Chapitre 2

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Mercredi 22 juin, 21h00, Appartement de Lili

Un léger courant d'air venait caresser mon visage, me faisant frissonner. Ce n'était pas la fenêtre. Je la gardait absolument fermée. J'avais compris la veille qu'il ne valait mieux pas tenter le vent frais. La seule ouverture vers l'extérieur m'apportant ce très léger mouvement d'air était la porte de mon appartement. Je l'avais laissée entrouverte. J'avais aussi donné le code de la porte au rez de chaussée à l'opérateur téléphonique que j'avais eu un peu plus tôt. Je ne me sentais pas capable de descendre ouvrir, et l'interphone était cassé et ne permettait pas de le faire depuis l'appartement. Je ne comptais pas le nombre de fois où j'avais appelé le propriétaire pour le lui faire remarquer... sans succès, de toute évidence. Même me lever pour ouvrir la porte m'avait demandé un effort inimaginable. Je préférais le faire à l'avance, et comater en attendant le médecin, qui ne devrait sans doute pas tarder à arriver. En espérant que je n'ai pas donné mon adresse, code d'entrée et numéro de téléphone à n'importe qui... c'était un peu tard pour ça. Avait-je au moins appelé le bon numéro? Ce truc de médecin à domicile n'était pas une arnaque, au moins? Je m'attendais presque à voir débarquer un homme cagoulé d'une seconde à l'autre, mais ça ne me faisait étrangement ni chaud ni froid. Trop épuisé pour m'inquiéter, peut être. Ou fatiguée de la vie, potentiellement. 

J'entendis la porte du rez de chaussée claquer dans le lointain. Etait-ce lui? La petite maison dans laquelle avait été aménagé mon minuscule studio ne contenait pas beaucoup d'autres appartements, et donc de voisins potentiels. C'était peut être tout de même l'un d'eux. Des pas ne tardèrent cependant pas à claquer sur les étroits escaliers de bois. Ce médecin n'avait pas le pas lourd. C'était la seule conclusion que je pouvais en tirer à ce niveau là. On toqua à la porte. 

-Ent- HUM HUM. Entrez, c'est ouvert.

Il avait fallut qu'une quinte de toux vienne interrompre ma phrase, bien évidemment. La porte s'ouvrit, et mon regard brumeux se porta vers mon potentiel sauveur. Qui s'avéra être plutôt une sauveuse, ce qui me surpris tout autant que son air assez jeune. Dans ma tête, les médecins étaient des vieux hommes croulants, le plus souvent - mon endocrinologue, femme sarcastique ayant la quarantaine, était sans doute l'exception, et à peu près la seule autorité médicale que je voyais régulièrement de toute manière. Autre cliché qui tombait, elle ne portait pas la moindre blouse blanche, juste un large pantalon cargo noir et un t-shirt high neck gris, à se demander comment elle n'était pas trempée de sueur par la chaleur résiduelle de la journée. Son visage fin portait une expression fermée, presque dur, renforcée par la moue naturelle dessinée par ses lèvres, et l'arc formé par ses sourcils qui lui donnaient l'impression de froncer les yeux. Ses cheveux noirs étaient tenus en une couette haute à l'arrière de sa tête, ne laissant libre que deux mèches encadrant son visage. Si j'avais dû trouver un adjectif pour la décrire, cela aurait sans aucun doute été "intimidante". Elle n'avait pas l'impression d'être particulièrement heureuse d'être là, mais j'aurai bien été incapable de définir si c'était à cause de son humeur, ou si c'était juste son expression habituelle. Son air sévère m'impressionnait, et je trouvais assez de force pour me recroqueviller légèrement sous ma couette. 

Son regard sérieux se porta sur mon petit appartement, effectuant une analyse circulaire de l'environnement. Je me maudis encore plus en me rappelant la collection de mangas qui trônait entassée sur les étagères qui faisaient face à la porte d'entrée. Je priais pour qu'elle n'en connaisse aucun. Son regard les passa cependant rapidement pour enfin se poser sur moi. 

-... Lili... Bourdon, c'est bien ça? 

-Hum... oui. Répondis-je d'une faible voix.

Je ne pouvais pas faire comme si je n'avais pas sentis son hésitation lorsqu'elle m'avait vu. Comment lui en vouloir? Mais malgré le nombre de fois, ça ne rendait pas l'expérience moins douloureuse. Ma médecin de secours choisit cependant de ne pas relever et de continuer comme si de rien n'était. 

Allo docteure?Kde žijí příběhy. Začni objevovat