Chapitre 14

534 64 11
                                    

Jeudi 14 juillet, 13h30, appartement de Sara et Jelila

L'appartement était terriblement vide. 

C'était une réflexion stupide. Evidemment, que l'appartement était vide; tout comme il l'était tous les jours durant lesquels Sara et Jelila étaient au travail. Et si la seconde n'avait pas repointé le bout de son nez depuis l'altercation de la veille, la première se devait d'aller travailler à l'hôpital, même un 14 juillet... les jours ferriés ne le sont visiblement pas pour tous. Nerveuse, je jetais à nouveau un œil au chapitre sur lequel j'essayais désespérément d'avancer pour me changer les idées. Mais rien à faire... j'étais prisonnière des souvenirs de la veille. Je n'arrivais pas à me les ôter de l'esprit. 

Ce n'était que chose logique; au fond, la seule et unique raison de la dispute entre mes hôtesses était ma présence. Tout était donc bel et bien de ma faute, et même si Sara était trop butée pour l'admettre, mon départ permettrait sans doute de calmer les choses. C'était un revirement assez sévère, après avoir fondu en larme à cause de mes sentiments refoulés la veille... mais, eh. Je n'étais pas monstrueuse. Je n'allais pas me délecter de ce couple en train de se déliter sous mes yeux par ma faute. Je ne sentais plus que du malaise à l'idée de rester dans ce lit, dans ce salon, à lire ces mangas, jouer à cette wii, et manger cette nourriture. C'était presque à en avoir la nausée. 

Une sonnerie stridente retentit, me faisant sursauter au passage. Je ne m'en fis pas. Je l'attendais. Précautionneusement, je me levai du canapé lit en posant sur le côté mon ordinateur, sur lequel ma page de traitement de texte ne s'était guère remplie en quelques heures. Lorsque je me saisis de l'interphone, une boule se créa tout de même dans ma gorge. J'avais l'impression de faire quelque chose de mal... probablement parce que c'était fait dans le dos de Sara, et qu'elle ne voulait pas que je me mêle de ses affaires. Mais c'était aussi mes affaires, maintenant; Jelila n'avait pas laissé planer beaucoup de doute là dessus. Après une longue inspiration, je parlais dans le combiné. 

-A... Allo?

-Je te réveille? 

-... mais je t'ai envoyé un message il y a une demi heure... fis-je remarquer.

-Tu aurai pu te rendormir depuis. Fit remarquer malicieusement la voix de Jonathan.

Je soupirai. Il avait l'air bien trop détendu, comparé à mon état. Je ne savais même pas vraiment s'il pourrait faire quoi que ce soit à la situation actuelle, mais j'avais besoin de quelqu'un de plus proche et qui, accessoirement, ne serait pas vu comme un potentiel rival par Jelila... même si ce n'était probablement pas le parti le plus neutre que j'aurai pu trouver. 

-Non, tu ne m'as pas réveillée. Le rassurai-je. Monte.

-Aaaaah, attends un instant. M'interrompit-il avant que je ne raccroche. 

Un soupire m'échappa. Si c'était encore une plaisanterie...

-Quoi, encore?

-Tu es sûre que tu es seule, hein? 

La question était stupide... et pas tant que ça en même temps. Sinon, pourquoi mon dos avait-il été parcouru de frisson sur le chemin entre le canapé lit et l'interphone? La crainte irrationnelle de voir une Jelila débarquer de nulle part était tenace. Mais, en l'occurrence

-Oui, je suis seule. Et jusqu'à tard ce soir, à moins que tu n'ai menti sur les horaires de Sara.

-Alors ça devrait être bon. Ouvre, je monte. 

Je trifouillais quelques secondes sur l'interphone, incertaine de quel bouton permettait de dévérouiller la porte au bas de l'immeuble, jusqu'à entendre un bruit distinctif et très désagréable dans le combiné. Je le raccrochai. Puis me laissai tomber contre le mur. J'étais terriblement épuisée. Le spectre de mon coeur en manque de puissance me faisait un peu peur. Mais je pensais m'en inquiéter une fois les affaires de celui de Sara réglées. Ce ne fut pas l'avis de Jonathan... ou plutôt, du Docteur Fort, lorsqu'il pénétra dans l'appartement.

Allo docteure?Onde histórias criam vida. Descubra agora