Chapitre 15

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WILLIAM SERRAIT CAMILLE SI FORT dans ses bras qu'on aurait cru qu'il avait peur que celle-ci s'envole. Des larmes s'échappaient de ses yeux, comme Camille. Elle lui avait tout raconté. Dans les moindres détails. De son supplice jusqu'à sa fugue. William ne savait pas quoi faire.

Les lumières rouges et bleues des gyrophares des voitures de police au loin lui donnaient le tournis. Les minuscules points de couleurs l'hypnotisaient, comme s'il y avait quelque chose de réconfortant à regarder cette chose qui venait lui arracher Camille.

- Je peux rester ici, cette nuit ? Demanda Camille à Will, une fois ses sanglots stoppés.

- Bien sûr. Marguerite comprendra. Souffla William en se détachant doucement de Camille, même si son étreinte lui manquait déjà.

- Merci, William. Du fond du cœur...

William sourit, et essuya ses quelques larmes, avant se chercher un pull à prêter à Camille, pour qu'elle puisse troquer ses vêtements trempés de sueur et tâchés de terre contre une tenue plus confortable. Elle attrapa le vêtement que William lui tendait, un sourire éclairant son visage morose.

Quelques minutes plus tard, Camille se faufila sous les draps du lit de William.

- Je vais dormir sur le canapé du bureau. Si jamais tu as besoin de quelque chose... Commença William en ouvrant la porte.

- Non. Reste avec moi. Le supplia Camille. S'il te plaît...

Un nœud se forma dans le ventre de William. Mais cette fois-ci, c'était agréable. Comme de petits papillons s'envolant dans le vent.

- D'accord. Répondit simplement William, refermant la porte discrètement pour ne pas réveiller Tante Marguerite.

Il rejoignit Camille dans le lit, et, presque instantanément, Camille se glissa dans bras, sa cuisse droite effleurant la peau de Will. Le souffle de William se coupa un instant. Puis, sans savoir pourquoi ni comment, ses lèvres rencontrèrent celle de Camille, douces et charnues.

William resserra son étreinte, pour essayer de prolonger ce baiser le plus longtemps possible. Celui-ci avait le goût de sel, de liberté, de mélancolie, mais, surtout, d'un amour doux et sincère.

Le chant du coq sortit William du sommeil

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Le chant du coq sortit William du sommeil. À côté de lui, Camille dormait encore paisiblement. Son cœur se remplit de bonheur presque instinctivement, au souvenir de la nuit dernière.

Il se leva lentement, de peur de réveiller Camille. Il rejoignit Marguerite dans la cuisine, attiré par la fameuse odeur de ses délicieux œufs brouillés.

- Tu as bonne mine, Willy. Ça me fait drôlement plaisir. J'ai bien cru que tu ne tarderais pas à te transformer en mort-vivant. Plaisanta Tante Marguerite qui lâcha un instant la poêle pour venir lui embrasser te durement le sommet de la tête.

- En fait, j'ai quelque chose à te dire. Hésita Will, prenant un air de chien battu.

Marguerite leva un sourcil, intriguée.

- Camille est venue hier soir, et elle a passé la nuit ici.

Tante Marguerite resta de marbre. Elle vida les œufs dans deux assiettes, et porta une tasse de café à ses lèvres, avant de la reposer sur le plan de travail.

- Tu es au courant, alors. Dit simplement Tante Marguerite.

William ne sut pas quoi répondre.

- De... Attend... Tu étais au courant depuis le début ? Depuis que Camille est arrivée à St-Louis ? S'exclama Will en s'appuyant sur une chaise.

Marguerite hocha la tête.

- Assane est un très vieil ami de la famille, tu sais.

- Mais... Alors tu sais pourquoi M. Martin n'a jamais eu la garde de Camille ? Il savait pourtant qu'elle était maltraitée !

- Assane s'est battu des années pour avoir la garde exclusive de sa fille. Mais entre l'hypothèque de la poissonnerie pour rembourser ses dettes, et la discrimination raciale au tribunal... Parce que, bien sûr, c'est plus facile de croire un drogué blanc qu'une personne noire...

- Et toi ? Pourquoi tu n'as rien dit ? On dirait papa... S'énerva Will en serrant tellement fort le dossier de sa chaise que les jointures de ses doigts devinrent blanches.

Tante Marguerite baissa la tête. Elle se tourna dos à William, sa tasse de café à la main.

- Ça ne marche pas comme ça, Willy. Être abusé en tant que mineure, en plus d'être noir, ce n'est jamais réellement pris en compte, comme si les victimes étaient des menteuses.

William s'assit, tremblant. Il s'apprêtait à rétorquer froidement quelque chose à Marguerite, lorsque Camille apparut dans l'encadrement de la porte de la cuisine. Elle semblait terriblement fatiguée, avec ses grands cernes noirs sous ses yeux chocolat. Mais beaucoup moins inquiète que la veille, quand elle était partie se réfugier dans les bras de Will, larmoyante.

- Bonjour Marguerite ! La salua-t-elle, agitant timidement sa main en direction de la tante de Will.

- Tu as bien dormi ?

- Oui, très bien, merci.

- Je vais appeler Assane pour le prévenir que tu as dormi ici, cette nuit. Il doit se faire un sang d'encre à cette heure-là.

Une fois Tante Marguerite envolée, William servit une tasse de café à Camille - qui n'en voulu pas car elle trouvait ça trop amer - ainsi qu'une assiette d'œufs brouillés et de bacon. Les deux jeunes gens mangèrent en silence, jusqu'à ce que Camille décide enfin de briser le mur qui les séparait.

- Je crois que ma mère doit revenir à St-Louis. C'est la seule qui peut tout arranger.

Will fronça les sourcils, avant d'acquiescer. C'était la seule solution. Mais est-ce que Camille était prête à revoir cette femme qui était tombée sous l'emprise du bourreau de Camille ? Celui qui l'avait brisée pour toujours, malgré tous ses efforts pour en effacer toute trace douloureuse.

La voix de Tante Marguerite fut le seul son véritable qui vînt troubler le silence qui unissait William et Camille. Camille tapotait machinalement la table en bois de ses ongles, comme si elle était nerveuse. William, lui, était plongé dans ses pensées, sirotant son café si vite qu'il faillit s'étouffer à presque chaque gorgée.

Finalement, Tante Marguerite raccrocha, et revînt dans la cuisine. Seulement, ce n'était pas le même air joyeux et rassurant qu'elle affichait sans arrêt. Mais un air maussade mêlé à du stresse.

- Camille. Ta mère est au poste de police de St-Louis. Finit-elle par dire, la voix tremblante d'appréhension.

Soleil d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant