres, devant les petites maisons colorées des habitants, et les commerces vendant des produits de toutes sortes à des prix alléchants.

Ils montèrent en amont, sur une petite route cabossée et trouée de brins d'herbe. Petit à petit, la voiture grimpait la colline. Et finalement, Camille l'arrêta en haut de ce qui devait être une falaise. La jeune femme descendit, William sur les talons. Elle s'arrêta au bord de l'immense colline, et ne tourna pas la tête quand elle parla à William:

- Toutes mes cicatrices viennent de mon combat contre la vie. Et j'ai arrêté de me battre le jour où tout c'est terminé dans la souffrance et la peur. A-t-elle dit, la voix chevrotant légèrement, ses bras entourant ses hanches.

William releva la tête vers elle. Toutes ces réponses ne faisaient qu'attiser le feu qui le hantait. Elles n'étaient que questions et questions s'enchaînant dans sa tête, se bousculant toutes pour assouvir sa curiosité. Et pourtant, la seule chose qu'il répondit à Camille fût:

- La souffrance ne te décrit pas. Elle n'est pas celle que tu es aujourd'hui.

Et sur cette phrase tout aussi douloureuse pour lui, il attrapa la main frêle et délicate de Camille, regardant le paysage aux mille couleurs s'étendre devant eux. La couleur de leurs rêves et du futur, fuyant celles du passé.

Soleil d'étéWhere stories live. Discover now