Chapitre 21

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Jeudi 11 août, 16h, Maison de mon père

-Eh, Lili! Tu viens pas?

La voix de Mathias me tira du demi sommeil dans lequel la chaleur assommante de l'après midi m'avait jetée. Il me fallut quelques instants pour relever la tête et l'observer, sur le point de sauter dans l'eau azur de la piscine, le corps dégoulinant. Je grimaçai. Il faisait tellement chaud, la fraicheur toute relative des flots me paraissait une douce promesse. Mais je grimaçai en tournant la tête vers ma voisine, allongée de tout son long sur son transat, son maillot noir soulignant son corps sculptural.

-Tu peux te mettre dans l'eau, mais pas nager. Me prévint-elle sans même lever la tête, comme si elle avait senti mon regard se poser sur elle.

-Quel intérêt, alors... grommelai-je.

-Si la chaleur t'es à ce point insupportable, tu peux toujours rentrer profiter de la clim. Fit-elle remarquer, amusée.

Sara tenait sa promesse depuis la veille. Plus de distance. Plus de froideur. Elle avait mangé avec nous, veillé et discuté jusqu'à une heure bien trop tardive dans la nuit. Ce matin, lorsque nous étions sorties pour aller visiter le musée des confluences, elle était redevenue cette docteure bien trop envahissante, me reprochant de trop en faire à la moindre occasion, et m'ordonnant des pauses régulières. Et elle m'avait même interdit de nager, pour ne pas rouvrir la suture toute récente. J'aurai bien désobéi par pur esprit de contradiction... Après tout, malgré notre discussion de la veille, je savais que tout ça n'était pas... totalement vrai. Que, la semaine terminée, le jeu d'acteur passerait aux oubliettes, et qu'il n'y aurait plus rien. J'avais beau avoir dit que je voulais qu'on fasse comme si de rien n'était, au moins pour ces vacances, il était difficile de ne pas lui en vouloir. A l'inverse, sa gentillesse excessive me rappelait trop le temps que j'avais passé à son appartement, dans l'ignorance que ces moments de bonheur à ses côtés étaient comptés. Je n'arrivai pas totalement à en profiter, gardant toujours une boule au ventre, et ses mots à l'esprit. J'avais presque envie d'être mesquine, de lui répondre froidement, de tenter de lui faire vivre ce que je vivais, qu'elle comprenne ne serait-ce qu'un peu ce que je ressentais. C'était futile. Je souffrais, parce que je l'aimais. Mais ce n'était pas réciproque. A agir ainsi, tout ce que j'aurai fait, ça aurait été de gâcher le peu de temps qu'il nous restait ensemble. Et, quand bien même elle n'accordait peut être pas beaucoup d'importance à ces moments... ils étaient pour moi un trésor dont je voulais profiter pleinement.

Et puis, honnêtement, je n'avais aucune envie de rouvrir mes sutures. La sensation de l'aiguille dans ma chair n'avait rien d'agréable.

-Eh, viens au moins te mettre dans l'eau. Me lança Thibault. T'as bien au moins le droit à ça, non?

Je levai les yeux au ciel, mais m'exécutais. L'eau me semblait presque glaciale, alors qu'elle devait bien être au dessus de 25 degrés - c'était dire l'emprise de la canicule sur le climat. Je me contentais donc d'y tremper mes pieds pour le moment, restant à l'ombre du pommier pour ne pas avoir à subir l'attaque des rayons meurtriers d'hélios. C'était à cause de cet imbécile que j'avais dû vivre aux crochets de Sara, et que j'avais fini par céder à ses charmes. S'il n'avait pas eu l'excellente idée de brûler de tous ses feux dès la fin juin, peut être n'aurai-je pas été dans un tel état de détresse émotionnelle en cet instant.

-Lili. M'interpella la voix de Sara. Viens, je vais te mettre de la crème.

-Mais je ne suis pas au soleil...

-Ce n'est pas parce que tu n'es pas directement au soleil qu'il ne faut pas en mettre. Et puis, tu es déjà assez rouge comme ça.

Elle n'avait pas complètement tord, j'avais déjà eu le temps de rôtir comme une touriste allemande en vacances sur la côte d'azur. Avant même que je puisse lui donner mon assentiment, je sentis ça mains se poser sur mon dos, et lentement faire des ronds. Je ne savais pas si elle le faisait exprès. A vrai dire, je n'avais toujours pas vraiment compris si elle avait deviné mes sentiments ou non. Si c'était le cas, alors ses actions étaient d'autant plus cruelles... mais, d'un autre côté, je me sentais rassurée de toujours l'avoir. Elle avait déjà tellement fait pour moi, été là à des instants si difficiles, et, là encore, son toucher m'emplissait d'une chaleur indescriptible et d'un sentiment d'apaisement. Je m'y laissai aller. A quoi bon réfléchir, après tout. Penser à la fin de la semaine... à mes sentiments... à ce qu'il en adviendrait... tout ça fondait à la chaleur du soleil, et à la douceur de ses doigts glissant sur mon ventre.

Allo docteure?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant