Chapitre 25

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Mardi 27 décembre, 20h30, appartement de Lili

Je m'effondrais sur mon lit pathétiquement, ma valise toujours posée en plein milieu de mon minuscule appartement, prenant bien trop du peu de place disponible qui s'y trouvait. Ma respiration était légèrement sifflante, mais je parvenais à reprendre mon souffle, lentement. Le trajet de retour depuis la gare m'avais un peu épuisée, malgré l'aide providentielle du tram - il faut dire que ma valise était plus remplie qu'à l'allez, quand j'étais partie à Lyon passer Noël en famille une semaine plus tôt - la faute aux quelques cadeaux qui étaient venus la remplir, ainsi qu'aux sessions shopping que j'avais effectuées. J'avais encore un peu du mal à croire tout ce qu'il se passait dans ma vie depuis un peu plus d'une semaine.

En premier lieu, la femme que j'aimais m'avait avoué que mes sentiments étaient réciproque, et qu'elle voulait de moi à ses côtés. Ce qui était déjà... ce qui ne m'était jamais arrivé, et j'avais encore du mal à réaliser. Puis, dès le lendemain, j'avais été accueillie à Lyon par une mère qui avait, pour la première fois, utilisé mon nouveau prénom au lieu de l'ancien, ce qui était également une surprise particulièrement marquante. Cela aurait pu s'arrêter à ce simple petit effort, à ce premier petit pas dans ma direction, si elle ne m'avait pas également proposé d'aller faire du shopping pour m'acheter des habits - et ne m'avait pas emmenée dans la section homme, cette fois. Et elle m'avait même acheté une brassière. Je n'avais même pas encore porté de soutiens gorge de ma vie, principalement par peur et honte d'aller en acheter, et, de toutes les personnes que je connaissais, c'était avec ma mère que j'avais franchi ce pas. C'était... beaucoup d'un coup. J'en venais à me demander si quelqu'un ne l'avait pas changée depuis notre précédente rencontre, qui remontait déjà au début de l'été. Ou peut être était-ce mon opération qui rendait les choses plus réelles et tangibles à ses yeux? Ou encore, la rencontre avec Sara, première fois qu'elle avait dû voir quelqu'un m'appeler et me genrer correctement... était-ce cela qui l'avait marquée? A vrai dire, je n'en avais aucune idée, je n'avais pas posé la question. Mais les quelques nouveaux habits que j'avais pu acheter durant ces sessions shoppings allaient probablement devenir mes préférés... et il allait sûrement falloir que j'étende cette garde robe tellement plus féminine que les habituels t-shirt et vestes que je portais jusqu'ici pour cacher mes formes. Un étrange boost de confiance en moi m'avais habitée toute la semaine, et ne semblait pas décidé à me quitter, ce qui contrastait fortement avec la morosité triste dans laquelle j'avais passé tout l'automne - tout le temps depuis ma rupture amicale avec Sara, en fait. 

Sara... elle était, à vrai dire, le seul point qui venait un peu assombrir ce tableau idyllique. Certes, elle m'avait avoué que nos sentiments étaient réciproques... et que j'avais été une belle aveugle à ne pas capter ses signaux, ce qui était... probablement vrai, avec le recul, mais tout cela me semblait tellement improbable que mon esprit l'avait sûrement ignoré inconsciemment. Mais elle avait également précisé qu'avant de nous mettre... vraiment ensemble, elle devait mettre les choses au clair, et rompre avec Jelila. Après quoi, elle devait me recontacter.

Ce qu'elle n'avait toujours pas fait. Et c'était ainsi la seule tache d'ombre dans mon euphorie du moment. Un tâche d'ombre qui, bien qu'au départ insignifiante, prenait de plus en plus de place sur le canva de mes émotions, car plus le temps passait, plus je craignais qu'il se soit passé... quelque chose. J'ignorai quoi, mais mon esprit était plutôt fécond en ce qui concernait le fait d'imaginer les pires scénarios possibles, au point de m'en faire perdre le sommeil. Au départ, j'avais craint que Sara ait juste trop peur de confronter Jelila. C'était l'explication la plus rationnelle, après tout. Elles avaient eu près de trois ans de vie commune, construit des choses ensembles, partageaient un appartement... tellement plus que tout ce que je pouvais avoir en commun avec ma docteure. Et puis, ce n'était pas la première fois que Sara se montrait frileuse à l'idée de confronter Jelila... elle l'avait été quand il avait fallut lui annoncer qu'elle comptait m'accompagner à Montpellier... elle ne l'avais également pas directement prévenue avant de m'inviter dans leur appartement. Ni du fait qu'elle m'avait donnée une consultation en septembre, alors qu'elle n'était plus sensée me voir. En somme, Sara, malgré sa franchise usuelle, craignait les colères de Jelila. 

Allo docteure?Where stories live. Discover now