À deux pas de chez toi

Epilogue

Flavie

C'est avec une certaine félicité que j'arpente la route du bord de mer en direction du mas provençal. Chaque kilomètre me rapprochant de notre destination fait remonter les souvenirs vécus un an plus tôt. Les plus doux, comme les plus amers. Pour autant, je ne regrette rien, mes erreurs m'ont fait grandir. Jane, assise à mes côtés, caresse son ventre arrondi avec amour. Dans quelques mois, je serai l'heureuse tata d'une petite fille qui verra le jour en Angleterre. Mon frère et Jane ont décidé de fonder leur famille là-bas, tout en laissant la porte ouverte à la possibilité de venir vivre en France un jour.

Dans quelques semaines, Jimmy s'envolera pour les Etats-Unis, ayant trouvé un job en or peu de temps après avoir obtenu son diplôme de fin d'études.

Ben, quant à lui, jongle entre son poste de professeur et des contrats de photographie de plus en plus fréquents, lui faisant toucher son rêve du bout des doigts.

Pour ma part, mon stage linguistique se terminant, je me donne jusqu'à la fin de l'été pour décider de quoi sera fait mon avenir. La seule chose dont je suis sûre, c'est que j'ai envie que Ben en fasse partie.

Jane se redresse sur son siège à l'approche de la maison, visiblement toute aussi émue que moi à l'idée de passer nos dernières vacances tous ensemble. Face à l'évidence de nos vies qui évoluent et se dispersent, nous avons décidé de nous octroyer ces vacances tant que cela était encore possible pour nous tous.

Quand je sillonne la petite allée qui mène à la maison, rien ne semble avoir changé. Comme si le décor était figé, gardant en mémoire tout ce qui s'y est passé. Une fois sortie de voiture, l'envie me prend de me rendre directement dans le jardin, comme je l'avais fait l'année dernière. Un sourire en coin, je veille cette fois-ci à ne pas trop m'approcher de la piscine afin de ne pas provoquer mon frère qui pourrait être tenté de me pousser de nouveau à l'eau. Tout me semble si familier. La balancelle, le bruit des vagues et notre joyeuse bande qui retrouve l'intimité de cette parenthèse enchantée.

Je me dirige ensuite vers ma chambre, que je vais occuper avec Ben cette fois-ci. Alors qu'il monte nos valises, il m'adresse un sourire qui en dit long. Il semble ému, lui aussi.

- J'hésite à occuper la chambre d'à côté pour que tu m'y rejoignes en douce la nuit, histoire de retrouver ce petit goût d'interdit, me tente-t-il.

- Chiche, le défié-je dans un clin d'œil.

Il semble hésiter, se demandant si je suis sérieuse. Je ris en l'attrapant par le col de son t-shirt pour le ramener contre moi :

- T'as plutôt intérêt à rester avec moi, tu m'as manqué, négocié-je avant de l'embrasser.

Tout juste rentré de deux semaines passées à l'étranger pour un contrat photo, l'appartement m'a paru terriblement vide sans lui. Ce fut la première fois que je me retrouvais seule dans l'appartement depuis que j'avais emménagé chez lui peu de temps après sa déclaration devant ma porte. Et j'ai été frappée de constater que ce que j'aimais tant dans cet appartement, c'était lui. Où que j'aille, je sais maintenant que je s'il est avec moi, je me sentirai chez moi.

***

Ben

Alors que j'ouvre les volets bleus de la maison familiale, je suis touché par un mélange de sensations nouvelles. Je suis à la fois heureux d'y être de retour, et nostalgique. Savoir que cette maison a abrité mes premiers émois avec Flavie la rend encore plus spéciale à mes yeux que le patrimoine qu'elle représente dans ma famille. Perdu dans mes pensées, mon regard se reconnecte immédiatement en la voyant passer dans mon champ de vision. Ces deux dernières semaines sans elle ont été interminables et il me tarde de me retrouver enfin seul avec elle.

Après s'être installés, je m'active à me préparer dans la salle de bain en vue de notre première soirée. Quand je reviens dans la chambre pour enfiler mes vêtements, Flavie n'y est plus. Le vent souffle par la baie vitrée, et un réflexe me pousse à regarder en direction de la plage. Un sourire triste naît sur mon visage au souvenir de cette vision me ramenant un an plus tôt, à une période qui fut compliquée pour nous. Je me presse de m'habiller et pars à sa rencontre.

Comme je le pressentais, je la retrouve assise au bout de ce ponton où tout avait basculé. Je viens m'asseoir derrière elle, mes jambes de part et d'autre de son corps, et enroule mes bras autour de sa taille en posant mon menton sur son épaule. Je ne peux m'empêcher de déposer de petits baisers sur la peau fine de son cou, trop proche de mes sens pour que je puisse y résister.

Après un moment à savourer nos retrouvailles, je romps le silence dans une impulsion :

- Si j'avais su à quel point tu me rendrais fou de bonheur, je t'aurais demandé de m'épouser ce soir-là. Pour que ce joli ponton soit marqué d'un bon souvenir, me justifié-je.

- Je t'aurais répondu que tu étais fou, s'amusa-t-elle.

- Ah oui ?

Elle hoche la tête en souriant, puis m'embrasse avec tendresse avant de reprendre sa posture initiale face à l'horizon.

- Et si je te le demandais maintenant, tu dirais quoi ? lui chuchoté-je à l'oreille, le cœur fou.

Un frisson la parcourt, si fort qu'il se répercute en moi comme un écho. Elle se tourne légèrement sondant mon regard quelques secondes comme pour s'assurer que je suis sérieux :

- Je te répondrais que tu en as mis du temps, me taquine-t-elle dans un souffle.

Je souris dans un soupir, puis fouille ma poche à la recherche de l'écrin qui me suit depuis un bon bout de temps maintenant :

- J'attendais juste le bon moment, tu as failli tomber sur cette petite boîte un nombre incalculable de fois, lui avoué-je en l'ouvrant pour qu'elle y découvre la bague que j'ai choisie pour elle.

Elle tend sa main, les yeux brillants de larmes, et j'y glisse l'anneau avec une satisfaction inexplicable.

- Bon, ton frère n'est pas au courant. Évite de me larguer cette fois-ci s'il te plaît, rigolé-je, tellement soulagé qu'elle ait dit oui même si j'avais peu de doutes.

- Aucun risque, s'empourpre-t-elle avant de se blottir contre moi et de m'embrasser avec délice.

FIN