Chapitre 13

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WILLIAM ÉTAIT ASSIS SUR LE REBORD de sa fenêtre. À travers la nuit noire, quelques voitures passaient en trombe sur la route cabossée, laissant derrière elles un nuage de poussière noir. L'image des visages tuméfiés de Victor et Léon passaient en boucle dans sa tête. Pourquoi Eliott et sa bande avaient-ils voulu faire du mal à Léon et Victor ? Peut-être que c'était un avertissement, ou bien un simple acte de cruauté gratuite ? 

Un frisson lui parcourut l'échine. Finalement, le cœur lourd, William se déshabilla et partit se réfugier sous sa couette piquante essayant en vain de laisser ses pensées divaguer vers Camille. Et, au bout d'un long moment d'attente, William finit par tomber dans les accueillants et chaleureux bras de Morphée, avec un nœud qui lui tardait douloureusement le ventre.

- Will ! Ton père est au téléphone ! Cria Tante Marguerite de l'entrée

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- Will ! Ton père est au téléphone ! Cria Tante Marguerite de l'entrée.

Un petit nœud se forma dans l'estomac de Will. La phrase que son père lui répétait sans cesse tournait en boucle dans sa tête.  Un haut-le-cœur le fit trembler, et il se retint de peu de revomir le gratin de Marguerite. Il inspira et expira comme lui disait toujours sa mère à chaque crise d'asthme, avant de se diriger vers l'entrée. Marguerite essaya de lui faire un sourire encourageant, et lui tendit le téléphone. William saisit le vieux combiné, et le colla sur son oreille. De l'autre côté de l'appareil, il entendait la respiration de son père. 

- Allô papa ? Dit William, hésitant, se retenant de se ronger la peau du pouce jusqu'au sang. 

- Alors, comment ça va, à St-Louis ? Répliqua son père, après un court silence. 

- Il fait chaud. 

- Marguerite m'a dit que la petite Camille Martin était revenue chez son père. J'espère que ce bon vieux Assane va bien. On jouait souvent sur la place de la fontaine. Tu y vas toujours, à la place de la fontaine ? 

William savait parfaitement que son père se fichait complètement de tout ça. Il voulait simplement essayer de rendre cette conversation moins gênante. Will remarqua que Tante Marguerite s'était assise sur la chaise du petit secrétaire de l'entrée pour écouter discrètement la conversation. 

- Et sinon, j'espère que tu as arrêté de lire Roméo et Juliette comme je te l'avais demandé. Cette histoire de fillette va finir par te rendre gay si ça continue. 

William sentit son nœud à l'estomac s'agrandir vers sa cage thoracique, jusqu'à atteindre sa gorge, le faisant suffoquer. Le jeune homme fut pris d'une féroce envie de se mettre à pleurer, mais cette phrase, cette simple phrase qui paraissait pourtant anodine, l'en empêchait. Mais un petit sanglot remonta dans sa gorge, et franchit clandestinement les lèvres tremblantes de Will.

Le jeune homme pria pour que son père n'ait rien entendu, mais il se trompa. 

- William... Pourquoi pleures-tu ?  Nous en avons déjà parlé des centaines de fois pourtant. Les vrais hommes ne...

Le jeune serra le combiné dans sa main, et ravala ses larmes de rage, avant de répliquer rageusement:

- Les vrais hommes pleurent, papa. Ils déversent leur chagrin et leur désespoir à travers leurs larmes. Si je pouvais, je pleurais la mort de maman, la perte d'un père aimant et l'injustice de ce monde. Mais chaque fois, j'entends cette phrase. Cette putain de phrase qui me bouffe. Cette phrase qui prouve que je ne serais jamais assez bien pour toi malgré tous mes efforts pour être à la hauteur !

Et il raccrocha violemment, sans laisser le temps à son père de répliquer.

- Je vais prendre l'air. 

Tante Marguerite resta sidérée sur sa chaise. William disparu dehors, en prenant bien soin de claquer la porte d'entrée derrière lui. Il enfila ses baskets élimées, et, une fois qu'il eut dépassé la grille de la ferme, commença à se mettre à courir. Et cette fois-ci, plus la phrase prenait de la place dans sa tête, plus il accélérait. 

Depuis l'annonce du décès de sa mère, William n'avait jamais couru aussi vite. Son cœur abîmé battait la chamade, de ses yeux couleur chocolat, tombait de grosses larmes, et ses cheveux bruns se laissaient bercer par la douceur du vent. Le jeune homme courut aussi vite qu'il pût, jusqu'à ce que le souffle lui manque, et que son cœur menace de le lâcher. Il ralentit progressivement quand il passa devant la boutique de M. Simon, se remémorant ce doux souvenir de lui et Camille. 

Les quelques touristes le regardaient avec interrogation quand il passa devant eux. Mais contrairement à d'habitude, William se fichait bien du regard des autres. Il s'arrêta quelques minutes sur un banc pour reprendre son souffle, mais, finalement, il ne se releva pas pour continuer sa course effrénée. Il resta assis une heure, puis deux, jusqu'à ce que le soleil commence à s'endormir derrière les arbres de la forêt. 

Les touristes rentraient tous chez eux, tenant la paume chaude de leurs enfants dans une main, un appareil photo dans l'autre. Les commerçants fermaient doucement leurs stores, éteignant la lumière de leurs devantures, plongeant St-Louis dans l'obscurité, éclairé seulement à la douce lumière jaunâtre des réverbères. 

Quand la nuit fut complète, et les rues de St-Louis complètement désertes, William se leva du banc, les jambes endolories. Son coeur se remit à battre dans sa poitrine.

Qu'est-ce qu'il aimait ça, William, sentir l'adrénaline couler dans ses veines, le chagrin lui piquer les yeux, et la douleur de sa peine dans sa cage thoracique.  

Il passa devant la poissonnerie du père de Camille. Aucune lumière n'indiquait un signe de présence. Et secrètement, William aurait aimé que la jolie fille sorte de sa chambre, passe le perron de la boutique, et vienne le rejoindre. Il aimait la regarder sourire, observer la lueur rebelle qui brillait dans ses yeux, et la voir passer sa main dans sa chevelure brune crépue.

William arriva dans les alentours de minuit chez Tante Marguerite. Celle-ci, morte d'inquiétude avait veillé sur la chaise du petit secrétaire de l'entrée. Elle s'était assoupie, et sa tête penchait sur le côté, de la bave au coin de sa bouche. William l'embrassa furtivement sur la joue, et fila dans sa chambre. Comme d'habitude, le papier peint aux immondes fleur orange l'accueillit, mais pour une fois, cela lui fît du bien, de retrouver une chambre où des affiches de sports de combat et d'autres marques de la "virilité" chez l'homme ne l'étouffait affreusement. 

Quand William voulut aller prendre sa douche, un grattement à sa fenêtre attira son attention. Il tira si violemment sur les rideaux que la tringle - tenue à l'aide de deux pauvres clous rouillés - qu'il faillit se décrocher. Will fit une grimace, de peur que Marguerite ne se soit réveillé en entendant tout ce boucan. Mais il avait de la chance, le sommeil de Tante Marguerite était imperturbable. (Même Maurice, le vieux coq, n'arrivait pas à la maintenir éveillée très longtemps).  

William osa un regard prudent vers le carreau de sa fenêtre. Il faisait très sombre, et le jeune homme ne voyait rien d'autre que les formes des arbres noires s'agiter au rythme apaisant du vent.

Soudain, une grande forme sombre qui apparut à la fenêtre le fit sursauter. Seulement, son rythme cardiaque n'accéléra pas. Il aurait pu reconnaître cette silhouette entre mille: c'était celle d'une Camille effrayée, le visage déformé par la peur et les pleurs.  

Soleil d'étéOnde histórias criam vida. Descubra agora