Chapitre 18

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Flavie

Le cœur battant la chamade comme si je venais de subtiliser le portrait de la Joconde au musée du Louvre, je quitte la chambre de Ben sur la pointe des pieds. Crispée de la tête aux pieds, j'avance en grimaçant, comme si cela pouvait aider à ne pas faire grincer le parquet. Ben allume la radio, une aubaine permettant de camoufler le son de mes pas. Alors que je passe devant la salle de bain, la porte s'ouvre d'un coup sec dans un courant d'air. Je m'immobilise, paniquée, priant pour me parer comme par magie d'écailles de caméléon pour me confondre avec la couleur du mur. Jane me dévisage, surprise, puis détaille ma tenue légère. Son regard passe du t-shirt à la porte de Ben avant de revenir vers moi et ma mine déconfite. Mon cerveau carbure à plein tubes pour trouver une ébauche d'histoire probante à bafouiller, mais rien ne vient. Lorsque Jane perçoit ma panique, elle me regarde bouche bée puis tend les bras en l'air dans un signe victorieux auquel je ne comprends rien.

- Enfin !!! s'exclame-t-elle d'une petite voix hystérique.

- Chuuutt !!! paniqué-je en recouvrant sa bouche de ma main.

Je la pousse à l'intérieur de ma chambre et referme la porte derrière nous. Elle éclate de rire et entame ce qui ressemble à une petite danse de la joie. Je suis mortifiée.

- Oohhh comme je suis contente ! C'est pas trop tôt, exulte-t-elle.

J'écarquille les yeux, visiblement, j'ai manqué un épisode.

- Allez, raconte !

Elle applaudit frénétiquement, sautillant sur place comme si elle réprimait une envie pressante.

- Pitié, n'en parle à personne, et surtout pas à mon frère. Il ne me le pardonnera pas.

Elle me regarde soudain plus sérieusement et semble analyser le bien-fondé de ce que je lui demande.

- Bon, ça ne va pas être facile de garder ça pour moi, mais je suis tellement contente pour vous deux que je ne veux pas tout gâcher. Tu peux compter sur moi. Par contre, il faudra bien finir par lui dire un jour...

- Oui, mais pas maintenant. Là c'est trop tôt, je n'ai pas eu le temps de réfléchir à tout ça. Bon et puis qu'est-ce que tu faisais dans la salle de bain de l'étage déjà ? Depuis qu'on est là, personne n'est monté et toi tu tombes pile au mauvais moment.

- Pile au bon moment tu veux dire, me reprend-elle en jouant des sourcils.

Je prends ma tête dans mes mains, légèrement agacée, puis décide de la faire sortir pour réfléchir. C'est avec un sourire digne d'une pub pour dentifrice qu'elle quitte ma chambre après avoir mimé un « motus et bouche cousue ».

Je fais les cents pas dans la chambre, indécise sur le fait de dire ou non à Ben que Jane est au courant. Mon cerveau saturé par trop d'informations qui affluent d'un seul coup, je me prépare et descends prendre mon petit-déjeuner.

Ben est déjà installé à la table extérieure avec tous les autres. Je me compose une attitude la plus naturelle possible puis je fais mon entrée.

Si je pensais parvenir à cacher mon attirance pour Ben les jours précédents, j'ai la désagréable impression d'échouer lamentablement aujourd'hui. J'ai beau éviter de le regarder, mon front clignote le mot « mensonges » en lettres roses électriques qui n'ont rien à envier aux enseignes de Las Vegas. À la fin du repas, je suis à deux doigts de décerner la palme de la meilleure actrice à Jane, que j'attendais un peu au tournant tant elle me paraissait incontrôlable quelques minutes plus tôt. Il semblerait finalement que mon secret soit bien gardé, au moins pour quelques jours.

Mon frère propose aux garçons une journée à sensations avec karting et paint-ball, évoquant la possibilité pour Jane et moi d'aller nous détendre dans un spa. Si l'idée me séduis, Jane proteste et accuse mon frère de sexisme. Je ne peux réprimer un rire face à la mine surprise de mon frère qui ne cherche pas la dispute et se tourne vers les garçons pour vérifier si cela les tente. Jimmy est partant et fonce se préparer. Ben, quant à lui, prétexte avoir des travaux de peinture à réaliser dans le garage avant notre départ dans deux jours, tout en me lançant un regard en coin.

- Et toi sœurette ? me demande mon frère.

- Paint-ball et karting, ça secoue un peu trop pour moi, je préfère passer mon tour. Mais allez-y, ne vous privez pas pour moi, pas de problème.

- Ah bon, comme tu veux...

Il semble déçu, et je regrette aussitôt de lui avoir menti. Je n'aime pas cacher mon jeu avec lui.

Ils partent tous dans la même voiture et je les salue depuis la porte d'entrée avant de refermer la porte. Quand je me retourne, Ben m'observe de l'autre côté de la pièce, adossé nonchalamment contre un mur. Mon cœur a un raté.

- Bon alors, quel est le programme ? lui demandé-je pour ne pas laisser mon trouble prendre le dessus.

- Activité peinture, si ça te tente ?

Ben allume la radio et verse la peinture dans un bac.

- Ne te mets pas la pression, c'est le garage, on s'en fiche si ce n'est pas nickel. C'est juste histoire de recouvrir les agglos, précise-t-il.

J'acquiesce et commence à peindre le mur face à moi. J'aime bien l'odeur de la peinture et le bruit que fait le rouleau sur le mur. Je me dandine en chantant à tue-tête sur la chanson qui passe à la radio.

- Arrête de te tortiller comme ça sous mon nez ou sinon on ne va jamais finir cette peinture, me lance-t-il sur le ton de la paisanterie.

Je me retourne avec un petit sourire provocateur avant de me déhancher un peu plus. Puis je me rapproche de lui en ondulant jusqu'à me poster face à lui.

Il rigole et m'embrasse.

- Bien tenté, mais on va déjà finir ça, s'amuse-t-il.

Je boude faussement et me remets à la tâche tout en continuant de remuer sans vraiment le vouloir. Alors que je suis concentrée sur le mur à peindre, Ben passe un coup de rouleau dans mon dos, me procurant une sensation de frais assez étrange.

Je prends un air scandalisé et applique ma vengeance sur son t-shirt. Une bande bleue passe désormais en travers du vieux t-shirt qu'il avait enfilé. Il me regarde en rigolant et me mets un petit coup de rouleau sur la joue.

- Alors c'est la guerre que tu veux en fait ? lui dis-je dans un grand sourire interloqué.

Je réplique avec un coup de rouleau sur le bras, auquel il contre-attaque en étalant avec ses doigts la peinture qu'il vient d'appliquer sur ma joue. Ce joyeux mélange coloré se conclue en baiser au rythme de la musique qui défile sur les ondes.

Je vais me laver pendant qu'il termine de peindre et décide de préparer un gâteau en l'attendant. Il vient tremper un doigt dans le bol pour goûter le chocolat fondu. J'y trempe moi aussi l'index pour lui en mettre une goutte sur le bout du nez. J'éclate de rire lorsqu'il louche comme pour essayer de la regarder. Il remet un peu de chocolat sur son doigt et le dépose sur ma lèvre inférieure pour venir l'embrasser. Délicieux. Lui, et le chocolat. J'hésite à lui en mettre à mon tour un peu sur les joues, mais je sens que ça va encore dégénérer alors je m'abstiens. Son regard plongé dans le mien semble lire dans mes pensées. Il me sourit tout en m'étalant un peu de chocolat sur le nez et la joue, me faisant rire :

- Pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'on se tartine comme ça avec tout ?

- Parce qu'on adore se lécher ? me répond-il en rigolant.

Je pouffe et attrape un torchon pour m'essuyer le visage.

À deux pas de chez toiDonde viven las historias. Descúbrelo ahora