Chapitre 20

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Flavie

- Tu sembles triste ce soir, s'étonne Jane en s'installant à côté de moi près du feu.

- Oui, un peu, avoué-je.

J'aimerais pouvoir lui dire que ce n'est que la perspective de la fin du séjour qui me mine le moral. Mais Ben et Romain occupent tour à tour mes pensées. Je fais souffrir l'un en pensant éviter de faire souffrir l'autre. Et je suis perdue à mi-chemin entre les deux, ne voulant pas avoir à choisir de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. J'aimerais que le tout s'équilibre parfaitement en un claquement de doigts.

- C'est à cause de ton frère que tu te mets dans cet état ? me chuchote-elle soudain.

- En grande partie, oui...

- Mais je ne vois pas en quoi il aurait son mot à dire dans cette histoire.

- Il a pourtant été très clair sur le sujet, et à plusieurs reprises, rétorqué-je dans un rire jaune.

- Tu sais, je suis convaincue qu'il préfère te savoir heureuse avec Ben, en qui il a confiance, plutôt que malheureuse avec n'importe quel autre homme. Ton histoire avec Rémi a laissé des traces sur lui aussi tu sais, même s'il n'a rien montré. Il était vraiment furieux.

- Je ne m'en rendais pas compte... Je suis désolée, ça a dû resurgir sur toi aussi du coup.

- Mais non, ne t'inquiète pas. C'est du passé, oublions ça.

Je relève le regard en direction de Ben qui triture un petit bout de bois pour occuper ses mains. L'accélération de mon rythme cardiaque ne ment pas sur ce que je ressens pour lui. Mais je ne cesse de me sentir bloquée dans mon élan par ce frein invisible que mon frère a installé des années plus tôt dans ma tête. Je mise gros sur mon retour à Londres qui va me permettre de m'isoler pour tenter d'y voir plus clair et prendre la décision qui me conviendra le mieux.

Une fois dans ma chambre, je ne cesse de tourner dans mon lit, ne parvenant pas à trouver le sommeil. Ben est là, juste à côté. Il me suffirait de parcourir les quelques mètres qui me séparent de sa chambre pour trouver l'apaisement. Mais je sais que les doutes réapparaitraient avec le lever du soleil et que ce serait reparti pour un tour. Prise d'une impulsion soudaine, je me relève pour farfouiller dans ma valise à la recherche du t-shirt emprunté à Ben l'autre jour. Quand je remets la main dessus, mon corps crie victoire. Je plonge mon nez dans le coton imprégné de son parfum qui agit comme un anesthésique. J'enfile le vêtement et mon cerveau se laisse duper, me permettant de m'endormir avec le sentiment d'être auprès de lui.

***

Installée au volant de la petite voiture de location, je regarde une dernière fois la maison de vacances, déjà nostalgique de tout ce que j'y ai vécu. Ben referme la porte puis remonte la petite allée jusqu'à la route. Il m'adresse un sourire pincé en passant devant ma vitre puis rejoint la banquette arrière de l'autre voiture.

- Il y a un malaise ? s'interroge Jane.

- Oui, confirmé-je sans plus de détails.

Si je lui ai exposé mes craintes vis-à-vis de mon frère hier soir, je me suis bien gardée de donner les détails de ma dernière conversation avec Ben. Je crains qu'elle ne me prenne pour une folle, alors je préfère laisser planer le doute.

Gênée par mon comportement de la veille envers lui, je ne sais comment me comporter avec Ben quand je me retrouve assise à côté de lui dans l'avion. Chaque cellule de mon corps réclame son contact, tandis que mon cerveau placarde ses parois avec des revendications longues comme le bras. Il sort sa tablette et lance un épisode d'une série que nous avions commencé à regarder ensemble puis me tend l'un de ses écouteurs. Je l'interroge du regard, auquel il répond par un petit sourire en coin comme s'il m'avait déjà à moitié pardonnée. Les larmes menacent de jaillir tant je le trouve parfait. Je ravale non sans mal mon émotion et installe l'écouteur dans mon oreille.

Arrivés à Londres, mon frère me gratifie d'un câlin pour manifester à quel point il était content que nous passions ces vacances ensemble avant que chacun reprenne sa route pour rentrer chez lui. Dans le taxi qui nous ramène chez nous, Ben ne décroche pas un mot, occupé à observer la ville comme s'il la découvrait à nouveau. Pour ma part, la seule vision que j'ai du trajet sont mes doigts qui se triturent. Il monte ma valise jusque devant ma porte puis marque une pause, une main dans la poche de sa veste :

- Bon..., tente-t-il sans conviction.

J'acquiesce bêtement, complètement muette et paralysée sur place. Devant mon absence de réaction, il traverse le couloir pour rentrer chez lui. J'ouvre finalement ma porte et rentre ma valise à l'intérieur pendant qu'il fait de même de l'autre côté du palier. Parfaitement synchronisés, nous retirons nos clés de notre serrure puis son regard accroche le mien. Il pousse doucement sa porte, gardant la tête dans l'embrasure pour me regarder jusqu'au bout. Voyant que je me prête au même jeu, son sourire s'étire au fur et à mesure que sa porte se referme et je ne peux réprimer l'amusement que je ressens moi aussi. Décidément nous sommes de vrais gamins, et je crois que c'est ce que j'aime en lui. J'adosse ma tête contre la porte en soupirant, consciente que tout est désormais entre mes mains.

À deux pas de chez toiWhere stories live. Discover now