Chapitre 9

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Ben

Les jours qui ont suivi la soirée chez Flavie se sont enchaînés à une vitesse vertigineuse, se transformant en semaines durant lesquelles on se croisait seulement quelques fois dans l'immeuble. L'apercevoir ainsi en pointillés m'apportait à chaque fois une petite dose de bonne humeur à laquelle je me suis habitué. Voilà plusieurs jours que je ne l'ai pas vue, me faisant comprendre à quel point ces petits moments apparemment anodins commencent à me manquer. C'est avec une joie que je peine à dissimuler que je passe la chercher chez elle pour une journée entre amis. Nous partons demain dans la maison de vacances de ma famille, dans le sud de la France, et avons décidé de nous réunir pour organiser les derniers détails du voyage.

Flavie est prête lorsque je frappe à sa porte et elle apparaît immédiatement avec un sac de pique-nique qui semble bien garni.

- Tu as pris de quoi nourrir une colonie ma parole, la taquiné-je tout en offrant mon aide pour porter le sac.

- J'avais peur qu'on manque de quelque chose, se justifie-t-elle.

J'hésite à faire de l'humour, mais la sentant étrangement nerveuse, je me ravise.

Nous rejoignons Romain, Jane et Jimmy dans un parc pour le déjeuner. Je m'amuse en constatant que Jane a eu le même réflexe de survie alimentaire que sa belle-sœur, apportant un sac tout aussi conséquent.

Jimmy, jusqu'alors occupé à dévorer tout ce qui lui passe sous la main, commence à faire savoir qu'il est présent lorsque nous parlons de la répartition des chambres dans la maison de vacances. Bien évidemment, il suggère à Flavie de partager la même, ce qui ne me plaît guère. Romain se charge de le remettre aussi vite à sa place. Cela m'arrange autant que ça me dépite, me rappelant la complexité de ma relation avec sa sœur.

Nous flânons en ville après le déjeuner, et je finis par m'apercevoir qu'inconsciemment, j'ai veillé à mettre une certaine distance entre Flavie et moi depuis que nous avons rejoint nos amis. Inutile d'être fin psychologue pour deviner que je ne cherche qu'à noyer le poisson devant Romain. La possibilité qu'il puisse percevoir un changement dans mon comportement me rend un peu nerveux. En y prêtant plus attention, je me rends compte que Flavie m'évite assez finement aussi. Son regard, d'habitude si franc, se fait fuyant lorsqu'elle croise le mien, me donnant matière à réfléchir.

Après avoir marché tout l'après-midi, chacun rentre chez soi. Une fois installés dans le métro, Flavie ferme les yeux et laisse sa tête aller un peu arrière pour s'appuyer contre la vitre.

Assis à côté d'elle, je l'observe en silence dans le reflet de la vitre opposée, veillant à ne pas me laisser bercer par le mouvement du wagon. J'en profite pour faire le vide, faisant fi des questions qui me trottent dans la tête depuis quelques semaines, pour ne plus être qu'un homme assis à côté d'une femme faite pour lui.

Arrivés à proximité de notre station, je secoue doucement l'épaule de Flavie. Malgré tout le soin que je mets à la réveiller en douceur, elle sursaute et plaque ses mains de chaque côté de son corps comme pour se rattraper. Sa main droite atterrit sur ma cuisse, me provoquant une drôle de sensation que je n'avais encore jamais ressentie. Un mélange très étonnant, de quelque chose qui me semble naturel et interdit à la fois. Elle retire sa main en bredouillant vaguement des excuses puis se lève pour sortir du métro.

Une délicieuse odeur de fish and chips chatouille mes narines, à laquelle mon estomac répond en gargouillant.

- Ça te dit qu'on prenne à emporter et qu'on mange chez moi ? lui proposé-je.

- Oui je veux bien, je meurs de faim ! m'avoue-t-elle en souriant.

Quelques minutes plus tard, assise à table en face de moi, Flavie dévore littéralement son plat. La voir de si bon appétit m'arrache un sourire amusé, limite moqueur.

- Fais gaffe, je vais manger le tien aussi si tu continues, me menace-t-elle sur le ton de l'humour.

Je lève les mains en signe de reddition puis cache mon sourire en buvant une gorgée dans mon verre de soda.

- On a tellement marché que j'ai le dessous des pieds qui chauffe. Si j'avais su, j'aurais mis des baskets plutôt que mes ballerines, se plaint-elle.

- C'est une façon subtile de me demander si tu peux te mettre pieds nus ?

Elle acquiesce, souriante, et je lui fais signe qu'elle peut se mettre à l'aise.

Le soupir de soulagement qui s'échappe de sa bouche la fait rire de surprise :

- Aucun commentaire graveleux sur le son que je viens d'émettre s'il te plaît, s'amuse-t-elle.

- Mais je n'ai rien dit, rétorqué-je avec un regard qui en dit long.

Elle lève les yeux au ciel, un sourire en coin, puis se lève en déclarant qu'il est l'heure parfaite pour s'empiffrer de glace au cookie.

- J'en ai congélateur, je vais la chercher, annonce-t-elle en joignant le geste à la parole.

Alors qu'elle ouvre ma porte pour rejoindre le palier, son téléphone vibre face cachée sur mon plan de travail :

- Tu as un appel ! l'informé-je.

- Ah ! Décroche pour faire patienter s'il te plaît, je me dépêche ! clame-t-elle depuis son appartement.

J'attrape le téléphone et glisse mon doigt pour répondre avant de réaliser, trop tard, que le nom de Rémi est affiché.

- Allo ? dis-je par pur réflexe.

Un bref silence, puis il s'emporte :

- T'es qui toi ?

N'ayant pas le temps de réfléchir, j'articule la première chose cohérente qui me passe par la tête :

- Je suis le mec à qui tu auras affaire si tu ne lui fous pas la paix ! le menacé-je avant de raccrocher sans lui laisser l'occasion de répliquer

Flavie réapparaît chez moi presque en courant :

- Sauf si c'est Rémi ! ajoute-t-elle.

Ses yeux vont de mon visage fermé à son téléphone que j'ai encore en main :

- C'était lui ? s'inquiète-t-elle.

- Oui, je suis désolé, je m'en suis aperçu après avoir décroché.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

- Il voulait savoir qui j'étais, je lui ai dit de te laisser tranquille et j'ai raccroché, expliqué-je en sondant son regard.

D'abord affolée, elle semble redescendre en pression petit à petit. Elle reprend place face à moi et scrute son téléphone comme si Rémi allait surgir de l'écran d'un moment à l'autre.

- Bon, après tout, c'est peut-être ce qu'il fallait pour qu'il abandonne enfin. Merci d'être intervenu, conclue-t-elle.

- De rien, je n'ai pas fait grand-chose...Bon alors, on la mange cette glace ? tenté-je d'alléger l'ambiance.

Elle retrouve instantanément son sourire et me tend un pot de glace que nous décidons de manger dans le canapé devant un film.

Après avoir terminé, elle remonte les jambes contre sa poitrine et les entoure de ses bras pour se réchauffer. Alors que je déplie un plaid, elle se rapproche contre moi pour qu'il nous couvre tous les deux. Le frôlement de sa peau contre mon bras me provoque un frisson délicieux. À mesure que le film avance, sa tête se fait plus lourde et penche vers mon épaule. Je n'ose plus bouger, de peur de rompre la sérénité qu'elle semble éprouver à cet instant. Quelques secondes plus tard, elle est là, tout contre moi. J'étends mes jambes sur la table basse et me renfonce dans le canapé pour être plus à mon aise, bien décidé à passer la nuit dans ce canapé à côté d'elle. Je cale doucement ma tête contre la sienne, et le parfum sucré de son shampoing m'accompagne vers le sommeil.

À deux pas de chez toiWhere stories live. Discover now