Chapitre 4

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Le matin du 735ème jour, j'ai comme la gueule de bois. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Les paroles de la veille résonnent encore dans ma tête. Je n'arrive pas à faire taire ces échos :

« Tu es associable ! Tu n'apprécie la compagnie des gens ! Je me sacrifie pour toi ! », je me retourne encore et encore dans le lit. Je ne peux ignorer cette voix qui me hurle sans relâche les même paroles. « Il a fait des efforts ! Je suis la seule à travailler ici ! 2 ans ! Remets-toi un peu en question Jhane bon sang ! »

Ce pourrait-il qu'elle ait raison ? Je sais que je ne suis pas la personne la plus sociable qu'il existe, mais je ne savais pas qu'Eve en était autant touchée. En y réfléchissant, elle n'a pas tout à fait tort. C'est l'unique personne que je connaisse ici. Je n'ai jamais fait l'effort d'aller voir les autres. Et quand on faisait le premier pas vers moi, je reculais.

Je n'ai cessé de me remémorer notre dispute dans mon insomnie. On ne s'était jamais disputé jusque là. Honnêtement, je ne pensais pas que cela arriverait un jour.

Je me lève péniblement du canapé déplié en lit. J'ai un de ces mal de crâne. Je pense que même avec des médicaments la douleur ne partira pas. D'habitude j'ai toujours un appétit d'ogre le matin. Mais pas aujourd'hui. Je sais que je le regretterais une fois au Jeu, car il vaudrait mieux que je prenne des forces. Donc au lieu de me diriger vers la cuisine pour prendre mon petit déjeuner, je vais vers notre dressing. Je parcours les piles de linges. Puis je fourre ma main dans un tiroir tout en haut. J'en sort un masque noir. Il ressemble au premier regard à un masque de plonger pouvant couvrir la totalité du face. La visière est noire, pour qu'on ne puisse pas voir le visage de la personne qui la porte. Il comporte deux rubans à ces extrémités pour pouvoir l'attacher autour de la tête.

C'est mon masque pour le Jeu. Tous les concurrents doivent en porter un, pour qu'ils restent anonymes. Cela évite les réglages de compte par la suite. Cependant je trouve que le mien n'est pas assez... marquant. Je récupère un feutre blanc trainant sur le comptoir de la cuisine. Délicatement je commence à dessiner sur la visière. Il faut que les spectateurs puissent se souvenir de moi. Il me faut un signe pour qu'on me reconnaisse. Si on voit se signe quelque part, il faut qu'on pense à la participante du Jeu. Donc je trace. D'abord un point, puis un deuxième pour les yeux. En dessous je mets un trait en dessous pour en faire la bouche. Cela ressemble à un smiley. C'est déjà mieux. Mais pour personnaliser encore plus, je rajoute une larme en dessous de l'œil droit.

Voilà. On n'oubliera pas si vite le player au masque smiley !

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Mon cœur bat à cent à l'heure. Dans une dizaine de minutes, je serai projetée dans le Jeu. Dans un labyrinthe sans issue, où le seul but sera de survivre. Pour le moment je suis encore isolée dans une petite pièce aux murs de béton. Je peux entendre derrière les murs, les spectateurs commençant à s'installer et s'impatienter. Malgré la très petite nuit que j'ai passée, je trépigne sur place. Je me fais une queue de cheval haute serrée pour ne pas qu'elle se défasse. J'arrive péniblement à enfiler mon masque tellement ma main tremble. Ce casque me permet de voir autour de moi, mais sans que mon visage soit visible. C'était Eve qui me l'avait fabriqué... Je me demande d'ailleurs si elle viendra me voir avec Nolan. Ils ont pris des tickets...

Un bruit sourd m'interrompt dans mes pensées. Un des murs de ma petite cellule se soulève petit à petit. La lumière de l'extérieur me percute en pleine face et m'aveugle. Je vérifie que mon masque est bien attaché, et je m'avance.

J'arrive dans un dôme de verre beaucoup plus grand que je ne l'imaginais... même gigantesque ! Des gradins sont disposés tout autour, tel une arène à l'époque des romains. Mais au centre, c'est un labyrinthe. Un labyrinthe dont les murs font plus de trois mètres de hauteur. Autour de moi, chaque player sort aussi de sa « loge » de béton. A ma droite, se trouve un player d'une trentaine d'année je dirai. Il est robuste et ne semble pas très commode. Il porte un masque fer, tel un gladiateur, le rendant encore plus intimidant. A ma gauche, c'est une adolescente comme moi. Vu sa taille, on aurait dit une fillette de 12 ans. Cependant il faut minimum en avoir quinze pour participer donc c'est impossible. Elle est toute frêle, semble si fragile... Enfin bon. Règle numéro 5 du dirty piece : ne jamais se fier aux apparences. Une des règles les plus importantes. Un lion peut se cacher derrière chaque agneau. Ma concurrente de gauche n'a pas pensé à s'attacher les cheveux. Elle les a juste remis derrière ses oreilles. Elle porte comme masque un foulard violet masquant tout son visage, excepté ses yeux gris. Je ne vois pas les autres candidats puisque nous sommes disposés en rond autour du labyrinthe. Il en reste encore 11 que je n'ai pas vu.

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